Marc Minkowski fait vibrer Carmen

Le Théâtre du Châtelet à Paris présente une version très sombre de "Carmen", l'opéra emblématique de Bizet. Le chef Marc Minkowski redonne à la partition tout son éclat.

Après un accouchement dans la douleur, la nouvelle "Carmen" finit par s'imposer sur la scène du Châtelet. Du moins musicalement. D'abord confiée à Sandrine Anglade, la mise en scène de l'ultime opéra de Bizet, créé à grand scandale en 1875, a été retirée au dernier moment pour cause de dépassements budgétaires. Mais la production de substitution, reprise d'une mise en scène du Staatsoper de Berlin, créée en 2004 par Martin Kusej et remontée à Paris par une de ses assistantes ne semble ni très "économique" ni très "lisible" dans ses intentions.

Les tribulations de la volcanique cigarière de Séville sont vues sous un jour bien noir avec ses monceaux de cadavres et son esthétique réfrigérante qui insiste sur le côté tragique du personnage. Si bien que le spectacle détonne dans la programmation du Châtelet nouvelle manière, plus grand public, impulsée par le récemment nommé Jean-Luc Choplin.

Tout en se perdant en conjectures pour comprendre où et quand sont resituées les amours de la volage Carmen (pendant la guerre civile espagnole, semble l'hypothèse la plus probable) le spectateur voit défiler des architectures imposantes et disparates, parfois "tournantes", dans une sorte de carrousel qui donne le vertige. Bunker de béton à l'acte I peuplé de cigarières très dévêtues façon lupanar expressionniste, château d'eau au II, nef d'église en ruines au III suggérant une messe noire, enfin place de Séville où tourbillonnent des volutes de poussière et où s'ébat le choeur formant comme une arène humaine au centre de laquelle Carmen livre son dernier combat contre son amant jaloux.

Contrastant avec cette vision très sombre, la direction de Marc Minkowski est vibrante, donnant une ampleur symphonique à la partition très colorée de Bizet, particulièrement dans les prologues qui résonnent magnifiquement au Châtelet. Avec ses Musiciens du Louvre, Minkowski est reparti des fondamentaux de l'opéra comique et a repris la version originelle et intégrale, avec dialogues parlés, sans récitatifs.

Musicalement probante, son interprétation requiert une grande implication scénique de la part des chanteurs ainsi qu'une diction impeccable en français. Ce qui n'est pas toujours le cas. Si elle n'a pas exactement le profil de la séductrice ravageuse, la mezzo Sylvie Brunet, venue du répertoire baroque, campe une Carmen empreinte de gravité. Le ténor autrichien Nikolaï Schukoff qui lui donne la réplique en Don José compense une émission erratique par une forte présence physique qui en fait une victime bouleversante de sa propre passion. Quant à la prude et fidèle Michaëla, la belle prestation vocale de Genia Kühmeier est entachée d'une certaine raideur.


Châtelet, les 15, 17, 22, 26 et 28 mai, tél: 01 40 28 28 40, www.chatelet-theatre.com

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