Marchandiser l'offre culturelle : jusqu'où ?

Mon prédécesseur à la direction de l'Exploratorium de San Francisco, Frank Oppenheimer - son fondateur - avait décidé de laisser l'entrée du musée gratuite. Par idéologie : permettre le plus large accès.
Goery Delacote

Un matin qu'il était entré dans les locaux, une femme qui passait par là, curieuse, l'avait suivi. Il dit à son staff qui préparait l'accueil d'une première exposition dans ce grand hall du "Palace of Fine Arts" de San Francisco : "Je crois bien que nous sommes ouverts !" C'était à la fin des années 1960.
Quand il est mort en 1985, l'entrée de l'Explora­torium était modestement payante. Le staff était resté hostile à un accès payant mais le board avait insisté. À mon arrivée en 1991, l'Exploratorium était mal en point économiquement mais riche de sa créativité. J'ai rapidement relevé les droits d'entrée. Le motif, parfaitement hypocrite, était que nous valions bien plus que la récente préfiguration du Tech, un musée de la Silicon Valley, qui n'avait pas encore eu le temps de faire ses preuves - sauf en matière de prix d'entrée élevé !
Il y a maintenant plusieurs centaines de Centres de Science en Amérique du Nord et plus d'un millier dans le monde entier. Leur revenu est composé en moyenne de 50 % de gains (entrées, boutique, nourriture, locations d'espace...), le reste se divise à parts égales entre donations privées et subventions publiques. Pour la plupart, ces centres ont du mal à vivre. La marchandisation de leur offre culturelle, à des tarifs qui ne soient pas exorbitants (le prix d'une place de cinéma) est donc une nécessité absolue. En compensation, le musée ouvre ses portes gratuitement une fois par mois.
Et de fait le profil des visiteurs, ce jour-là, est beaucoup plus diversifié et leur nombre bien plus élevé. L'institution peut faire sponsoriser ces journées gratuites. La fausse bonne idée est d'annoncer que l'accès est gratuit à toute personne en dessous d'un certain plafond de ressources : aux Etats-Unis, personne n'ose le reconnaître. Mais d'autres barrières, non financières mais culturelles, existent. Par exemple, un staff principalement "Caucasien" représente une barrière pour le public latino. Par ailleurs, il est important d'indiquer au public que l'organisation est une "Charity",qu'elle est guidée seulement par sa mission et non par la recherche du profit. Certains usagers n'en deviennent que plus généreux. En résumé une marchandisation raisonnable est une bonne chose. C'est un stimulant pour la créativité du staff qui doit faire revenir le public. C'est une condition de longévité pour les institutions culturelles et leurs offres.

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