"Pour répondre à la très forte demande, nous aurons besoin de toutes les énergies"

Entretien avec Philippe Boisseau, directeur général gaz et énergies nouvelles de Total.
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Pourquoi Total s'intéresse-t-il aux énergies nouvelles ?

En 2030, les énergies fossiles représenteront trois quarts de l'énergie consommée dans le monde. De quoi sera composé l'autre quart ? Nous allons avoir besoin de toutes les énergies pour répondre à la très forte demande. Total diversifie donc son offre dans les domaines où le groupe peut apporter son savoir-faire industriel : solaire, biomasse et, à plus long terme, nucléaire. Nous avons écarté l'éolien car il y a trop peu de synergies avec nos métiers. Cette diversification est aussi un moyen de renforcer notre partenariat avec les grands pays producteurs de pétrole désireux de diversifier leurs sources d'énergies. C'est ce que nous faisons avec la construction de Shams 1 à Abou Dhabi, la plus grande centrale solaire à concentration du Moyen-Orient, dans laquelle nous avons une participation de 20 %. Ou avec notre présence auprès des industriels français lors de l'appel d'offres nucléaire d'Abou Dhabi en 2009.

Une compagnie pétrolière est-elle légitime sur le terrain des énergies renouvelables ?

Ce n'est pas du « green washing » ! Depuis quatre ans, nous sommes relativement discrets car nous construisons un outil industriel. Notre légitimité est d'abord industrielle. Dans le solaire, nous apportons par exemple à la start-up américaine spécialiste du silicium AEP, dans laquelle nous sommes entrés à hauteur de 25,4 % en juin 2010, une aide sur le développement de la technologie du lit fluidifié circulant, utilisée par ailleurs dans le raffinage et la chimie. Dans la biomasse, les synergies sont, là aussi, très fortes avec nos activités de chimie. Ensuite, notre légitimité est géographique grâce à notre présence dans plus de 130 pays. Nous disposons aussi d'une capacité de financement, un facteur déterminant dans le solaire.

Quelles sont vos ambitions ?

Nous prévoyons d'investir 5 milliards d'euros dans les énergies nouvelles d'ici à 2020. Dans le solaire, nous voulons être, d'ici à 2015, un des grands acteurs intégrés mondiaux. Sur chacun des segments du photovoltaïque (purification de silicium, fabrication de cellules, fabrication de panneaux... jusqu'à la production d'électricité), nous voulons grossir par croissance externe ou par des partenariats. Nous visons, d'ici à dix ans, une capacité d'installation de systèmes qui sera dix fois celle de Tenesol, notre filiale actuellement détenue à parité avec EDF. D'ici à 2030, le solaire devrait représenter 3 % du mix énergétique mondial. Pourquoi pas 3 % d'un grand acteur pétrolier ?

Où en êtes-vous, quatre ans après l'annonce de cette stratégie par votre PDG, Christophe de Margerie ?

Nous avons investi près de 350 millions de dollars dans des start-up comme Konarka, qui travaille sur des films plastiques solaires en matières organiques, ou Amyris, qui dispose d'une plate-forme industrielle de biologie synthétique. Amyris modifie génétiquement des levures pour produire, à partir de la canne à sucre, des molécules pour la chimie ou des biocarburants comme du biojet pour l'aviation. Certains de nos concurrents ont pris de l'avance en matière d'investissements industriels ; nous, nous misons d'abord sur l'avance technologique.

Dans le nucléaire, où en sont vos projets ?

On ne peut aborder ce sujet sans avoir à l'esprit la situation grave qui se déroule en ce moment au Japon. Nous sommes et serons très attentifs à l'évolution de cette situation. Dans le nucléaire, nous détenons 8,33 % du deuxième EPR qui sera construit en France à Penly. C'est en tant qu'investisseur, et à plus long terme, exploitant de centrales que nous souhaitons nous positionner.

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