La CEDH valide une procédure contre la Suisse pour inaction climatique, épargne la France

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La cour europeenne des droits de l'homme rend ses verdicts dans trois affaires historiques concernant le climat[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

STRASBOURG (Reuters) - La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a donné gain de cause mardi à une association de femmes âgées en Suisse, la jugeant habilitée à poursuivre les autorités suisses en justice pour leur manque de protection contre les effets du changement climatique.

Cette décision inédite pourrait créer un précédent à travers le monde et ouvrir la voie à des procédures contre les Etats en matière de lutte contre le changement climatique.

La CEDH a en revanche rejeté un recours contre la France déposé par un ancien maire de Grande-Synthe et aussi jugé irrecevable une autre plainte déposée par six jeunes Portugais contre 32 Etats, dont la France, sur le même thème.

La juridiction de Strasbourg a jugé que les autorités suisses avaient manqué à leurs obligations au regard de la Convention européenne des droits de l'homme consacrant un "droit à une protection effective contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie".

Elle leur reproche notamment de "graves lacunes" en matière de politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que leur incapacité à respecter leurs objectifs passés en matière de réduction des émissions polluantes.

"On n'arrive toujours pas vraiment à y croire", a réagi Rosmarie Wydler-Walti, l'une des cheffes de file du groupe de plaignantes suisses. "On n'arrête pas de demander à nos avocats 'c'est vrai?' et ils nous répondent que c'est le maximum que nous aurions pu obtenir. La plus grande victoire possible."

Le ministère suisse de l'Energie a pour sa part assuré que le pays était "sur la bonne voie" et "faisait beaucoup".

INCOMPRÉHENSIBLE

La plainte spécifique contre la France avait été déposée par Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe (Nord). Ce dernier accusait la France de manquer à son obligation de garantir le droit à la vie et le respect de la vie privée et familiale en ne luttant pas suffisamment contre le changement climatique, exposant ainsi Grande-Synthe à un risque d'inondation du fait du changement climatique.

Interrogée par Reuters, Cyrielle Châtelain, présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale à Reuters, a jugé cette décision incompréhensible.

"C'est d'autant plus incompréhensible que le Haut conseil pour le climat a fait un courrier au premier ministre et au gouvernement pour les alerter sur le fait qu'aujourd'hui la France est très loin des engagements qu'elle s'était fixés sur en matière de trajectoire climatique."

La Grande Chambre de la CEDH a notamment considéré que Damien Carême ne pouvait se prétendre victime dès lors qu'il n'habite plus à Grande-Synthe.

"On s'attendait un peu à ce jugement", a réagi l'ancien élu de Grande-Synthe (2001-2019) devant des journalistes.

Il s'est toutefois réjoui que les différentes procédures examinées par la CEDH, et notamment la recevabilité du recours de l'association suisse, ait ouvert la "voie à d'autres plaintes sur le droit à la vie en matière de justice climatique".

"Le fait que la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme se soit saisie pour la première fois de requêtes contre des gouvernements en matière de justice climatique, c'est ça qui est la voie ouverte", a dit Damien Carême. "La recevabilité de telles requêtes est aujourd'hui admise par la Cour européenne des droits de l'homme."

La CEDH a enfin considéré que les six jeunes Portugais, qui reprochent à 32 Etats d'être responsables des conséquences du changement climatique sur leur bien-être et leur santé mentale, ne pouvaient la solliciter pour poursuivre d'autres pays que le Portugal. Elle a en outre jugé qu'ils n'avaient pas épuisé toutes les voies de recours au Portugal.

Ces différentes décisions ne sont pas susceptibles d'appel.

(Rédigé par Kate Abnett, Gloria Dickie, version française Bertrand Boucey, avec Elizabeth Pineau, édité par Zhifan Liu et Kate Entringer)