Une sélection de romans pour la rentrée

Même si vous reprenez le travail, ne rompez pas avec bonnes habitudes des vacances. Continuez à lire. Voici quelques idées pour enrichir vos soirées et votre bibliothèque.

Avec 676 romans, français et étrangers, annoncés, l'inflation littéraire continue. Impossible de tout lire, car même un livre par jour n'y suffirait pas.

Voici donc une sélection forcément arbitraire, de quelques bons ouvrages de fiction pour cette rentrée.

Le scénario imparfait

Contrairement au Beaujolais qui chaque année se veut nouveau mais ne se renouvelle guère, la livraison annuelle de Jean-Paul Dubois ne fait que s'améliorer avec le temps. Déjà, les crus 2004 avec l'excellent "Une vie française" et 2006 avec le subtil "Hommes entre eux" étaient fort savoureux, voici la remarquable dernière livraison d'un vendangeur de mots pleins de saveurs, gouleyants à souhait. Il s'agit cette fois d'un scénariste cinquantenaire en mal d'être, à qui Hollywood propose un contrat providentiel, histoire de soutenir, artificiellement, le cinéma français. En traversant l'Atlantique, notre modeste cinéaste perd ses dernières illusions dans le maquis d'une industrie sans fioritures, lui permettant d'aborder, un an après, une nouvelle vie. Un très beau roman, écrit d'une plume mélangeant allègrement tragédie et comique qui, si besoin était, confirme le talent de celui qui aime s'attarder sur les petits bobos de la vie.

"Les accommodements raisonnables", de Jean-Paul Dubois, L'Olivier, 261 pages 21 euros

Taxi de nuit

Sous ses yeux, au cours d'une fusillade, comme il y a en tant dans cette Naples soumise à la loi de la Camora, Matteo voit son fils mourir. Folle de douleur, sa femme le quitte et le chauffeur de taxi délaissé se livre à de curieuses virées nocturnes dans une ville hallucinée. Parmi ses clients, une myriade de personnages sulfureux, dont un patron de bar louche, un curé résistant et un professeur hanté par l'Au-delà, personnages qui l'entraînent dans un monde infernal à tous les sens du mot.
Roman de deuil et d'espoir, écrit avec le style si particulier de l'auteur, fait de phrases courtes et de mots directs, ce livre, malgré son thème difficile qui vire au fantastique, est plaisant car le lecteur est en permanence interpellé.

"La porte des enfers", de Laurent Gaudé, Actes Sud 267 pages, 19,5 euros

Jeunesse pas perdue

Sacha est un jeune titi parisien comme beaucoup d'autres juste avant que n'éclate la deuxième guerre mondiale. Pas tout à fait comme les autres, car fils d'émigrés juifs ayant fui les progroms, il doit, avec sa famille , se réfugier dans le le Sud Ouest de l'hexagone où l'adolescent se découvre plus rapidement que prévu homme, entre amour et Résistance. Puis, la Libération passée, il épouse une survivante de la Soah et poursuit son existence devenue plus tranquille, mais toujours ballottée entre judaïsme et athéisme. Plus que la dichotomie entre religion et son rejet - un acte de rébellion enfantine aura été de brûler son livre de prières - c'est la construction , plutôt réussie, d'un adulte qui est ici mise en valeur, parfois avec humour, souvent avec sérieux, toujours avec tact et recul.

"Deux testaments", de Serge Filippini, Phébus, 290 pages, 20 euros

Portrait plus aigre que doux

Eugène Pertuiset est un personnage étrange, explorateur, trafiquant d'armes, chercheur de trésors, mais surtout baratineur et faux cul qui a mené une vie d'aventures plus ou moins ratées de par le monde, notamment en Terre de Feu où il mena une expédition "funambulesque". Mais c'est en chasseur de lion(s) que son ami Edouard Manet l'a représenté dans un tableau que l'auteur a découvert dans un musée brésilien. Et de lier les deux héros dans un roman bigarré où l'on croise d'autres artistes, d'autres pays, d'autres légendes, avec souvent des extrapolations fantasques. Chaque chapitre est dédié à un animal, lion, singe,cheval, baleine ragondin ou rhinocéros, mais c'est surtout l'histoire vagabonde de l'impressionnisme qui est ici narrée. Rédigé avec allant, ce roman se lit avec un plaisir évident car il plonge sans cesse le lecteur dans un monde d'illusion.

