Production et distribution d'énergie : bras de fer entre Bruxelles et EDF

Les autorités de Bruxelles veulent mettre fin à l'intégration de la production d'énergie et de la maîtrise des réseaux de distribution pratiquée par les groupes historiques du type EDF, qui entrave, selon elles, le développement de la concurrence. EDF a aussitôt réagi en s'opposant à toute séparation entre production et distribution d'énergie. Bruxelles veut également que l'UE s'engage unilatéralement à réduire ses émissions de gaz à effet de serre "d'au moins 20%" d'ici 2020.

La Commission européenne a annoncé mercredi qu'elle s'attaquerait aux grands groupes intégrés qui dominent le marché européen de l'énergie et freinent la concurrence au détriment des consommateurs.

La commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, a présenté mercredi les résultats de l'enquête entamée en juin 2005 alors que son institution rendait publiques ses propositions pour bâtir une véritable politique européenne de l'énergie, à laquelle elle entend contribuer avec ses armes.

"La lecture de ce rapport mettra mal à l'aise plus d'une entreprise du secteur de l'énergie", a-t-elle déclaré. "Le sous-investissement y est très répandu, en particulier dans les réseaux, et les consommateurs en font les frais".

"Sur la base des faits concrets contenus dans ce rapport, la Commission prendra de nouvelles mesures en application des règles de concurrence et s'emploiera à améliorer le cadre réglementaire afin de veiller à ce que les consommateurs tirent pleinement profit de la libéralisation", a-t-elle ajouté.

L'intégration verticale de l'offre, de la production et de l'infrastructure, pratiquée notamment par des entreprises comme le groupe français EDF, permettent aux opérateurs historiques de bloquer l'accès des concurrents à un marché. Et le manque d'accès aux infrastructures telles que les réseaux de transport, de distribution ou les installations de stockage est d'autant plus criant que les investissements manquent.

Selon la Commission, l'autorité italienne de la concurrence a constaté qu'un exploitant de réseau verticalement intégré avait bloqué un projet d'investissement pour priver ses concurrents de l'accès à une capacité plus importante.

La séparation entre distribution et production d'énergie - soit par transfert de propriété, soit par la gestion indépendante des infrastructures - est donc jugée nécessaire.

La concentration des marchés constitue aussi une "préoccupation majeure" pour la concurrence et, comme dans les fusions entre les groupes Suez et GDF ou entre E.ON et Endesa, l'exécutif européen entend se montrer vigilant.

Les groupes qui souhaitent fusionner devront céder des actifs et les contrats de livraison de longue durée seront examinés à la loupe par les services chargés de la concurrence, qui n'hésiteront pas à imposer des mesures correctives.

La lutte contre les "pratiques collusoires", comme les cartels pour fixer les prix, continuera d'être menée, notamment par des inspections pouvant mener à des amendes d'un maximum de 10% du chiffre d'affaire total d'un groupe.

EDF a aussitôt réagi à ces annonces de la Commission européenne. Le groupe français a réaffirmé ce mercredi son opposition à toute séparation des activités de production et de transport.

Certes, EDF, par la voix d'une de ses porte-parole, souligne son adhésion à l'objectif d'achever la construction du marché européen de l'énergie. "EDF qui réalise d'ores et déjà plus de 40% de son chiffre d'affaires en Europe hors France, s'est en effet engagé dans une stratégie de croissance européenne. Le renforcement et la coordination des autorités de régulation, la définition de règles contraignantes en matière de transparence ainsi que les mesures visant à améliorer la protection des consommateurs vont dans le sens d'un meilleur fonctionnement du marché" souligne le groupe.

La porte-parole ajoute qué le groupe avait engagé la relance de ses investissements, en particulier dans la production et les réseaux, et contribuait ainsi "de manière significative à la sécurité d'approvisionnement de l'Europe et à la lutte contre l'effet de serre", la production étant majoritaire nucléaire et hydraulique, ce qui donne une énergie indépendante à 95% des énergies fossiles.

"Pour EDF, l'achèvement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel appelle un renforcement des interconnexions et une plus grande harmonisation de la régulation des marchés en Europe mais ne nécessite pas une séparation patrimoniale des réseaux de transport et de distribution", a-t-elle dit.

Elle a souligné qu'en France, RTE, Réseau de Transport d'Electricité, filiale d'EDF, avait "totalement démontré son efficacité dans la mise en place de la concurrence en garantissant un accès neutre et non discriminatoire aux réseaux de transport de l'électricité à tout fournisseur". EDF conclut qu'il "va bien entendu poursuivre le dialogue engagé en particulier avec les services du commissaire chargé de l'énergie relatif à ces orientations".


Bruxelles propose une réduction "d'au moins 20%" des gaz à effet de serre d'ici 2020
La Commission européenne a jeté mercredi les bases d'une politique communautaire de l'énergie, visant à lutter contre le réchauffement climatique, stimuler la concurrence et réduire la dépendance de l'UE, sur fond de nouvelles tensions avec la Russie. Pour Bruxelles, "le temps d'une énergie sûre et peu chère est révolu" et il faut lancer une "nouvelle révolution industrielle" afin que l'UE devienne d'ici 2050 "une économie à forte efficacité énergétique et à faible émission de CO2". Constatant que "l'énergie représente 93% des émissions de CO2" et est donc "à l'origine du changement climatique", la Commission estime que les pays développés, les Vingt-Sept en tête, devraient se fixer pour objectif de réduire de 30% leurs émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d'un nouvel accord international succédant à l'actuel protocole de Kyoto qui expire en 2012. Mais, dans l'attente de cet éventuel accord, Bruxelles propose que l'UE s'engage déjà unilatéralement à réduire ses émissions "d'au moins 20%" d'ici 2020. Dans le cadre de Kyoto, les pays développés doivent déjà réduire leurs émissions de 5% en 2012 par rapport à 1990, et l'UE de 8%. La Commission plaidera donc pour de fortes économies d'énergies et surtout des investissements dans les énergies renouvelables (électricité, chauffage et refroidissement, biocarburants), dont la part serait portée à 20% d'ici 2020, alors que l'UE n'en est qu'à 7% actuellement.

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