Xavier Phillips ou le violoncelle inspiré

Le violoncelliste Xavier Phillips revient sur sa rencontre avec Rostropovitch, et son travail à ses côtés. Hommage à un mentor.

Latribune.fr- Aux Victoires de la Musique, le 13 février, vous rendez hommage à Mstislav Rostropovitch. Comment s'est passée votre rencontre?

Xavier Phillips- Ma rencontre avec lui a eu lieu dès mon plus jeune âge, à travers ses enregistrements. C'est quelqu'un que j'ai l'impression d'avoir toujours connu. J'ai tout de suite été fasciné par sa façon absolument unique de jouer du violoncelle, tellement ample, généreuse, pleine d'images et de sensualité... Sa personnalité me transportait et me motivait terriblement. Toutes les recherches que j'ai pu faire sur la sonorité ont été inspirées par son travail, ainsi que celui de David Oïstrakh.

Ma rencontre physique avec lui a eu lieu alors que je passais le concours Rostropovitch, justement, en 1990. Je l'ai rencontré au détour d'un couloir, presque de manière burlesque. J'étais encore totalement absorbé par la répétition que je venais de faire quand je suis tombé nez-à-nez avec lui dans les escaliers du Théâtre des Champs Elysées. Quand il m'a vu, il a fait "Ah! Toi! Magnifique!", puis il m'a pris dans ses bras et m'a claqué un énorme bisou, avant de continuer sa route dans les escaliers, suivi par les membres du jury. Je les ai regardé passer, totalement pétrifié (rires).

Vous avez ensuite travaillé régulièrement avec lui. Comment cela s'est-il passé?

Après le concours, il m'a proposé spontanément de venir lui jouer quelque chose de temps en temps. Donc dès que j'avais un concerto nouveau à monter, j'allais recueillir ses lumières. Avec lui, j'ai travaillé tous les plus grands concertos de violoncelle: ceux de Dvorak, Prokofiev, Chostakovitch, Schumann... En une heure de leçon, il m'apprenait des choses essentielles. Parce qu'il avait cette énergie incroyable, cette volonté de dire la musique. Il la rendait accessible par son intelligence, sa finesse et sa façon de "donner à voir" ce qu'il ressentait.

Ça n'est pas trop difficile de se démarquer de l'interprétation de son mentor?

Non, d'ailleurs je n'ai jamais eu l'impression de "faire du Rostropovitch". Il avait une personnalité tellement spéciale, une façon qui n'était qu'à lui de jouer avec la mesure, d'étirer le temps... Sa sensualité lui permettait d'outrepasser certaines limites. En dépit de toute l'admiration que j'avais et que j'aurai toujours pour lui, j'ai gardé un esprit critique, et il y a des choses avec lesquelles je n'ai jamais été d'accord. De toute façon il n'aurait pas supporté d'avoir un ersatz de Rostropovitch devant lui! Il avait une forte personnalité mais il respectait la mienne, et c'est notamment cela, qui était beau dans notre relation.

Rostropovitch était dédicataire de la "Symphonie pour violoncelle" de Britten, que vous allez jouer le 15 février, Salle Pleyel. Que vous inspire cette pièce?

Je l'ai travaillée aussi avec lui il y a très longtemps, mais à l'époque, je suis probablement passé à côté. C'est une oeuvre extrêmement profonde. L'univers de Britten est très compliqué à définir. La violence qui émerge parfois de cette musique est proportionnelle à la retenue et à la pudeur de Britten, qui est un grand poète. Difficile de mettre en valeur ces extrêmes et ces couleurs... Cela demande une gamme infinie de nuances à l'instrument. Et sur le plan technique c'est une oeuvre extrêmement difficile à défendre. Elle requiert un ensemble orchestral excellent, et c'est probablement pour ça qu'elle est rarement jouée. Mais c'est un chef d'oeuvre absolu! Britten réussit à mettre en valeur des instruments que l'on entend rarement, comme le tuba, le basson, la clarinette basse, la trompette avec sourdine, le xylophone... L'orchestration est sublime.


En concert avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France (dir. Kazushi Ono) le vendredi 15 février à la Salle Pleyel à Paris. Tél: 01.42.56.13.13. www.sallepleyel.fr
"Armenia" le 17 février 2008 à Pau (Théâtre Saint-Louis) avec Vahan Mardirossian, et Jean-Marc Phillips Varjabedian. Tél: 05 59 27 27 08. Tournée en mars 2008 avec l'Orchestre National des Pays de Savoie (Dir. Graziella Contratto) le 25 à Annemasse (Château Rouge), le 26 àChambéry (Théâtre Charles Dullin), le 28 à Annecy (Bonlieu Scène Nationale) le 29 à Autun (Théâtre municipal).
CD: Maurice Ravel, "Impressions", avec Emmanuel Strosser et Jean-Marc Phillips Varjabedian. (WEA- Lontano).

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