Elections municipales, quels enjeux financiers ?

Dans un point de vue, Michel Klopfer, consultant en finances locales et intervenant à Sciences po Paris revient sur les trois thèmes qui donnent habituellement prise sur une campagne municipale.

Trois thèmes financiers donnent habituellement prise sur une campagne municipale: la pression fiscale, l'endettement et la politique d'investissement. Il y a vingt ans, il n'y avait pas de perception d'un quelconque risque financier, aucun cas de dérive des comptes ne s'étant encore produit à l'époque. La prime à la "bonne gestion" n'existait pas, comme en témoigne la mésaventure d'un maire d'une ville moyenne, et par ailleurs éminent auteur d'ouvrages de finances locales et qui n'avait pas été reconduit en 1989.

C'est en 1995 que l'impact des questions financières avait été le plus marqué: les cessations de paiement d'Angoulême et de Briançon étaient encore dans toutes les mémoires, et à ces deux villes emblématiques s'y ajoutaient des dizaines d'autres, en particulier dans le Midi, qui flirtaient avec la zone rouge du surendettement. Elles avaient été mises sous tutelle par les banques, leurs maires ayant dû signer des protocoles subordonnant l'obtention de financements au respect strict de ratios de gestion.

Nombre de ces villes, plombées par leur dette, avaient alors basculé, conduisant les nouveaux maires, à la suite d'audits sanglants, à engager des "plans de redressement". L'année 2001 avait vu les élections municipales se dérouler dans un climat financier largement assaini. Rappelons que c'est grâce aux collectivités que la France a pu, en 1999, faire partie des pays adhérents à l'euro (l'État et les autres acteurs publics affichant alors un déficit de 3,2 % du PIB et les collectivités un excédent de 0,2 % pour un total consolidé exactement à -3 %, seuil limite de Maastricht). Aussi le thème vedette de la campagne de 2001 était l'investissement et quelques maires qui, en dépit d'un réel assainissement des comptes de leur ville, s'étaient vus reprocher une certaine frilosité en la matière, ont mordu la poussière. En mars 2008, le baromètre financier municipal s'affiche sur variable, avec perspective de fort coup de vent à venir.

Depuis 2004, les collectivités recommencent à s'endetter et si les comptes locaux n'affichent qu'un déficit modéré eu égard à celui de l'État, il tend à se creuser. Toutefois, les éléments les plus récents (réforme de la taxe professionnelle en 2007, coup de frein sur les dotations de l'État en 2008) n'apparaissent pas encore sur les comptes publiés à ce jour. Aussi, en l'absence sauf exception, de toute pression relative à la dette, c'est à nouveau sur le terrain de l'investissement que se joue le volet financier de la campagne.

Depuis 2002, et le creux habituel de l'année post-électorale, l'équipement n'a cessé de croître à un rythme soutenu (+ 8,2 % par an dans les communes, + 8,6 % par an dans les communautés). De surcroît si la croissance de l'investissement intercommunal s'explique par la montée en puissance des communautés dont la population regroupée a augmenté de 50% depuis les municipales de 2001, le dynamisme de l'investissement municipal est plus surprenant.

Depuis 2001, la plupart des villes ont abandonné à l'intercommunalité des compétences majeures telles que le développement économique, l'aménagement de l'espace, le logement, la politique de la ville, l'environnement et parfois en sus la voirie et les équipements sportifs et culturels. De fait, le budget d'une ville-centre et celui du groupement intercommunal auquel elle appartient conjuguent leurs efforts pour accroître les capacités de réalisation, et dans un premier temps d'affichage politique, sur le même territoire.

Or les dotations versées par l'État à l'intercommunalité ont été financées par une moindre progression des concours versés aux communes et il n'y a donc pas, hors effet d'économie d'échelle à justifier, de place pour une majoration des investissements consolidés sur le territoire. De telles économies d'échelle sont d'ailleurs peu probantes à ce jour avec un taux de croissance annuel des dépenses consolidées de personnel qui dépasse 4,5 %.

Une telle perspective constitue un risque évident aux yeux des "gestionnaires" de nombre d'équipes sortantes qui savent que les importants projets d'investissement actuellement présentés à la population, et même échelonnés sur six ans, "ne passent pas". Des plans de mise en oeuvre de la "fiscalité mixte", laquelle consisterait à faire voter dès 2009 par les communautés des impôts additionnels à ceux levés par les communes, sont déjà ficelés ici ou là... mais ils sont pour le moment tenus à l'abri de toute curiosité indiscrète.

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