La recherche partenariale, gage d'innovation

Plusieurs dispositifs réglementaires, dont le Crédit Impôt Recherche, favorisent les échanges entre laboratoires de recherche académique et industriels de la chimie. Un soutien essentiel à l'innovation du secteur.
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Peut-on externaliser la préparation de l'avenir ? Oui, si l'on en croit l'expérience des industriels de la chimie, qui sont nombreux à profiter d'un environnement réglementaire porteur pour confier leur recherche de long terme à des partenaires académiques. « Dans un contexte de crises successives, les chimistes ont réorienté leur recherche en interne vers le développement d'applications rapidement commercialisables. En parallèle, ils se sont mis à soutenir les travaux de laboratoires académiques », analyse Régis Réau, directeur de l'institut de chimie du Cnrs, qui regroupe 170 unités de recherche, dont dix laboratoires au sein desquels cohabitent des personnels Cnrs et des salariés de l'industrie. Parmi ces unités de recherche, l'Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (ISIS), implanté sur le campus de l'Université de Strasbourg, se hisse à la première place en France dans le classement de Shanghaï des meilleures universités pour la recherche en chimie, et au quatorzième rang dans le monde. Les partenaires privés peuvent y être accueillis. Le chimiste BASF y a notamment détaché une dizaine de chercheurs. Ce type de démarche partenariale est de plus en plus soutenue par la puissance publique, notamment dans le cadre du grand emprunt, qui vise notamment à stimuler les retombées industrielles de la recherche académique française (voir encadré). Autre dispositif favorable aux échanges entre usines et campus : les bourses de thèse Cifre, qui permettent à un étudiant d'être rattaché à la fois à un laboratoire de recherche académique et à un groupe industriel. Quant au crédit impôt recherche (CIR), il constitue un puissant catalyseur de partenariats entre laboratoires académiques et industrie : il permet de récupérer une grande partie des sommes investies dans la recherche sous forme d'une réduction de l'impôt sur les sociétés, avec une incitation financière encore plus importante lorsque les sommes investies le sont dans le cadre d'un contrat avec un laboratoire académique ou avec une société accréditée. D'où un bénéfice financier, mais aussi et surtout une limitation de la prise de risque, qui peut favoriser les innovations de rupture. Reste que ce changement de méthode oblige les entreprises à se remettre en question, pour passer d'une logique d'invention en interne ou de rachats d'entreprises créatives à une démarche d'innovation ouverte. « Or, pour des domaines clés comme la formulation des produits et les procédés de fabrication, le secteur a historiquement cultivé l'innovation interne et le secret de fabrication », souligne Gilles Rubinstenn, directeur général de la fondation Pierre-Gilles de Gennes pour la recherche, organisme dédié à la mise en relation des scientifiques et des industriels. L'évolution vers une plus grande ouverture s'avère rentable pour les deux parties : pour les acteurs du monde académique, dont les travaux sont alors financés et stimulés par les problèmes issus de la pratique, et pour les industriels, qui bénéficient d'une expertise pointue sans supporter l'intégralité de l'effort de recherche. « Le dispositif de crédit impôt recherche, réformé en 2008, est très efficace. En deux ans, il a permis d'augmenter de 60% le nombre d'entreprises ayant recours aux institutions publiques », s'enthousiasme Gilles Rubinstenn. « Le volume de ces contrats de recherche sous-traitée est passé de seulement 350 millions d'euros en 2007 à plus de 489 millions d'euros en 2009, selon un récent rapport du Sénat. Et ce alors même que l'économie traversait une crise des plus sévères. Ainsi, le CIR stimule le lien entre deux univers jusqu'alors trop découplés, celui de la recherche académique soutenue par la puissance publique et celui de l'innovation génératrice de valeur ajoutée. »

Le grand emprunt finance l'excellence

Lancé en 2010 par le gouvernement pour relancer l'industrie française, le grand emprunt de 35 milliards d'euros mise notamment sur l'enseignement supérieur et la recherche, via différents dispositifs. En particulier celui des « laboratoires d'excellence », ou Labex. Ceux-ci bénéficieront d'un financement d'un milliard d'euros, au terme d'un processus d'appels à projets et de sélection par un jury international, chargé d'identifier les initiatives susceptibles de « renforcer l'excellence scientifique et le positionnement à l'international des laboratoires français ». En mars dernier, une première vague de 100 Labex ont été identifiés. Parmi lesquels le centre de chimie des systèmes complexes porté en particulier par l'institut de sciences et d'ingénierie supramoléculaire. Evidemment, l'intégralité du montant n'est pas concentrée sur la chimie. Mais avec quatre Labex qui mentionnent la chimie dans leur intitulé et douze autres qui l'évoquent dans la description de leur projet, ce dispositif apporte sa pierre à l'édifice d'un écosystème favorable à l'innovation dans ce secteur.

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Cas d'entreprise Capsum : ?Le soutien aux jeunes entreprises innovantes, un atout pour entreprendre

Fondée en 2008 par trois chercheurs français et américain, Capsum applique la microfluidique, une technologie innovante de dispersion des liquides, au secteur de la cosmétique. Son chiffre d'affaires et de 2 millions d'euros, pour un effectif de 22 personnes.

« Nous avons choisi d'implanter notre société en France, notamment du fait de l'existence d'un environnement favorable aux jeunes entreprises innovantes. En tant que membre des deux pôles de compétitivité Parfums, arômes, senteurs et saveurs (PASS) et Cosmetic Valley, nous bénéficions d'un accompagnement dans notre démarche d'innovation collaborative, pour établir des partenariats avec d'autres industriels ou des laboratoires académiques. Nous gagnons également en visibilité, notamment via la représentation de ces pôles lors de salons professionnels. » explique Sébastien Bardon, PDG de Capsum.

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