Petits meurtres entre collègues

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Péters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

Il y a le monde du management où on lit les bonnes méthodes comme des recettes de cuisine qu'il suffirait d'appliquer pour que tout marche droit. Et puis il y a... la vraie vie. Celle où on compose constamment avec la mauvaise foi, la manipulation et la mauvaise humeur des uns et des autres quand ce n'est pas la nôtre. Celle où l'on se plaint des pervers, des toxiques, en un mot des « emmerdeurs ». Et çà, c'est tous les jours ou presque. Vous savez, ces petites phrases du quotidien qui provoquent en nous des putschs émotionnels, que l'on se repassent en maugréant sous la douche ou dans sa voiture. Le gros problème c'est de se laisser prendre dans ces pièges sans avoir conscience du rôle qu'on y joue. Éric Berne, le père de l'Analyse Transactionnelle, a nommé ces échanges de tous les jours des « jeux psychologiques » où chacun tire un bénéfice (même s'il est désagréable) qui se situe dans la vision intrapsychique de la personnalité et permet à celui qui initie la partie de faire de son partenaire son obligé en cas d'échec.

Le triangle dramatique

Deux consultants, Pierre Agnese et Jérôme Lefeuvre, se sont amusés à adapté la théorie d'Éric Berne et la matrice de ces jeux basée sur le triangle de Karpman, le triangle dramatique dans lequel on trouve trois positions : celle de victime, sauveteur et persécuteur, correspondant chacune à une posture dans la relation avec l'autre. Ils sont arrivés à six manières de saboter un échange (plus ou moins conscientes évidemment) au travers d'un acronyme réjouissant « SALMEC ». S pour « Sujet », est la pratique qui consiste à changer de sujet fréquemment pour détourner la conversation et noyer le poisson. Çà donne « je suis contente que tu parles de ce sujet parce que je voulais te raconter ce qui m'est arrivé hier... ». A pour « Attribution » est la démarche horripilante où l'on colle une étiquette sur l'autre, soit dans le but de l'enfermer dans un rôle, soit dans celui de lui reprocher d'en être sorti, du style « toi qui est ceci ou cela, tu ne pourras pas me dire le contraire ». L pour « Lecture de pensée ». Méthode violente dans la façon de prétendre que l'on sait ce que l'autre pense, ressent, ou s'apprête à faire : « je sais ce que tu vas me dire... ». Avec « M » on change de registre pour aller dans la « Menace » en communiquant des informations avec un sous-entendu menaçant « tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu ». Le « E » est redoutable car, sous couvert d' « Enthousiasme », il casse l'ambiance avec un « mais » : « formidable ton idée mais certains te diront que tu vas galérer ». Enfin, le « C » pour 100 % atteint des sommets d'injustice avec une mise en abîme par un « tu es sûr à 100 % de ce que tu dis ? » ou des expressions radicales qui ne laissent aucune porte de sortie à coup de « toujours, jamais, encore, à chaque fois, comme d'habitude, etc. ». Grand classique des scènes de ménage, le célèbre « de toutes façons avec toi c'est toujours la même chose ».

Entraînez-vous à repérer chez l'autre (mais aussi chez vous) ces pièges de la manip pour mieux les déjouer en sachant que ces jeux servent habilement à inviter quelqu'un à commettre une erreur de communication. Si on y répond de façon très émotionnelle, on est coincé. Renvoyer la balle de manière factuelle est le meilleur moyen ne pas rentrer le jeu. « L'identifier est déjà le premier pas. Car il est souvent inaudible pour la personne qui en est victime », soulignent les deux consultants. Et à l'usage toxique, voire contagieux !

 

Commentaire 1
à écrit le 05/04/2011 à 10:05
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Très utile pour mieux comprendre ses propres réactions et après celles qui se manifestent autour de soi.

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