Rétrécir pour mieux repartir

David Lescot met en scène "Un homme en faillite", pièce sensible et drôle où un individu poussé au dénuement se détache progressivement de la réalité.

C'est l'histoire d'un homme qui rétrécit. Comme le héros de Kafka se transforme en coléoptère, celui-ci devient tout petit. Une "métamorphose" finalement bienvenue pour lui qui n'a plus rien. Surendetté, victime de ce que l'on appelle désormais communément un "accident de la vie", il est poussé à se défaire de la totalité de ses biens et se réfugie dans une voie plus fertile que jamais: l'imaginaire.

David Lescot, qui a écrit et mis en scène la pièce, est partie d'une situation sociale contemporaine tragique et l'a tournée à la fable. On est loin du pathos que laisse suggérer la situation initiale. Pascal Bongard joue l'incrédulité d'un homme dépassé, déconnecté de la société qui l'entoure. Sa dette de 24.664 euros qu'il a laissé s'étendre doucettement, il la prend bien moins au sérieux que le mandataire liquidateur (Scali Delpeyrat) qui fait intrusion chez lui. "Le ver est dans le fruit, indique celui-ci d'une voix presque enjouée, votre patrimoine est vicié, il faut le purger". Et de fait, les disques, la vaisselle, l'horloge même, tout doit disparaître pour permettre de redémarrer. La loi est ainsi: les dettes seront acquittées une fois les biens personnels liquidés.

D'abord subie - sans véhémence toutefois - la dépossession des biens deviendra volontaire. Plus d'objets, plus de femme. Plus d'attache. C'est à partir de là que notre homme commencera à rétrécir. Et la pièce de partir dans des limbes toujours plus loufoques, poétiques et souvent drôles (l'épopée burlesque que constitue l'escalade d'un frigidaire est un grand moment). Sur un sujet délicat, David Lescot emprunte des chemins que l'on n'attendait pas. Il le fait sobrement, avec humilité et sensibilité.


"Un homme en faillite", jusqu'au 24 mars au Théâtre des Abbesses à Paris. Tél: 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com

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