Tchad : Deux morts et 27 blessés dans des manifestations contre l'armée

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Manifestations a n'djamena contre la prise de pouvoir par l'armee[reuters.com]
(Crédits : Zohra Bensemra)

par Edward McAllister et Mahamat Ramadane

N'DJAMENA (Reuters) - Au moins deux personnes ont été tuées et 27 autres blessées mardi lors de violentes manifestations au Tchad, notamment à N'Djamena, la capitale, contre la prise du pouvoir par l'armée à la suite de la mort du président Idriss Déby.

La tension règne dans la capitale tchadienne depuis l'annonce du décès d'Idriss Déby le 19 avril, alors qu'il rendait visite à ses troupes déployées à plusieurs centaines de km au nord de N'Djamena face au Front pour le changement et la concorde au Tchad (FACT), un groupe rebelle venu de Libye.

Idriss Déby dirigeait le Tchad depuis 1990 et venait tout juste d'être réélu. L'armée a immédiatement installé à la tête du pays un conseil militaire de transition dirigé par le propre fils de l'ancien président, Mahamat Idriss Déby.

Si l'armée a confié à un civil, l'ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacke, la direction d'un nouveau gouvernement, en promettant de transférer le pouvoir aux civils à l'issue d'élections démocratiques dans 18 mois, plusieurs dirigeants d'opposition dénoncent un coup de force des militaires et avaient appelé leurs partisans à manifester.

Un responsable médical dans un hôpital de N'Djamena, ayant requis l'anonymat, a confirmé le décès d'un homme d'une vingtaine d'années transféré aux urgences avec 27 autres personnes blessées lors des manifestations qui ont éclaté mardi matin dans la capitale.

Des témoins ont signalé la mort d'un autre manifestant à Moundou, la deuxième ville du pays.

Un porte-parole du conseil militaire a déclaré que les forces de sécurité tentaient de contenir les manifestants avec un usage maîtrisé de la force.

SLOGANS CONTRE LA FRANCE

Dans les rues de N'Djamena, la police a fait usage de gaz lacrymogènes alors que les manifestants, au nombre de plusieurs centaines, brûlaient des pneus dans plusieurs quartiers de la ville.

Selon un journaliste de Reuters, les pompiers ont peiné à lutter contre ces incendies visibles depuis les autres quartiers de N'Djamena.

"Nous ne voulons pas que notre pays devienne une monarchie", a déclaré Mbaidiguim Marabel, un manifestant âgé de 34 ans. "Les militaires doivent retourner dans leurs casernes pour faire place à une transition civile."

Des véhicules de transport de troupes ont été aperçus patrouillant dans les rues du centre de la capitale, où le calme était revenu à la mi-journée.

L'évolution de la situation à N'Djamena est suivie de près à l'étranger, le pays étant l'un des principaux soutiens de l'Occident, notamment la France, dans les opérations militaires internationales en cours contre les groupes djihadistes au Sahel.

Des slogans contre la France, accusée de soutenir le conseil militaire de transition, ont été scandés par les manifestants et les journalistes de Reuters sur place ont vu des protestataires s'en prendre à des entreprises associées à l'ancienne puissance coloniale, comme une station-service Total.

Le président français Emmanuel Macron a condamné mardi avec la plus grande fermeté la répression des manifestations à N'Djamena et réitéré son appel à une transition pacifique au Tchad.

Alors que Paris avait dit donner jusqu'ici la priorité à la sécurisation du Tchad, le chef de l'Etat a affiché son soutien à un processus de transition "conduit par un gouvernement civil d'union nationale et devant mener le pays à des élections dans un délai de 18 mois", dans un communiqué conjoint avec le président de la République démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, à l'issue d'un entretien avec ce dernier.

Emmanuel Macron a également dit soutenir les "efforts d'accompagnement engagés par l'Union africaine", qui a exprimé sa "grave inquiétude" concernant la prise du pouvoir par les militaires.

(Edward McAllister et Mahamat Ramadane, avec Madjiasra Nako, rédigé par Cooper Inveen; version française Claude Chendjou et Jean-Stéphane Brosse)