Merkel impose Juncker comme candidat du PPE aux Européennes

Par Romaric Godin  |   |  580  mots
Si Jean-Claude Juncker occupe la tête de la Commission, il devra sa position à la seule volonté d'Angela Merkel, car même les délégués du PPE n'ont guère été convaincus dans leur majorité par ce choix.
L'ancien Premier ministre luxembourgeois a été désigné comme candidat par les conservateurs européens réunis à Dublin. Un choix issu de la volonté de Berlin

Encore une fois, Angela Merkel aura eu le dernier mot. A Dublin, les délégués du Parti populaire européen (PPE) ont élu l'ancien premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, par 382 voix contre 245 au Français Michel Barnier. Plus d'une centaine de délégués ont refusé de prendre part au vote et n'ont donc pas osé aller à l'encontre de la consigne de vote de la chancelière allemande.

Le Luxembourg, meilleur ami de l'Allemagne

Décidément, le Luxembourg apparaît plus que jamais comme le pays « neutre » le plus apprécié de Berlin pour faire passer ses choix au niveau européen. En 2012, la candidature d'Yves Mersch au directoire de la BCE à un poste traditionnellement attribué à l'Espagne avait été le fruit d'une volonté de Berlin. Cette nomination avait permis de disposer d'un contre-pouvoir « germanique » à Mario Draghi au sein du directoire de la banque centrale.

La défense de l'austérité

Cette fois, Jean-Claude Juncker aura également cette fonction. A Dublin, les grandes figures du PPE ont défendu les choix économiques du conseil européen depuis 2010, autrement dit la politique de désinflation compétitive prônée par Berlin. Du reste, le choix de Dublin pour ce congrès n'était pas un hasard, le premier ministre irlandais Enda Kenny est venu présenter le « modèle irlandais » en ouverture. Le PPE sera donc bien le parti de l'austérité. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe jusqu'en 2012 et qui a ainsi participé à cette politique était la personne idoine.

Michel Barnier, inacceptable à Berlin

Le profil de Michel Barnier était en réalité inacceptable pour la CDU et la CSU allemande. D'abord, parce qu'il était Français, et que ce pays est un des meilleurs exemples de ce qu'il ne faut pas faire pour ces deux partis qui, lors de la campagne pour les élections fédérales du 22 septembre dernier ont fait du « french bashing » un argument électoral. Ensuite, parce que sans doute trop ambitieux dans sa volonté de « maîtriser la finance. » Les projets de séparation bancaire du commissaire Barnier n'ont pas été du goût de Berlin.

Un poste acquis par la grâce d'Angela Merkel

Reste que le PPE devra convaincre les électeurs européens de s'enthousiasmer Jean-Claude Juncker, inusable routard de la politique européenne, présent partout à Bruxelles depuis la fin des années 1980, remercié au Luxembourg à l'automne grâce à une alliance de l'ensemble des forces politiques d'opposition et sur fond de scandale d'écoutes illégales. Pas vraiment un signe de renouvellement et de jeunesse. Si Jean-Claude Juncker occupe la tête de la Commission, il devra sa position à la seule volonté d'Angela Merkel. On l'a vu, même les délégués du PPE n'ont guère été convaincus dans leur majorité par ce choix. La Commission sera alors naturellement une force supplétive du Conseil.

Chaises musicales

Mais beaucoup estiment que le PPE, qui n'a jamais été convaincu par cette candidature paneuropéenne à la présidence de la Commission, pourrait se laisser tenter par un accord avec les Socialistes du PSE. Martin Schulz prendrait la tête de la Commission, Jean-Claude Juncker la présidence du Conseil à la place d'Herman van Rompuy. Angela Merkel n'en serait pas gênée outre-mesure : Martin Schulz est, rappelons-le, membre de la SPD, le partenaire de coalition de la chancelière allemande. Avant les élections européennes, la messe semble déjà dite sur les futurs exécutifs européens.