« La Bourse n'est pas un casino »

Les créateurs du club L'Investisseur Français publient « Comment s'enrichir considérablement en 5 ans » (éditions Maxima), un ouvrage qui détonne dans la littérature boursière, avec son franc parler, sa philosophie rationnelle et ses décorticages didactiques de nombreux business d'entreprises cotées. Entretien avec l'un des auteurs.
Robert Jules
"Nous souhaitons rappeler que lorsque l'on investit en Bourse, on investit dans des entreprises, et qu'il faut du temps à ces dernières pour faire travailler votre argent. Elles ne peuvent pas vous enrichir demain matin, il leur faut quelques années pour délivrer un résultat significatif", expliquent les analystes de L'Investisseur Français.

Rares sont les investisseurs qui peuvent se targuer d'avoir réalisé une performance de leur portefeuille boursier de... +220% depuis septembre 2011, soit +32% en moyenne par an ! C'est le cas des créateurs de « L'Investisseur Français » (*). Ils gèrent une société dont le capital est investi en Bourse et un club qui fédère une communauté d'investisseurs francophones de quelque 700 membres. Ces derniers peuvent non seulement suivre les analyses, les réflexions, les choix et les doutes des fondateurs mais aussi se former à l'analyse boursière, demander des conseils, partager des interrogations, à tout moment du jour ou de la nuit via la plateforme du site.

comment s'enrichir

C'est ce qu'expose le livre que publie l'IF : « Comment s'enrichir considérablement en 5 ans » (éditions Maxima) (**), qui propose une sélection variée d'analyses d'entreprises et de réflexions publiées initialement sur leur site. Car afficher durant plusieurs années une performance annuelle supérieure à 30% n'est pas dû au hasard.

Démarche logique

Une telle progression dépend d'abord d'une démarche rationnelle et logique nourrie d'un travail d'analyse rigoureuse de bilans et de résultats d'entreprises, d'environnements concurrentiels, doublée de l'acquisition d'une discipline personnelle pour maîtriser ses émotions. L'objectif est d'établir la valeur réelle d'une entreprise qui permettra de voir si le marché boursier la sous-évalue ou non, s'il est intéressant de l'acheter. C'est tout le contraire d'un joueur de casino, un profil courant dans la communauté des investisseurs.

Les nombreux exemples d'entreprises analysées, PME ou grands groupes, français ou étrangers : Bank of America, WPX Energy, Rolls-Royce, Blackberry, Engie, Precision Castparts, Amazon, Sears ou encore Gévelot, une petite entreprise française qui fabrique des pompes et pièces automobiles... sont l'occasion de montrer comment se désosse un business à travers son activité. D'autres articles se penchent sur la philosophie pratique de l'investisseur qui doit composer avec ses émotions et ses biais mais faire preuve de logique, une attitude beaucoup plus rare que ce que l'on croit, car il y faut de l'éducation et de la discipline. D'autres articles - par exemple, « Quand faut-il vendre ses actions ? » ou encore « Les quatre principes qu'il faut respecter pour investir » - offrent des conseils au néophyte.

Dans un langage clair et précis, où l'humour et l'ironie ajoutent au plaisir de la lecture de l'ouvrage, ces admirateurs de Warren Buffett font également œuvre salutaire en démystifiant ce qu'est la Bourse, et, ce faisant, en la réhabilitant.

C'était donc l'occasion de s'entretenir avec l'un des fondateurs du club, Serge Belinski.

Le titre de votre livre est quelque peu racoleur. Ceux qui s'imaginent trouver une formule magique risquent d'être déçus. Le sous-titre « Méthodes pratiques et rationnelles pour investir en Bourse » est plus proche de la vérité. Précisément vous défendez une démarche rationnelle dans une époque qui se caractérise surtout par son irrationalisme. Qu'entendez-vous exactement par là ?

