Le changement à la tête de Capitalia favorise Vincent Bolloré et Santander

Le patron de Capitalia, Cesare Geronzi, va faire révoquer jeudi son administrateur délégué, Matteo Arpe. Un changement qui pourrait ouvrir la porte de la banque à Vincent Bolloré et au Santander espagnol, auxquels Arpe s'opposaient. L'enjeu est aussi le contrôle de Mediobanca et de l'assureur Generali.

L'administrateur délégué de la quatrième banque italienne, Capitalia, Matteo Arpe, est sur le départ. Sa révocation est en effet placée à l'ordre du jour du conseil d'administration de la banque qui aura lieu demain jeudi. Capitalia l'a annoncé mardi soir sur requête du gendarme boursier italien, la Consob. Le titre Capitalia avait en effet sérieusement dévissé mardi sous le coup des rumeurs du départ de Matteo Arpe, perdant 3,91 % à la Bourse de Milan.

Désormais officialisée, la révocation de Matteo Arpe devrait de nouveau chahuter l'action Capitalia ce mercredi matin. Le jeune banquier est en effet aussi associé avec la hausse du titre de 356 % depuis sa prise de fonction en juillet 2003.

Pour contenir une réaction négative des marchés financiers, Capitalia a pris soin toutefois de préciser que le conseil d'administration de la banque planchera non seulement sur la révocation de Matteo Arpe mais aussi sur "le transfert des pouvoirs à un autre administrateur", histoire de combler immédiatement le vide.

La révocation de Matteo Arpe, 42 ans, met un point final à plusieurs mois de dissensions entre lui et le président de Capitalia, Cesare Geronzi, 71 ans (voir La Tribune du 19 janvier 2007). Pour le puissant patron et fondateur de Capitalia, Cesare Geronzi, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase est l'hostilité d'Arpe à une ouverture du capital de la banque à la banque espagnole Santander et au Français Vincent Bolloré.

Alors que Cesare Geronzi se félicitait récemment publiquement de l'intérêt manifesté par l'établissement espagnol et le financier breton pour Capitalia, Matteo Arpe avait usé d'une métaphore historique pour faire comprendre qu'il n'est pas opportun d'appeler au secours des étrangers comme Santander et Bolloré pour protéger une banque italienne.

Valorisée 18,2 milliards d'euros en Bourse, Capitalia est en effet considérée comme la prochaine proie dans un secteur bancaire italien qui a connu l'an dernier une rapide consolidation avec le rachat de la BNL par BNP Paribas, la fusion de Banca Intesa et de Sanpaolo IMI (créant le premier établissement du pays) et plusieurs rapprochements entre des banques populaires importantes.

Le pacte d'actionnaires de Capitalia, qui se réunira jeudi juste avant le conseil d'administration, ne fédère que 31 % du capital et est composé d'un grand nombre de membres. Or le bruit a récemment couru en Italie que Vincent Bolloré et Santander avaient ou voulaient acquérir ensemble une participation significative dans Capitalia. Il était même question de 10 % de Capitalia, ainsi garanti auprès "de quelques amis de confiance" de Vincent Bolloré et du président du Santander, Emilio Botin.

"Après la fusion Intesa-Sanpaolo Emilio Botin [actionnaire de Sanpaolo, NDLR] voulait quitter l'Italie: je l'ai rencontré pour le convaincre que cela valait la peine de rester pour y travailler et de toute évidence j'ai réussi à le convaincre" a affirmé récemment Vincent Bolloré, tout en démentant avoir franchi le seuil de détention de 2% du capital de Capitalia soumis à une déclaration auprès de la Consob.

Contre toute attente, Cesare Geronzi peut se prévaloir contre son administrateur délégué du soutien du principal actionnaire de Capitalia, la banque néerlandaise ABN Amro. Après avoir révélé en septembre dernier s'être opposé avec succès à une montée en puissance d'ABN Amro dans Capitalia, le président de la banque romaine a apparemment réussi à renouer le dialogue avec ses actionnaires bataves. ABN Amro, détenant 7,7 % de Capitalia, a notamment soutenu le mois dernier la réinstallation de Geronzi au poste de patron de la banque malgré sa condamnation en première instance dans un scandale financier.

Aussi, fort de ce soutien, Cesare Geronzi devrait obtenir sans grande difficulté demain la révocation d'Arpe mais aussi la nomination de son remplaçant. Prévue vendredi matin, la présentation des résultats annuels 2006 de la banque par Matteo Arpe devrait donc en toute logique être annulée ou reportée. Au-delà du sort même de Capitalia, la partie en cours est très importante par ses répercussions sur l'ensemble du secteur financier transalpin.
Capitalia est en effet le premier actionnaire de la célèbre banque d'affaires Mediobanca (9,4 % du capital), cette dernière détenant la participation la plus importante dans l'assureur Generali (14,1%).

Tout changement au sein de Capitalia est susceptible de modifier les savants et fragiles équilibres entourant la galaxie Mediobanca. "Capitalia doit rester indépendante et italienne pour maintenir les équilibres nécessaires à l'indépendance de Mediobanca" a d'ailleurs souligné récemment Vincent Bolloré comme pour justifier son intérêt pour cette banque romaine.

En entrant au capital de Capitalia avec des alliés le financier breton aurait les coudées franches pour soutenir son ami Antoine Bernheim, dont le mandat de président à la tête de Generali est soumis au vote de l'assemblée générale des actionnaires de l'assureur à la fin avril. Alliant l'influence de Capitalia dans Mediobanca et son propre poids au sein de cette banque d'affaires (9,52 % pour son groupe des actionnaires étrangers: Dassault, Groupama, Santander et lui-même), Vincent Bolloré pourrait facilement assurer le maintien de son ami Antoine Bernheim à la tête de Generali.Santander serait également un allié sûr d'Antoine Bernheim, la fille du patron de la banque espagnole, Ana Patricia Botin, siégeant au conseil d'administration de l'assureur et l'ancien banquier de Lazard siège à celui du Santander.

L'omniprésence de plusieurs financiers étrangers dans les soutiens de Cesare Geronzi (ABN Amro, Bolloré et Santander) pourrait toute fois se retourner contre lui. Il n'est pas certain que les dirigeants politiques italiens de droite (la holding de Silvio Berlusconi détient une participation de 1,12% dans Capitalia) comme de gauche ne s'opposent pas à cette montée en puissance "d'amis" étrangers de la banque romaine. Il en va en effet de plusieurs fleurons de la finance transalpine, de Mediobanca à Generali.

On se souviendra de la tempête provoqué en 2003 par les opérations de Vincent Bolloré au capital de Generali : Cesare Geronzi et Alessandro Profumo, administrateur délégué d'Unicredit, s'étaient unis pour défendre "l'italianité" de l'assureur, mise en danger selon eux par le financier breton et son ami Antoine Bernheim.
La hache de guerre pourrait rapidement être déterrée de nouveau, peut-être par Alessandro Profumo encore silencieux sur ce dossier.

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