Carnet de bord décalé : Techno Parade

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 7 fev. Fertilisant

On ne peut pas dire que le marché français soit une flèche. Alors que les autres indices européens ont déjà retrouvé depuis belle lurette leur niveau pré-Lehman, le CAC 40 se tâte depuis plus d?un an. Ira ? Ira pas ? Plus empêtré qu?un Footsie ou un DAX dans la mélasse de la dette souveraine, notre indice national avaient fini en 2010 par passer pour un indice PIIGS. Heureusement le jour de gloire est arrivé ? Ne nous emballons pas non plus ! Le CAC 40 a peut-être effacé son record absolu de 4.086 points, il n?a pas encore retrouvé ses niveaux pré-Lehman. Certes ceux de septembre 2008, quand tout partait en vrille. Mais là à 4.090,80 points, on est quand même loin des 4.332,66 points affichés à la clôture du vendredi 12 septembre 2008. Surtout, il ne faut pas se presser ? et ne pas regarder la qualité de la hausse. Crédit Agricole s?octroie la plus forte hausse avec un gain de 4,43 % juste parce qu?elle ne devra pas se recapitaliser pour se conformer aux normes de Bâle III. Ça c?est le matière ! Un vrai fertilisant. Ça tombe bien pour le Crédit Agricole ? Et pour notre CAC national qui compte en son sein 16 % de bancaires. Attention tout de même à ne pas construire une hausse sur de simples soulagements.

Mardi 8. Techno Parade 

Dans les salles de marché parisiennes, c?est le grand jour. Enceintes géantes fixées au mur, tables de mixage prêtes à délivrer une puissance sonore de 1000 watts, jeux de lumières multicolores, diffuseur de mousse, fumigènes?Tout y est. La Techno parade peut commencer. Baskets au pieds et yeux révulsés, les traders commencent à esquisser quelques pas de danse frénétiques pour célébrer la performance du Nasdaq 100. En une séance, l?indice efface une décennie boursière perdue. L?entrain ne date pas d?aujourd?hui. Cela fait déjà quelques mois que les chiffres les plus fous circulent sur les faiseurs de croissance de demain. A l?image de Facebook et de ses 50 milliards de dollars de valorisation supposée pour 2 milliards d?euros de revenus tout aussi hypothétiques. Tout le monde communique par « tweet » interposé, déroule frénétiquement de l?index le menu de son IPhone, tapote sur son Blackberry tout en organisant son prochain week-end via la centrale d?achat Groupon. Il flotte comme un parfum de modernité où la technologie est redevenue reine aussi bien dans la vie de tous les jours que dans le c?ur des investisseurs. Les Cassandre voient déjà poindre la réplique de la bulle internet de 2000. Mais entre-temps, les m?urs ont changé. Les consommateurs se bousculent sur la Toile et contribuent à la viabilité des modèles économiques des acteurs de la nouvelle économie. D?émergente, la nouvelle thématique d?investissement pourrait bien être technologique. 

Mercredi 9. LoTo gagnant 

Les nostalgiques de la criée doivent se faire une raison. Le temps où l?on griffonnait des cotations à la craie sur des ardoises blanchies au rythme des vociférations de courtiers amassés dans le chaudron du Palais Brongniart, est révolu. Les hommes ont laissé leur place à des monstres de technologie capables de traiter des ordres en une fraction de secondes et cela pour des volumes d?échanges pharaoniques. Les enjeux sont à la hauteur du degré d?activité des plus grands investisseurs et émetteurs de la planète, dont les flux sont depuis quelques années nourris par la montée en puissance des acteurs émergents, notamment en Asie. La course au gigantisme est lancée chez les opérateurs boursiers. Le London Stock Exchange et la Bourse de Toronto forment le LoTo gagnant pour créer la première plate-forme d?échanges d?actions de groupes spécialisés dans l?extraction de ressources naturelles et de production d?énergie. Mais au final, la mise est raflée en fin de soirée par le couple NYSE Euronext et Deutsche Börse qui déclarent être en négociations avancées pour donner naissance au plus gros opérateur boursier mondial. L?affront infligé par les impétueux et non moins agressifs opérateurs alternatifs Chi-X et Bats, qui avaient fin décembre fait part de leur volonté de rapprochement, était trop grand. Il fallait réagir. La guerre des bourses a commencé. 

Jeudi 10. Cablo-destructeur 

Un nouvel équipementier telecoms est né à la Bourse de Paris. Hier voué aux gémonies, Alcatel-Lucent fait l?objet de toutes les convoitises. Le groupe s?offre le luxe de toiser ses contemporains du CAC 40 du haut de ses 50% d?envolée boursière depuis le début de l?année. 18% aujourd?hui, 3% hier, autant demain sans doute?Les hausses de cours s?enchaînent. Les investisseurs croient au miracle et se prosternent devant la résurrection d?un modèle économique hautement décriée par le passé. Alcatel-Lucent a, une nouvelle fois perdu, de l?argent en 2010. Mais qu?importe pourvu que le cash flow soit positif, ou autrement dit, que les investissements soient réduits à leur plus simple appareil. Cerise sur le gâteau, son patron Ben Verwaayen n?exclut pas d?atteindre 9% de marge d?exploitation cette année. La belle affaire ! Ses grands concurrents Cisco ou Ericsson culminent à des niveaux compris entre 12 et 25% de rentabilité opérationnelle. Rien que ça ! Avec en prime un meilleur classement dans l?ordre mondial des équipementiers télécoms. Les faits sont là. Alcatel-Lucent n?a pour le moment pas les moyens d?être autre chose qu?un challenger. Annoncé en grande pompe en 2006, le mariage franco-américain reste pour le moment un échec. De près de 30 milliards d?euros de capitalisation boursière à l?époque, le duo ne forme plus qu?un modeste tout d?à peine 8 milliards d?euros. Un bel exemple de destruction de valeur, qui continue encore aujourd?hui de grignoter quelques centaines de millions de fonds propres par an. Pas de quoi tracer des plans sur le câble.

Vendredi 11. Moubaraka

Qui a dit que l?instabilité politique actuelle en Egypte ou en Tunisie était un risque pour les marchés financiers ? Bien au contraire, c?est une chance. Une vraie baraka. C?est vrai que ces dernières semaines cela a, un petit peu, contrarié les indices boursiers qui, se contorsionnant les doigts, se demandaient ce qu?il fallait en penser. Même, à un moment, ils ont même cédé à la panique, se repaîtrant de mots comme « poudrière » ou « domino ». Oui, les marchés financiers et les subtilités politiques du monde arabe ? Il s?agissait de se faire un peu mais pas trop. Juste le temps pour les indices de reprendre leur souffle, le temps d?une semaine. Et c?était reparti à la hausse. Aujourd?hui la baraka, c?est Moubarak. Son vrai faux départ de la veille avait déjà permis aux marchés de terminer dans le vert. Aujourd?hui son vrai vrai départ (cette fois) produit le même effet. Le temps que le président égyptien mette son pyjama raillé et sa brosse à dent dans une valise et les indices qui tendaient à consolider « pépère » sur la dernière séance de semaine, passent du rouge au vert. Encore quelques mouvements révolutionnaires démocratiques dans la région et notre CAC 40 national pourra enfin retrouver ses niveaux pré-Lehman.

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