Après le G7, les dérogations au coeur des débats sur la taxation internationale

reuters.com  |   |  709  mots

par Leigh Thomas

PARIS (Reuters) - Si le G7 est enfin parvenu à s'entendre sur les bases d'une réforme fiscale mondiale, la bataille risque désormais de se déplacer sur les exemptions et les dérogations que certains secteurs ou pays vont réclamer, avec la Chine au centre du jeu.

Le groupe de sept pays riches a conclu le 5 juin un accord de principe sur la création d'un taux plancher mondial d'impôt sur les sociétés d'au moins 15% et sur la taxation au niveau national des plus grandes entreprises du monde, en particulier les géants du numérique.

Dans leur communiqué, ils n'ont toutefois pas évoqué l'éventualité d'exemptions susceptibles d'être accordées dans les négociations à venir, notamment dans le cadre plus large du G20, laissant ainsi une question cruciale en suspens.

"Si on veut mettre en place une taxation minimale, on peut considérer qu'il ne faut pas accorder de dérogation (...). Mais ce n'est pas réaliste", a dit Robert Danon, professeur de droit à l'université de Lausanne.

Les gouvernements à travers le monde ont depuis longtemps recours à des incitations fiscales pour favoriser leurs priorités en matière de politique économique, qu'il s'agisse par exemple d'encourager la recherche et développement ou d'attirer les investissements étrangers.

Certains sont réticents à renoncer à ces dispositifs, notamment la Chine, qui a recours depuis des décennies à des zones économiques spéciales à faible imposition pour faire venir les capitaux étrangers, ce qui a joué un rôle central dans son développement.

Un responsable informé des discussions en cours a déclaré que la Chine avait des "inquiétudes légitimes" pour ces zones. Pékin fait aussi bénéficier de taux d'imposition attractifs à ses entreprises du secteur technologique, dont certaines comme Alibaba et Tencent sont enregistrées aux Iles Caïmans, où n'existe pas d'impôt sur les sociétés.

Un autre responsable a dit à Reuters que la Chine était hostile au taux plancher de 15% décidé au sein du G7 et qu'elle réclamerait des dérogations en échange de son soutien.

DONNANT-DONNANT

A ce stade, plusieurs pays en développement membres du G20 se sont rangés à l'avis du G7, comme l'Afrique du Sud, le Mexique et l'Indonésie dont les ministres des Finances ont signé une tribune en ce sens dans le Washington Post.

"Je suis confiant dans le fait qu'au bout du compte, nous parviendrons aussi à un accord avec la Chine. Parce que, comme toujours dans ce genre de négociations internationales, ce sera du donnant-donnant", a dit un négociateur.

Pékin n'a pour l'instant pas dévoilé son jeu, se contentant de dire via son ministère des Affaires étrangères que le G20 devrait tenir compte des inquiétudes de toutes les parties.

La prochaine réunion du G20 est prévue les 9 et 10 juillet, après des discussions entre 139 pays impliqués dans le projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) impliquant aussi l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), moteur de ces débats.

Parallèlement, les participants risquent aussi de devoir s'entendre sur d'éventuelles exemptions concernant l'autre pilier de ce projet de réforme fiscale mondiale, la taxation des "surprofits" des plus grandes multinationales, notamment du secteur numérique, afin de faire en sorte qu'elles paient leurs impôts dans les pays où se trouvent leurs activités.

La Grande-Bretagne a déjà cherché à obtenir une dérogation pour son imposant secteur financier dans le cadre des discussions techniques au sein du G7, ont dit des sources proches des négociations.

Dans une note sur le sujet publiée en octobre, l'OCDE a suggéré que des exemptions puissent être accordées pour les secteurs des ressources naturelles, des services financiers, de la construction et de l'immobilier résidentiel et des transports aérien et maritime.

L'importance de la réforme de la fiscalité internationale dépendra de la liste des dérogations qui seront incluses dans l'accord final, dit Robert Danon.

"J'ai tendance à penser que nous finirons probablement avec quelque chose à mi-chemin", déclare-t-il.

(Avec Michael Nienaber à Berlin; version française Bertrand Boucey, édité par Sophie Louet)