Quand le bastion saoudien commence à bouger

Si elles ne peuvent toujours pas conduire, ni se passer d'un tuteur, ni hériter dans les mêmes conditions que les hommes, certaines Saoudiennes sont quand même devenues femmes d'affaires.
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Conduire ! Certaines femmes saoudiennes en rêvent. Quand l'envie est trop forte, celles de l'élite s'envolent pour Nice, louent une voiture et roulent jusqu'à Monaco, cheveux au vent, racontent-elles en riant dans les dîners des ambassades, à Riyad. Pourvu que leur « tuteur » - mari, père, frère ou autre - leur en ait donné la permission, bien sûr... Mais conduire n'est qu'un des interdits, emblématique de leur manque de liberté, que certaines voudraient voir abolis. Il y en a bien d'autres. Impossible de sortir de chez soi, et encore moins du pays, sans autorisation de son tuteur. Impossible de voter ou de se présenter à une élection locale. Impossible, encore, d'hériter une part égale à celle d'un homme de la famille - c'est généralement la moitié seulement. Quant à travailler ou lancer une affaire...

Pourtant, les choses bougent. À l'image de l'évolution observée ailleurs dans le monde, les femmes sont maintenant très nombreuses dans les universités saoudiennes. Elles représenteraient même 80 % de tous les bac + 5, même si 65 % de ces diplômées ne trouvent pas de postes à leur niveau ensuite. En fait, seules 10 % à 15 % des Saoudiennes ont actuellement une activité économique, souvent le professorat (contre 28 % pour l'ensemble du Moyen-Orient). « Pour le moment, les prix du pétrole permettent un tel gâchis », remarquait récemment Isobel Coleman, chercheuse au Council on Foreign Relations, à New York, et auteure d'un livre qui vient de paraître sur les avancées des femmes en pays arabes (« Paradise Beneath Her Feet, How Women Are Transforming The Middle East »), dans une interview à la chaîne américaine CNBC.

Mais il semble, selon certains économistes, que l'élite masculine régnante commence à évoluer sur ce sujet. Le chômage, dont le taux dépasse 10 % actuellement, et l'augmentation du coût de la vie (+ 5,3 % en rythme annuel en janvier), malgré une croissance de 3,9 % prévue pour cette année, seraient autant d'éléments moteurs pour une percée des femmes dans le monde du travail. Pour maintenir leur niveau de vie, nombre de familles doivent en effet recourir à un deuxième salaire... D'ailleurs, certains efforts sont en cours pour dynamiser la participation des femmes à l'économie : les chambres de commerce invitent des femmes à s'exprimer, et celle de Djedda en a même trois dans son conseil d'administration. Sans oublier la récente nomination, par le roi Abdallah, que l'on dit ouvert aux réformes, d'une secrétaire d'État, le plus haute poste détenu par une femme à ce jour dans le gouvernement.

Sur les réseaux sociaux

Mais, en fait, les Saoudiennes n'ont pas attendu une incitation officielle pour agir. Ainsi, sur les 38.000 entrepreneuses que compterait le royaume, certaines ont choisi l'e-commerce, plus facile à développer qu'une entreprise classique, puisque ne requérant pas d'autorisation ni de garantie d'un homme. D'autres sont allées demander aux autorités une exemption en ce sens, pour lancer, seules, leur affaire, et, à leur grande surprise, l'ont obtenue ! Et voici qu'elles utilisent maintenant les réseaux sociaux pour une campagne appelant à la participation des femmes aux élections municipales en 2011. Autant dire que, si le pays est classé 129e sur 134 (le Yémen est bon dernier) dans le « Rapport Genre » 2010 (incluant éducation, participation politique et économique des femmes) du Forum économique mondial, il pourrait gravir quelques échelons à l'avenir.

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