Affaire d'initiés à Ubisoft : l'AMF sanctionne une banque et cinq salariés

Il était reproché aux 5 salariés de l'éditeur de jeux vidéo, dont le PDG des studios à Montréal, d'avoir vendu en Bourse, en 2013, des actions avant l'annonce du report d'un jeu. Les mis en cause ont fait appel.
Une banque, filiale du groupe Crédit Mutuel-CIC, a également été sanctionnée par l'AMF dans cette affaire: il s'agit de la Banque Transatlantique, qui fait notamment de la gestion patrimoniale pour les expatriés - elle se donne le surnom de "banque des Français de l'étranger". Elle écope d'une amende de 60.000 euros, le gendarme boursier ayant jugé qu'elle "avait manqué de vigilance" en n'informant pas l'AMF sur les opérations considérées comme suspectes des personnes mises en cause.

1,2 million d'euros, c'est le montant total de l'amende infligée jeudi par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en France à cinq salariés d'Ubisoft pour avoir vendu des titres de l'éditeur de jeux vidéo en bénéficiant d'informations privilégiées en 2013. Leurs amendes s'échelonnent de 15.000 euros à... 700.000 euros, pour le PDG des studios Ubisoft Montréal. Le gendarme boursier a estimé que ces salariés, travaillant au Canada et en France, avaient tiré un avantage économique (estimé à 420.000 euros) de la vente d'actions décidée à partir d'une information privilégiée, en l'occurrence le report de la sortie du jeu Watch Dogs. Pour l'AMF, cela constitue un "manquement d'initié" (voir ci-après la différence avec "délit d'initié").

Par ailleurs, une banque, filiale du groupe Crédit Mutuel-CIC, a également été sanctionnée par l'AMF dans cette affaire: il s'agit de la Banque Transatlantique, qui fait notamment de la gestion patrimoniale pour les expatriés - elle se donne le surnom de "banque des Français de l'étranger". Elle écope d'une amende de 60.000 euros, le gendarme boursier ayant jugé qu'elle "avait manqué de vigilance" en n'informant pas l'AMF sur les opérations considérées comme suspectes des personnes mises en cause.

Des gamers trop joueurs ?

L'affaire remonte à septembre 2013. L'éditeur de jeux vidéo Ubisoft avait prévu que son nouveau jeu, Watch Dogs ("Les Chiens de garde"), sur lequel ses équipes planchaient depuis 2009 sortirait en décembre 2013. Cette publication devait avoir un impact positif sur l'exercice décalé 2013/2014. Mais, en septembre 2013, la société se rend compte qu'elle ne parviendra pas à le lancer à la date prévue et fait le choix de se donner plus de temps pour améliorer ce jeu phare de son catalogue. Le 15 octobre 2013, Ubisoft annonce officiellement le report de la sortie de Watch Dogs, ainsi qu'une révision à la baisse de ses objectifs sur l'exercice 2013/2014. Au lendemain de cette annonce, le titre s'est effondré en Bourse, perdant 26% de sa valeur.

Pour autant, l'année 2014-2015 sera particulièrement faste pour l'éditeur de jeux vidéo breton, dont le studio de production principal est implanté à Montréal : outre, les scores d'Assasin's Creed, Unity et autres Far Cry, le dernier-né Watch Dogs s'écoulera à quelque 10 millions d'exemplaires

Les salariés "ne pouvaient pas savoir" selon l'éditeur

Les salariés sanctionnés avaient vendu leurs actions avant cette annonce fatidique. Mais jeudi soir, l'éditeur Ubisoft a indiqué "prendre acte de cette décision" mais "qu'il ne doute pas de la bonne foi des personnes concernées":

"Au moment où ils ont effectué leurs cessions, nos collaborateurs ne pouvaient connaître ou anticiper la décision ultérieure de report du jeu en cause prise par Yves Guillemot le 11 octobre 2013".

Il dit regretter "une décision qui témoigne d'une mauvaise compréhension du processus de fabrication des jeux dans notre industrie". Les salariés mis en cause ont informé Ubisoft qu'ils comptaient faire appel des sanctions de l'AMF.

Des cadres d'Ubisoft attaquent l'AMF

Le 18 novembre 2016, le gendarme boursier avait épinglé 7 personnes contre lesquelles le Collège (l'instance en charge des poursuites) avait requis une amende de 1,5 million d'euros. A l'issue de leur audition, l'un des salariés et son épouse ont été mis hors de cause.

Les avocats assurant la défense de trois cadres d'Ubisoft Montréal ont demandé l'annulation de la procédure, au cours de laquelle les autorités financières auraient bafoué des droits fondamentaux canadiens. Ils ont également argumenté que l'effet "sensible" sur le cours de Bourse de la date de sortie d'un jeu n'était pas démontré.

Ces trois cadres ont d'ailleurs récemment attaqué l'AMF et son homologue québécoise pour illégalité de procédure et non-respect de leurs droits. Les avocats d'un salarié, d'une ancienne employée ainsi que du conjoint de l'un d'entre eux, ont mis en avant le fait que les opérations décriées avaient eu lieu avant des échanges de mails évoquant les effets potentiels d'un report du lancement.

L'avocate de la Banque Transatlantique a pour sa part souligné que l'établissement financier ne disposait pas d'informations permettant de considérer les opérations des salariés mis en cause comme suspectes.

(Avec AFP)

___

REPERES

Quelle est la différence entre délit et manquement d'initié ?

La répression de l'initié fautif peut prendre deux voies :

  • le délit d'initié est une infraction pénale relevant de la procédure et des juridictions pénales ;
  • le manquement d'initié relève de l'appréciation de la Commission des sanctions de l'AMF, répression de loin la plus fréquente en pratique.

>Lire : La répression du manquement d'initié par l'AMF (sur Actu'Entreprise)

___

POUR ALLER PLUS LOIN

___

Autorité des marchés financiers (AMF)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.