Pirandello et le théâtre de l'imaginaire

Laurent Laffargue met en scène la dernière pièce inachevée du célèbre auteur italien. Un conte entre rêve et réalité.

"Les Géants de la montagne" est la dernière pièce, restée inachevée, de Luigi Pirandello. Une pièce à la fois sombre - où la menace du fascisme gronde en arrière-plan - et fantasque par son univers délirant, entre rêve et réalité. Le rideau s'ouvre sur la "villa de Coltrone". De "villa", elle n'a que le nom. Elle suggérerait plutôt un entrepôt désaffecté, avec ses bouches d'égouts sortant des murs et ses remparts surmontés de grillages. Une troupe d'acteurs déchus y trouve refuge, accueillie par ses habitants, six hurluberlus tout droit sortis du "Freaks" de Tod Browning dont le chef, Coltrone (Hervé Pierre qui joue de son texte avec truculence), ne jure que par la magie du théâtre.

La rencontre des deux groupes paraît inespérée. L'un sillonne les routes avec l'espoir de pouvoir jouer une pièce dont personne ne veut - "La Fable de l'enfant échangé", qui est aussi le titre d'une pièce de Pirandello, censurée en son temps par le régime fasciste de Mussolini -, l'autre ne cherche qu'à encourager le déploiement de l'imaginaire.

Dès les premières minutes, l'atmosphère poétique et cocasse est parfaitement installée et, excepté un passage à vide en son milieu, la pièce maintient cette ambiance jusqu'à la voir exploser dans un tourbillon fiévreux durant la dernière heure. Laurent Laffargue fait preuve d'une belle inventivité lorsqu'il est question de mettre en scène les visions extravagantes de Pirandello. Une folie cauchemardesque où les pantins sans visages s'animent sous les rythmes d'une musique de cirque, où les voix se déforment et où les acteurs jouent des masques et se laissent saluer par des applaudissements enregistrés. Quant à l'absence du dernier acte, il n'est pas fâcheux. Au contraire, cette fin en suspens qui annonce l'arrivée vrombissante et inquiétante des géants, offre à l'imaginaire une liberté grandiose.


"Les Géants de la montagne" de Luigi Pirandello jusqu'au 27 janvier au Théâtre de la Ville, 2 Place du Châtelet, Paris, 4e. www.theatredelaville-paris.com. Tél. : 01 42 74 22 77.

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