Salomon : "les nouveaux skis demandent deux fois moins d'efforts pour s'amuser"

Dans une interview à la tribune.fr, Jean-Luc Diard, président de Salomon révient sur la conception des skis. Pour un chiffre d'affaires de 645 millions d'euros, Salomon investit 5% dans la recherche et développement. Le tout pour concevoir des skis capables de s'adapter à votre style.

La Tribune: Que fait-on pour concevoir un bon ski?

Jean-Luc Diard: Vous devez maîtriser plusieurs composantes techniques, notamment la tribologie, qui est tout ce qui concerne la science de la friction et des frottements. Le ski est un engin qui glisse et frotte sur la neige. On doit faire face à deux éléments antagonistes, alors qu'on recherche le meilleur glissement. En fait, on roule sur des gouttelettes d'eau. On a créé de la chaleur qui a transformé la neige en eau. Il faut que la tension superficielle de ces gouttelettes soit faible pour qu'elles s'évacuent rapidement.Par ailleurs, on doit aussi contrôler le ski à travers la pression qu'on exerce sur la neige de façon à freiner la vitesse et à aller dans la direction choisie. C'est un peu comme le réglage d'une Formule 1: on va vite en ligne droite mais on doit contrôler la trajectoire dans les virages.

Quels sont les points importants pour ce contrôle?

Tout se passe dans le centimètre à côté de la carre, c'est-à-dire 75 millimètres sous le pied et plus exactement dans les 5 à 6 millimètres sur chaque bord (droit et gauche). La carre va permettre de contrôler la direction et la vitesse en coupant la neige, plus ou moins dure selon les conditions. On passe alors dans la gestion dynamique des pressions. Quand vous êtes sur un ski, vous êtes sur une lame. Sur un côté, vous allez déformer cette lame et vous devez gérer une pression qui va vous donner du pivotement. Si vous mettez beaucoup de pression sur le pied, vous obtiendrez un ski qui va pivoter facilement mais qui sera moins stable. Si la pression se situe aux extrêmités, le ski sera stable mais plus difficile à faire tourner. Enfin, il faut gérer les pressions en fonction de la neige, mais aussi du poids du skieur et de sa façon de skier.

Comment faites-vous?

On part d'une définition géométrique et on essaye de passer sur un système intelligent qui va réagir en fonction du skieur. Sur des skis, vous êtes une masse en action. Selon votre vitesse, votre puissance musculaire et votre volonté de faire un virage court ou long, vous allez modifier les pressions. On essaye de permettre aux skieurs de jouer avec cela et de démultiplier les effets. Au niveau de la recherche, c'est d'abord du calcul de structure avec différents modèles, mais un ski ressemble à une aile d'avion. Il y a des contraintes en flexion, en torsion et en vibration.On bâtit une structure avec un mélange de matériaux, de système d'amortissement qui va répondre à un certain type de pression que vous voulez exercer sur la neige. Un ski souple pivotera facilement mais sera instable. Un ski raide en torsion accrochera très bien mais sera difficile à mener dans les virages.

Il s'agit donc d'une recherche entre fluide et rigide?

Pour combiner de manière intelligente, il faut reconnaître les moments où le skieur a besoin de quelque chose de vraiment solide, qui va tenir toutes les charges, et d'autres moments où le produit doit être fluide, capable de réagir aux moindres battements de cils.
On entre dans un troisième étage, qui concerne l'interface entre les fixations et le ski. Les cales de hauteur, qui représentent un tiers de la longueur du ski, vont aider à jouer sur les pressions. Dès lors que vous mettez un point rigide au milieu du ski ,comme un couple chaussure et fixation, votre lame ne va pas se déformer de manière naturelle: elle va se plier à l'avant et à l'arrière, avec un bloc rigide sous le pied.Or, on souhaite que la lame se développe de manière naturelle, pour obtenir une répartition fluide et homogène sur la neige. Au travers de l'interface ski-fixation, on filtre d'abord beaucoup de vibrations, qui ont tendance à fatiguer les skieurs. On met en place d'autres systèmes d'amortissement pour éviter que le ski ne se déforme trop violemment.

Qu'obtient-on sur les pistes?

Au final, lorsque le skieur part en glissade, son ski doit entrer naturellement dans le virage sans faire d'effort. Après, il faut que le ski tienne son appui lorsque la vitesse s'accélère. Avec le travaille sur les géométries, on peut choisir les bonnes largeurs pour le hors piste en poudreuse, ou pour la neige damée.

Qu'avez-vous comme outils pour calculer ces torsions et ces pressions?

Nous avons des systèmes de conception assistée par ordinateur qui incorporent des calculs par éléments finis. Ils permettent de définir, en fonction des matériaux et de l'épaisseur utilisée, la distribution de pression sur la neige. Pour les vibrations, on fait appel à des pots vibrants, qui permettent de regarder comment une structure se comporte en état de vibrations. Avec des films à 2000 images secondes, on regarde comment le ski se déforme. On place aussi des capteurs d'effort à différents endroits pour récupérer des mesures intéressantes. Autre élément intéressant, on va mesurer en dynamique l'effort musculaire du skieur, notamment son rythme cardiaque en fonction de son style. Quand on aborde la haute performance, on fait entrer en jeu des mesures chronométriques.


Vous travaillez chez Salomon depuis vingt ans. Comment a évolué la technologie au cours de ces 20 ans?

La technologie était primordial il y a vingt ans. Aujourd'hui, on ne trouve plus de mauvais produits. En revanche, l'aspect du produit a pris une place importante.

Pour les skieurs âgés, les nouveaux skis sont parfois difficilement maîtrisables. Que faut-il faire?

Il ne faut pas hésiter à prendre une à deux heures de cours avec un moniteur. Ces nouveaux skis demandent deux fois moins d'efforts pour s'amuser et pour atteindre un geste naturel et fluide. C'est encore plus vrai pour les femmes.

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