Il n'existe pas de formule magique pour s'enrichir, mais une démarche à long terme peut y aider. Un patrimoine ne se construit pas sur un coup de dés, mais sur la durée. Ainsi, nous préconisons un horizon d'au moins cinq ans pour investir en Bourse et obtenir de premiers véritables résultats. Par rapport à notre propre expérience, nous avons constaté que chaque période de cinq ans a été fertile en opportunités et a donné des résultats satisfaisants, alors que certaines périodes à plus court horizon ont donné des résultats moins convaincants.

Nous souhaitons rappeler que lorsque l'on investit en Bourse, on investit dans des entreprises, et qu'il faut du temps à ces dernières pour faire travailler votre argent. Elles ne peuvent pas vous enrichir demain matin, il leur faut quelques années pour délivrer un résultat significatif.

Vous insistez par ailleurs sur la nécessité de s'appuyer sur le bon sens. Ce n'est pas courant, chercheriez-vous à démystifier certains discours sur la Bourse ?

Nous pensons qu'il y a trop de bruit dans l'immense majorité des informations qui circulent dans le domaine boursier, et qu'il est essentiel pour un investisseur de revenir à la réalité des fondamentaux de l'entreprise. Tout le monde comprend intuitivement ce qu'est une entreprise, que celle-ci doit gagner du cash, pour ensuite le redistribuer à ses actionnaires et/ou le réinvestir à haut rendement et apprécier la valeur de ses capitaux propres. Tout le monde comprend aussi qu'il est préférable d'acheter une marchandise en soldes qu'à un prix régulier, ou pire encore à un prix déraisonnablement élevé. La Bourse est le seul marché au monde où les gens supplient les acheteurs d'augmenter quotidiennement les prix, et les actions la seule marchandise que les gens aiment moins quand leurs prix baissent ! Nous pensons qu'il est bon de s'appuyer sur ces choses-là pour investir n'importe où - en Bourse, en immobilier ou ailleurs.

Votre méthode se fonde sur l'« investissement value » ? Pouvez-vous la définir et montrer en quoi elle vous semble plus féconde que les autres ?

Elle consiste à estimer la valeur d'un actif (le plus souvent d'une entreprise cotée) et de l'acquérir pour beaucoup moins cher qu'il ne vaut. Nous comprenons intuitivement qu'on gagne de l'argent lorsqu'on achète un bien sous sa valeur intrinsèque, et que la plus-value se fait à l'achat. Cette méthode apparaît extrêmement logique et compresse le risque d'erreur à l'extrême, car nous avons une marge d'erreur importante. Les autres méthodes sont incompréhensibles pour nous : acheter un bien à l'aveugle et espérer le revendre plus cher à plus cupide que nous ne nous viendrait pas à l'idée, car cette alternative nous semble trop risquée. Une opération d'investissement - en théorie, et au contraire d'une opération spéculative - défend la préservation du capital engagé, et assure un rendement satisfaisant sur celui-ci. Payer un actif productif beaucoup moins cher qu'il ne vaut réellement est le meilleur moyen que nous connaissons d'assurer la préservation du capital.

Pourquoi la Bourse reste pour vous la meilleure façon de faire fructifier son capital ?

Nous ne pensons pas que c'est forcément la meilleure, d'autres méthodes peuvent fonctionner. Si, par exemple, nous trouvions des biens immobiliers moins bien valorisés et aussi rentables que les entreprises que nous détenons dans notre portefeuille, nous n'aurions aucun problème à considérer ces alternatives.

Historiquement, nos investissements en Bourse nous permettaient d'acheter des entreprises à des prix défiant toute concurrence, ce qui est à la fois peu risqué et rémunérateur... à condition de ne pas trop se tromper sur l'estimation de la juste valeur du bien convoité.

Nous apprécions particulièrement le fait de ne pas devoir supporter un endettement élevé : nous ne devons rien à personne si nos investissements ne tournaient pas aussi bien que prévu. Dans d'autres domaines, si un investissement tourne mal, on peut se retrouver endetté à vie.

