La belle exigence de la jeunesse

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Peters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

 

Ils vont plancher demain sur la philosophie. Les futurs bacheliers du cru 2009 devront-ils disserter sur la crise ? Sûrement pas. Les profs sont formels : les sujets doivent être déconnectés de l'actualité. Reste que certains thèmes bien dans l'air du temps pourraient sortir du chapeau des professeurs à commencer par la notion de travail et d'emploi. Bonne idée. Les DRH seraient bien inspirés de s'emparer des copies. Qu'ils s'agissent de ces tout jeunes ou de leurs aînés de peu, il va falloir réviser ses classiques en matière de management.

 

À en croire une étude menée par l'observatoire Cegos, les jeunes salariés de 20 à 30 ans ont, du monde de l'entreprise, une perception singulière. Ce qui les attire ? Le niveau de salaire, les opportunités de carrière, leur développement au sein de l'organisation. Le produit leur importe peu. Mais si l'entreprise ne répond pas à leurs attentes, ils zappent ou se mettent aux abonnés absents côté motivation. 60 % se disent méfiants et inquiets avant de rentrer. Une fois dans la place, ils restent exigeants. « C'est une génération qui ne croit que ce qu'elle voit, réaliste et pragmatique, hermétique aux beaux discours. Françoise Dolto est passée par là. Ces jeunes ont été élevés dans une démocratie familiale, ils ont été écoutés enfants. Ils ont désormais besoin de l'être aussi par leur manager et de se sentir respectés.

 

D'ailleurs, « leur première raison de changer d'entreprise est une dégradation de l'ambiance de travail », note Annick Allégret, directeur de l'unité RH & Management de Cegos. Interrogés dans la même enquête sur les défauts des jeunes, les DRH se lâchent en citant leur arrogance, leur esprit de rébellion, leur difficulté à respecter les règles, en clair leur indépendance. Quant aux patrons, ils sont définitivement débordés par la jeune garde, certains ne les trouvant franchement pas motivés et se demandant comment remettre au travail tous ces enfants gâtés. « Leur niveau d'exigence fait peur, or il devrait être considéré comme un atout », en conclut Annick Allégret.

 

 

 

 

plus de lien social

 

 

 

 

Je ne peux pas m'empêcher de penser que ces changements sont plutôt de bon augure. Pourquoi ? Il suffit de se pencher sur l'analyse de la souffrance au travail pour le comprendre. Au début du XXe siècle, le travail n'était pas un pourvoyeur de bien-être. C'était une nécessité. À l'aversion pour le travail a succédé l'addiction, comme l'a montré Daniel Sibony dans « Perversion : dialogue sur les folies actuelles ». Travailler aujourd'hui, c'est devoir y prendre du plaisir. Et donc pose problème pour ceux qui en ont (du travail) comme ceux qui n'en ont pas. Car il les confronte à d'autres inquiétudes et surtout à la vaine quête de reconnaissance. Or le monde de l'entreprise, centré sur les résultats et la performance, ne peut plus créer de véritable lien social, ni même apporter de reconnaissance. Ravalés au rang de ressource, les salariés souffrent d'une situation avec laquelle ils disent d'ailleurs vouloir prendre du recul.

 

Les jeunes d'aujourd'hui s'inventent donc des petits arrangements moins ravageurs, tentent de ne pas entrer dans la fusion dont ils ont pu mesurer les dégâts chez leurs aînés. Surtout, ils évitent de s'engouffrer dans l'unique but du développement de soi, et apprennent à faire alliance les uns avec les autres au lieu de se construire dans leur coin. En voulant être plus indépendants, plus adaptables ou réactifs, nous, leurs aînés, nions souvent ce qui fonde notre équilibre, à savoir que nous dépendons des uns et des autres. Un peu comme si nous voulions toujours nous construire en marge.

 

Mission impossible et surtout douloureuse. D'où l'idéal d'interdépendance, une notion que l'écologie en marche nous apporte aujourd'hui et que les jeunes générations, en se branchant sur le rythme de la terre, risquent fort de nous apprendre. Vous voyez que tout ceci est plutôt enthousiasmant. Alors, roulez jeunesse !

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