La ministre de la communication promet une rallonge à la suite de la grève dans l'audiovisuel public

Les émissions de Radio France et de France Télévisions sont très perturbées aujourd'hui, après l'appel à la grève lancé par les syndicats. Les salariés de l'audiovisuel public s'inquiètent de l'annonce de la suppression de la publicité sur ses antennes et s'interrogent sur les compensations financières qui seront apportées.

"On verra en 2008 ce qu'il faudra apporter en plus, puisqu'on sait qu'il va y avoir du manque à gagner dès 2008. Ce sera sûrement une dotation budgétaire", indique Christine Albanel, ce mercredi 13 février sur France 5. Cette rallonge budgétaire sur laquelle la ministre de la Culture et de la Communication s'engage devrait compenser le manque à gagner subi par France Télévisions dès 2008 du fait de l'annonce de la suppression de la publicité.

Cette déclaration intervient après la grève de vingt-quatre heures qui a très fortement perturbés ce mercredi les télévisions et radios publiques en réponse à l'annonce par Nicolas Sarkozy du projet de suppression de toute publicité.

La plupart des journaux d'information sur Radio France et les chaînes de France Télévisions ont été soit remplacés par de la musique, soit perturbés avec des diffusions ponctuelles ou des présentations inhabituelles. Mercredi matin, il n'y avait pas d'antenne sur France Inter et le journal de la mi-journée à 13 heures ne devait pas avoir lieu. L'antenne de France Info était fortement perturbée, avec seulement quelques journaux assurés toutes les demi-heures ainsi que les chroniques. Les autres radios publiques étaient elles aussi affectées. Dans la matinée, 18,16% de grévistes ont été comptabilisés à Radio France, selon la direction.

Le mouvement était également bien suivi à France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO). France 2 a diffusé la série américaine "Friends" à la place de l'émission d'information de Télématin, présentée par William Leymergie. Le journal de 13 heures a été annulé. France 3 ne devait pas être en mesure de diffuser sous leur forme habituelle les éditions d'information de la mi-journée (12-13) et du soir (19-20). En revanche la diffusion des Victoires de la musique classique devrait être maintenue, en direct de Toulouse à 20h50.

Une manifestation nationale est prévue dans l'après-midi à Paris entre la place de l'Alma et le rond-point des Champs-Elysées.

Cette grève de l'audiovisuel public est sans précédent depuis l'éclatement de l'ORTF en 1974. L'ensemble des organisations syndicales de toutes les entreprises de l'audiovisuel public (Radio France, RFI, France Télévisions, TV5) "exigent la pérennité du service public audiovisuel, de son financement, de son périmètre et le respect du pluralisme", après l'annonce de la fin de la publicité dans le secteur public par Nicolas Sarkozy début janvier.

L' intersyndicale avait été reçue mardi matin à l'Elysée pour une "première réunion de travail" avec les conseillers de l'Elysée Georges-Marc Benamou, Raymond Soubie et le secrétaire général adjoint de l'Elysée, François Pérol. Leurs craintes n'ont pas été apaisées sur le financement de la mesure, toujours inconnu.

Nicolas Sarkozy doit se prononcer "prochainement" sur le dossier, selon un communiqué du porte-parole de la présidence, David Martinon. Concernant l'audiovisuel extérieur, il est par ailleurs "possible" que le président de la future holding regroupant RFI, France 24 et TV5Monde soit nommé vendredi, selon un proche du président.

En attendant, la question du financement de la suppression de la publicité sur France Télévisions, dont le manque à gagner est évalué à 1,2 milliard d'euros, reste floue.

L'Elysée indique avoir "confirmé" la "règle de compensation euro pour euro" des recettes publicitaires perdues. Lors de la réunion, les syndicats ont été assurés une nouvelle fois qu'il n'y aurait pas de privatisation et que le périmètre de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO) serait maintenu.

Mais pour combler le déficit publicitaire, qui devrait concerner aussi Radio France, "ils s'interrogent sur tout... cela nous inquiète", a commenté Jean-François Téaldi, porte-parole de l'intersyndicale, à l'issue de la rencontre. Plusieurs pistes continuent d'être évoquées: taxation des opérateurs de téléphonie mobile et d'Internet, des recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées, qui devraient bénéficier d'un report de "60 à 90%" des recettes du groupe public, selon les études commandées par le gouvernement, a précisé Jean-François Téaldi. La taxe des produits électroniques (téléviseurs...) est également à l'étude.

L'intersyndicale a fait part de sa "grosse déception" concernant la hausse de la redevance qu'elle souhaite, et que l'Elysée semble écarter. Les syndicats veulent mettre en avant cette revendication dans la manifestation de mercredi. Si parmi les parlementaires qui suivent les dossiers audiovisuels, l'idée d'obtenir une partie de la compensation via l'augmentation de la redevance (116 euros depuis 2002), ressource affectée à l'audiovisuel public, est de plus en plus souvent évoquée, elle a du mal à séduire les autres, confrontés sur le terrain aux difficultés de pouvoir d'achat de leurs électeurs.

Lundi, le PDG Patrick de Carolis avait reçu l'intersyndicale du groupe. Il l'a informée des démarches entreprises auprès du gouvernement. Dans un courrier aux ministres de la Culture et des Finances, il a demandé la convocation d'un Conseil d'administration extraordinaire le 27 février "au cours duquel il fera le point sur les conséquences de la suppression de la publicité et les différentes pistes envisagées", a précisé la direction du groupe public à l'AFP.

Dans ce courrier, le PDG fait savoir que l'annonce de la suppression de la publicité "provoquera probablement une perte de recettes publicitaires sur l'année 2008". "Or, si on veut maintenir les hypothèses du budget 2008, il faut une substitution de la recette perdue. On attend des engagements sur ce point", a précisé la direction.

Dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de compensation, M. de Carolis a évoqué la possibilité de "réduire la voilure" en 2008, notamment les programmes achetés à l'extérieur aux producteurs indépendants, a expliqué à l'AFP le porte-parole de l'intersyndicale, Jean-François Téaldi.

Selon l'intersyndicale, le manque à gagner sur les rentrées publicitaires prévues en 2008, "pourrait être de 20%, soit 160 millions d'euros sur un budget de 850 millions d'euros". Et, au total, "l'ensemble des besoins" pour préparer les programmes de remplacement de la publicité et la restructuration de la régie publicitaire, évalués à 70 millions d'euros, porterait le besoin de financement pour 2008 "à 260 millions d'euros", estiment les syndicats. Ce chiffre est néanmoins démenti par la direction. L'intersyndicale était déjà ressortie "plus inquiète que jamais" de cette réunion.

Outre le budget 2008, c'est également le montant de recettes à compenser pour les années à venir qui est en cause. Il est évalué à 1,1 milliard d'euros, si l'on tient compte des recettes publicitaires engrangées par France Télévisions en 2007 (840 millions d'euros) et des programmes de remplacement à produire.

Menacées d'une taxe, TF1 et M6 sont montées au créneau auprès des cabinets ministériels et des parlementaires pour minimiser les besoins de France Télévisions, estimés à plus d'1 milliard d'euros. Dans Le Monde, le 25 janvier, Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, estimait que les recettes à compenser ne dépassaient pas 650 millions d'euros, si l'on enlève les ressources provenant du parrainage et des campagnes d'intérêt national. Selon lui, en retirant également les coûts de fonctionnement de la régie publicitaire de France Télévisions, ce montant ne serait plus que de 600 millions d'euros.

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