L'une des caractéristiques de votre démarche, comme l'illustrent de nombreux exemples, est  non seulement  d'analyser des « business models » d'entreprises dans lesquels il est bon d'investir mais aussi de former le lecteur lui-même à l'analyse. Pourquoi cette volonté didactique ?

Nous avons eu beaucoup de chance d'apprendre l'investissement value. La découverte de cette discipline a changé notre vie. C'est d'ailleurs beaucoup plus qu'une philosophie d'investissement, c'est une philosophie de vie. Après l'avoir éprouvée, nous nous sommes dit qu'il serait bon de la démocratiser et d'en faire profiter ceux qui le veulent. Nous savons pertinemment que tout le monde ne pourra malheureusement pas en profiter, car la discipline est exigeante, mais nous souhaitons ardemment que tous ceux qui s'en donnent les moyens puissent bénéficier de ses avantages.

Vous vous adressez à un large public. Pourtant, la Bourse reste pour de nombreuses personnes un repoussoir. Que leur diriez-vous en premier lieu pour les convaincre du contraire ?

La Bourse n'est qu'un marché, dans le même genre que celui où vous allez acheter des légumes. La seule particularité de ce marché, c'est qu'on y vend des parts d'entreprises et d'autres produits financiers. Chacun sait ce qu'est une entreprise, soit parce qu'il y a travaillé, soit parce qu'il en a fréquenté dans sa vie quotidienne. Vous vous êtes sans doute déjà dit, en allant dans un restaurant ou une boutique particulièrement fréquentés que vous aimeriez bien avoir un tel business, parce que vous savez intuitivement qu'il vous rapporterait beaucoup d'argent. La Bourse vous offre cette possibilité sans avoir à débourser une fortune pour acheter tout le business : vous pouvez ainsi être copropriétaire d'un Mc Donald's, d'un Primark et de plein d'autres entreprises. La seule chose qui vous reste à faire pour compléter votre intuition et être certain de faire une bonne affaire, c'est de mettre une valeur sur le business que vous convoitez, et payer beaucoup moins cher que cette dernière. Le plus possible, il faut mettre en sourdine tout le bruit et le parasitisme des « experts », et se concentrer sur les quelques fondamentaux de business simples que nous comprenons bien. Si nous sommes si attachés au bon sens paysan, c'est parce qu'il sert mieux à une judicieuse utilisation de son capital qu'une débauche de science et de technique.

Que pensez-vous des produits sophistiqués que l'industrie financière a créé depuis plusieurs années, devenus célèbres, avec la crise des « subprimes » de 2008, ou encore de l'importance du trading à haute fréquence ?

Que ce sont des armes de destruction massive, a fortiori lorsqu'elles sont mises entre les mains de savants fous payés des fortunes pour prendre des risques avec l'argent des autres. La crise des subprimes l'a d'ailleurs parfaitement bien illustré. Un investisseur particulier avec son bon sens n'a rien à faire là-dedans, et même les professionnels seraient sans doute avisés de s'en passer. Qu'un individu se brûle lorsqu'il décide de mettre sa main au feu, pourquoi pas après tout, mais qu'un système soit menacé par ce type d'agissement et que le contribuable paie pour cela, c'est inacceptable. Par ailleurs, nous ne connaissons personne qui se soit durablement enrichi au casino. La Bourse n'est pas un casino, où l'on achète des tickets magiques en espérant qu'ils seront verts demain matin.

Vous dites ne pas passer beaucoup de temps à suivre l'évolution quotidienne de la Bourse. « Les caprices de la Bourse nous indiffèrent, sauf quand ils sont sources d'opportunités », dites-vous. Concrètement, cela signifie quoi ?