"Un chasseur de lions", de Olivier Rolin, le Seuil, 234 pages, 17,5 euros

Le roman d'un livre

A travers l'histoire de la Haggada de Sarajevo, un très vieux livre sacré, Hanna, une restauratrice de manuscrits anciens retrouve le déroulement, complexe, de sa propre vie, elle qui vient d'Australie. Si un des sauveteurs de l'ouvrage saint juif pendant les bombardements de Bosnie était un bibliothécaire musulman, d'autres personnages, souvent religieux, parfois islamiques, ont su préserver ce précieux document moyenâgeux à travers le temps. Les événements tragiques qui ont entouré la vie de la Haggadah de longs siècles durant sont aussi ceux qui ont marqué de leur empreinte le peuple juif, de l'Espagne jusqu'aux Balkans. Une belle leçon d'Histoire collée à l'actualité. Mais il ne s'agit pas que d'un documentaire: on y trouve en effet tous les ingrédients d'une fiction de qualité, liaison amoureuse comprise.

"Le livre d'Hanna" de Geraldine Brooks", Belfond, 414 pages, 21 euros

Humour anglais

Quand un professeur de linguistique tout juste retraité est malentendant, il arrive, par ouïe-dire, que ses engagements ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd. Une bien dégourdie étudiante américaine profite de quiproquos et de sous entendus pour lui faire prendre en charge sa thèse, elle aussi biscornue. Le tout avec un arrière plan de personnages déjantés, de thés semi-mondains et de pavillons so british. Une fois encore l'humoriste anglais, auteur d'une vingtaine de romans sur fond de drôleries, vise juste. Même si son comique un rien convenu tire parfois en longueur.

"La vie en sourdine", de David Lodge, Rivages, 411 pages, 21,5 euros

Immigration non choisie

Cette autobiographie du grand romancier slovène débute avec l'expulsion de sa famille de Suisse juste avant la déclaration de guerre pour se retrouver, contre son gré, dans un Ljubljana qui allait être occupé par les troupes de Mussolini. Dans cette première partie - une trilogie est annoncée - c'est Bubi, le tout jeune enfant qui raconte cette tragédie, lui qui est ainsi passé du rêve à la réalité, tant il fantasmait sur le pays de Cocagne qu'était la terre de ses ancêtres, tant est cruelle la vérité dé la guerre et de l'exil, marquée par le dédain des autochtones et la famine qui menace. Une saga intense, écrite il y a vingt ans par ce romancier trop peu connu en France, décédé il y a trois ans.

"Les immigrés, l'enfant de l'exil", de Lojze Kovacic, Le Seuil, 301 pages, 21,5 euros

Machiavélisme

Le romancier Christophe Bataille écrit des livres courts, mais denses, bâtis sur fond d' Histoire avec des éclairages toujours particuliers. Cette fois, il narre le dernier amour du vieux Machiavel, celui dont le nom évoque les étouffements politiques que les charmes des embrassades. Et pourtant, dans une Toscane en proie à la peste, donc refermée sur elle même, ce vieillard qui ne vit plus que la nuit sauve de la maladie une jeune fille dont contre toute attente, il s'éprend. Etonnante histoire écrite avec une plume subtile, riche en dialogues et en interrogations: un roman doux-amer, de grande qualité.

"Le rêve de Machiavel", de Christophe Bataille, Grasset, 218 pages, 15,9 euros

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