Entre optimisme et réalité

A quelques jours de l'ouverture de Paris Photo, coup de zoom sur les beaux livres de photographies consacrés à Malick Sidibé, Mario Giacomelli et Michael Ackerman dont le travail sera représenté au salon.
Malick Sidibe la vie en rose

Malick Sidibé voit la vie en rose. À plus de 80 ans, le photographe malien, coqueluche des éditeurs à la bibliographie impressionnante (plus d'une vingtaine d'ouvrages), est devenu le biographe officiel de la « dolce vita » malienne. Pendant de nombreuses années, entre 1960 et 1970, il est le metteur en scène inspiré d'un mythe. Celui d'une génération révolutionnaire et joyeuse, dopée par les Indépendances. Son oeuvre sonne en cette année 2010 de jubilé comme l'allégorie d'une Afrique optimiste. Et ses clichés surannés nous susurrent un petit air de nostalgie, celui du bon temps des rêves. Après une décennie 1980 vide, les quelques portraits des années 1990 montrent les modèles... de dos. Le vent a tourné.

À la base du très joli catalogue publié aujourd'hui chez Silvana Editorial, l'exposition « La Vie en rose », présentée au printemps à Reggio Emilia, dans le nord de l'Italie, par la collection Maramotti, s'est révélée comme un concentré des clichés les plus fameux du photographe africain le plus célèbre d'Europe. « Ce sont des milliers de visages que nous regardons pendant qu'ils semblent nous regarder à leur tour », estime Laura Serani, commissaire de l'exposition avec Laura Incardona. Comme dans le très bel ouvrage publié par Steil après une exposition à Göteborg en 2003, le duo italien donne la parole au proto- portraitiste : « Je crois au pouvoir de l'image, c'est pour cela que j'ai passé toute ma vie à représenter les personnes de la meilleure façon possible, en essayant de restituer autant de leur beauté que je pouvais ». Le Mali de Malick a aujourd'hui disparu sous la mal-vie, la corruption, les dettes. Ce catalogue nous en redonne le goût acidulé. Comme un bonbon.

« La Vie en rose, photos de Malick Sidibé », éditions Silvana Editoriale, 160 pages, 42 euros. Au salon Paris Photo, Malick Sidibé sera représenté par les galeries Brancolini Grimaldi, Fifty One Fine Art Photography et la galerie du Jour Agnès b.

Mario le typographe. Il avait demandé pour Noël 1953 un appareil photo. Dix ans après, le MoMa de New York achetait ses photos. C'est que le travail de l'Italien Mario Giacomelli (1925-2000) ne ressemble à nul autre, poétique en diable, empruntant parfois au surréalisme, au néoréalisme italien ou à Fellini. Ancien typographe, il se plaisait à accentuer ses contrastes, transformant ainsi les paysages de sa région natale des Marches en oeuvres abstraites aux noires cicatrices. Idem pour ses portraits de vieillards de Scanno semblables à des encres de Chine. Grâce à une impression d'excellente qualité, « Mario Giacomelli, le noir attend le blanc », le livre que lui consacrent aujourd'hui les éditions Actes Sud, permet de saisir toute la beauté et la subtilité de son travail, ici analysé par une dizaine de spécialistes et accompagné d'une biographie piquée de souvenirs du fils de l'artiste.

« Mario Giacomelli, le noir attend le blanc », Actes Sud, 256 pages, 59 euros. Au salon Paris Photo, Mario Giacomelli sera représenté par les galeries Bruce Silverstein, Forma Galleria, Howard Greenberg, Robert Klein Gallery et Robert Koch Gallery.

La vie, ou ce qu'il en reste. Lors des dernières rencontres d'Arles, Marin Karmitz lui avait réservé une place de choix au sein de l'exposition consacrée à sa collection. On comprend pourquoi à la « lecture » du dernier album de Michael Ackerman, « Half Life », voyage halluciné et baconien en terre polonaise. Peut-être même s'agit-il d'une autre contrée, aucun texte explicite ne le confirme. Reste que ces images en noir et blanc, au grain épais, saisies de la vitre d'un train, au coeur d'un cimetière juif aux stèles abattues, renvoient toutes aux pires heures de l'histoire du XXe siècle. Et c'est peut-être là la manière la plus forte de parler aujourd'hui de la Shoah.

« Half Life », éditions Delpire, 168 pages, 43 euros. Au salon Paris Photo, Mickael Ackerman sera représenté par Vu' la galerie.

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