On a identifié une entreprise qui nous plaît à un prix qui nous plaît tout autant ? Formidable, on l'achète. Ensuite, on laisse le temps faire son œuvre, sans aucune autre considération. Nous savons pertinemment que le cours d'une action a une chance sur deux de baisser demain, mais ce n'est pas grave : nous ne pouvons pas prévoir l'avenir d'un cours de Bourse, mais nous pouvons laisser travailler notre entreprise quelques années pour qu'elle mette à profit le capital de ses actionnaires - le nôtre.

Votre livre est issu du travail d'analyse que vous faites dans votre club. Comment et pourquoi est né ce club, quel est son fonctionnement, quel bilan tirez-vous après plusieurs années ?

Ce club est né à la demande de ses premiers membres. Lorsque nous avons commencé à publier nos réflexions sur l'investissement et nos analyses de sociétés cotées, nos lecteurs les plus chevronnés nous ont demandé une formation pour apprendre à faire de même. Nous avons ainsi lancé notre formation, puis nous avons enrichi le service avec le suivi détaillé des portefeuilles et des réflexions de l'équipe, ainsi que des analyses de sociétés - applications plus ou moins directes de la formation.

Quels sont vos futurs projets ?

Nous continuerons à appliquer notre processus d'investissement : étudier des entreprises, estimer leur valeur, et les acheter à un prix très inférieur à cette dernière. Ainsi, nous espérons pouvoir produire un résultat qui nous enrichira considérablement les cinq prochaines années et que nos lecteurs pourront en profiter, que ce soit en s'inspirant de notre démarche ou en formalisant la leur.

Propos recueillis par Robert Jules

(*) La Tribune publient régulièrement des articles de l'IF sur son site.

(**) L'Investisseur Français « Comment s'enrichir considérablement en 5 ans », éditions Maxima, 249 pages, 24,80 euros.

Robert Jules

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Commentaires 8
à écrit le 09/04/2016 à 13:44
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Etonnante cette pub pour l'IF sur LaTribune. L'IF conseille-t-il d'investir massivement dans Sears (SHLD) et WPTX comme ils l'ont conseillé aux membres de leur club en 2013-2014 ? Si vous êtes désireux de ne pas perdre d'argent, je vous conseil d...

à écrit le 06/04/2016 à 11:36
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Le lectorat de la tribune est-il constitué de débiles ? On suppute que oui à la lecture des commentaires...

à écrit le 06/04/2016 à 9:49
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"la bourse n'est pas un casino" c'est vrai, au casino il arrive qu'on gagne. "comment s'enrichir à la bourse" faites comme nous, vendez des conseils.

à écrit le 06/04/2016 à 9:32
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Joli coup de pub pour son bouquin et surtout pour attirer des gogos dans son système. Il est évident que négocier 1 million d'actions a plus d'impact que négocier 10 actions en bourse. D'autre part, malgré que cela soit légalement interdit, certains ...

à écrit le 05/04/2016 à 21:50
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30% par an en 5 ans, ce n'est pas 30% par an chaque année durant 5 ans... et ce n'est effectivement pas un miracle, simplement une prise de risque très conséquente et/ou un coup de bol. Ceux qui vous disent le contraire sont des charlatans...et mani...

le 07/04/2016 à 12:14
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La prochaine fois qu'un charlatan tentera de vous avoir, dites-lui: "je vois bien votre joli noeud papillon et votre logiciel sur écran géant, mais je n'ai pas vu votre Rolls Royce dans le parking ..." En gagnant 30% par an, vous échangez votre Twing...

à écrit le 05/04/2016 à 21:14
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Hum, trois remarques: 1) La bourse est un jeu à somme nulle, si vous gagnez, une autre personne perd. 2) Il est peu probable qu'un amateur soit le gagnant, face à la foultitude de professionnels. 3) L'information est déséquilibrée, ce n'est jamais un...

le 11/04/2016 à 13:01
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Vos arguments sont inexacts..la bourse n'est pas un jeu à somme nulle, c'est mathématiquement faux.

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