Femme de journaliste en danger

Dans "Un Coeur invaincu", Michael Winterbottom filme avec sobriété le cauchemar vécu par Mariane Pearl pendant l'enlèvement de son mari, journaliste américain, en janvier 2002 à Karachi, avant d'être assassiné. Angelina Jolie s'investit à fond dans le rôle de cette femme torturée d'angoisse mais farouchement déterminée à ne pas céder à la panique.

Dans les récits d'histoires réelles et dramatiques, on sait gré aux réalisateurs qui font preuve de sobriété et de décence, ne cédant pas à la tentation de dramatiser des tragédies qui le sont suffisamment sans en rajouter. L'anglais Michael Winterbottom est de ceux-là. Adaptant le récit de la journaliste française Mariane Pearl sur l'enlèvement et l'assassinat de son mari, en 2002 au Pakistan, non seulement il évite de tirer sur la corde sensible, mais en outre il ne s'aventure pas dans l'inconnu, ne relatant que les faits avérés, s'interdisant de broder sur les conditions de détention de Daniel Pearl et sur les tortures qu'il a subies, lesquelles resteront, sans doute à jamais, inconnues.

Cinéaste prolifique et polyvalent qui a sorti l'an dernier deux films très différents, l'un documentaire, "The Road to Guantanamo", l'autre comédie historique, "Tournage dans un jardin anglais", Winterbottom s'en tient cette fois au livre éponyme de Mariane Pearl et fait revivre avec un maximum d'intensité le mois d'angoisse qu'elle a vécu, fin janvier 2002, après le kidnapping de son mari, journaliste américain, par des activistes pakistanais. Ce livre, elle l'a publié en novembre 2003, en contrepoint à celui, très controversé, écrit par Bernard-Henri Lévy quelques mois auparavant.

Au dernier festival de Cannes, le film était présenté hors compétition, en présence et avec le soutien de la veuve du journaliste qui se félicitait de l'appui apporté à la production par deux immenses stars d'Hollywood - qui ont du même coup redoré leur blason -, Brad Pitt, le producteur à travers sa société Plan B Entertainment, et son épouse Angelina Jolie. Elle-même enceinte pendant le tournage tout comme l'était Mariane au moment des faits, Angelina s'est complètement investie dans son personnage et l'interprète avec une totale crédibilité.

Le 23 janvier 2002, tandis que la guerre fait rage en Afghanistan, Mariane Pearl se trouve à Karachi, au Pakistan, en compagnie de son mari, journaliste au "Wall Street Journal" qui enquête sur Richard Reid, le terroriste du vol Paris-Miami. Jusque là tout va bien, le couple de jeunes époux file le parfait amour, tous deux journalistes convaincus que, malgré le lourd climat de l'après-11 septembre, le dialogue est toujours possible entre les cultures.

Le soir même, le reporter qui, par l'entremise d'un "fixer" (contact), devait interviewer l'un des chefs présumés d'un groupe terroriste, est enlevé par un mouvement djihadiste pakistanais. Aussitôt, des photos de l'otage accusé d'être un espion juif circulent sur Internet. Réfugiée dans la maison de son amie Asra, une amie et collègue de son mari établie à Karachi, Mariane se retrouve au centre d'une agitation frénétique. Enquêteurs pakistanais, policiers anti-terroristes, inspecteurs de l'agence de renseignements ISI et du FBI américains, rivalisent de nervosité en tentant de retrouver la trace du disparu.

Tourné pour une bonne partie au Pakistan, sur les lieux mêmes des faits - ce qui ne fut pas sans risques pour l'équipe - le film rend parfaitement compte du climat de tension extrême suscitée par l'affaire, avec sa cascade de vraies et de fausses nouvelles, de manipulations, de provocations aussi bien du côté des réseaux terroristes que de celui des autorités pakistanaises qui enquêtent sur l'enlèvement, sans parler de l'opacité générale, rendant suspects les chauffeurs de taxi, les "fixers", les gens de maison ...

Haletante, parfois d'une extrême violence, avec ses courses poursuites dans les rues de Karachi, l'enquête dans les milieux les plus occultes de la société pakistanaise se termine brutalement un mois plus tard, lorsque le 21 février une vidéo diffuse sur Internet l'image du corps mutilé de Daniel Pearl. Pendant sa longue attente, Mariane a toujours refusé d'envisager une fin aussi cruelle. De même, elle a refusé de voir la vidéo en question. De même le réalisateur s'est refusé à la montrer dans son film. C'est sans doute la meilleure réponse à apporter à la barbarie.



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