Grand prix du Jury du Festival de Sundance 2004, "Primer" laisse l'impression d'une longue équation compliquée. Soit x et y, Aaron et Abe, deux ingénieurs travaillant à l'élaboration de brevets (dans leur garage bien sûr) en dehors de leurs heures de bureau, dans une petite ville lambda des Etats-Unis. Ils découvrent que la machine sur laquelle ils travaillaient leur permet de... remonter le temps. Mais attention, pas question d'effusion, d'effets spéciaux (avec un budget global de 7.000 dollars, c'eût été difficile), ou de saut plusieurs années en arrière.

Non, calmement, sobrement, les deux acolytes en costume se logent dans leur engin pour reculer chaque jour de quelques heures, afin de faire des coups boursiers et d'anticiper un drame lorsqu'un trouble-fête sème la zizanie dans une soirée. Malgré la prudence de leurs expérimentations, la confusion les gagne très rapidement.

Le spectateur, lui, est totalement dépassé par les évènements depuis le début. L'histoire ne se révèle que par bribe, et encore, jamais complètement, et dans le désordre le plus strict. Que font-ils, à quel moment sont-ils ? Que font leurs doubles et qui sont-ils ? Bref, le trou noir, la prise de tête est digne d'un problème de Maths Spé, comme s'il fallait chercher avec eux la solution. D'ailleurs, la réussite de ce film novateur tient en ceci que les personnages nous entraînent avec eux dans leur embrouillamini.

Le jeune réalisateur Shane Carruth (qui incarne Aaron, sort tout droit d'une école d'ingénieur, on l'aurait parié) sème le désordre dans un décor esthétique parfaitement sobre, où le ton monotone des dialogues, l'utilisation d'une pellicule 16 mm et la prédominance de couleurs froides ajoutent à l'ambiance mathématique, un peu désuète, de la recherche.