Libye : qui arrêtera Kadhafi ? Pas l'ONU pour l'instant

Pendant que le débat diplomatique se prolonge, certains évoquent un risque réel de voir les forces de Kadhafi gagner la partie sur le terrain avant que les grandes puissance conviennent d'une riposte au conflit.
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Les forces de Mouammar Kadhafi ont repris mardi deux villes dans l'est de la Libye, contraignant les insurgés à battre en retraite et menaçant désormais le bastion insurrectionnel de Benghazi. Ajdabiah, dernier verrou avant Benghazi, est tombée après d'intenses pilonnages qui ont provoqué la fuite de nombreux civils. Les kadhafistes ont pris le port pétrolier de Brega au terme d'une matinée de combats et pourraient tenter prochainement d'encercler Benghazi.

A Paris, les chefs de la diplomatie des pays du G8 réunis en sommet ont menacé Mouammar Kadhafi de conséquences "dramatiques" s'il continuait d'ignorer les aspirations du peuple libyen à la démocratie. Mais ils n'ont pu s'entendre pour réclamer la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne.,Ils ont demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de renforcer la pression, économique notamment, sur Mouammar Kadhafi. Russie et Allemagne ont estimé qu'une zone d'exclusion risquait d'être contre-productive. L'ONU tergiverse pour l'instant mais étudierait la possibilité d'instaurer par la force d'une zone d'exclusion aérienne.

Dans une interview accordée au quotidien italien Il Giornale, le colonel Kadhafi se dit certain de sa victoire. Il se déclare "choqué et trahi" par ses anciens amis européens, qu'il menace de mesures de rétorsion.

BENGHAZI POURRAIT ÊTRE ISOLÉE

"La ville d'Ajdabiah a été nettoyée des mercenaires et des terroristes liés à l'organisation Al Qaïda", a annoncé la télévision nationale libyenne par allusion aux rebelles, de plus en plus vulnérables, qui espèrent depuis bientôt un mois mettre fin aux 41 années de règne du numéro un libyen. Des avions de chasse libyens ont commencé par bombarder un point de contrôle des rebelles à l'entrée ouest d'Ajdabiah, avant de déclencher un barrage d'artillerie sur la ville et un dépôt d'armes des environs, selon une méthode qui a fait reculer les insurgés de 160 km vers l'est en une semaine de combats.

Un missile au moins a touché une zone habitée. Habitants et rebelles se sont entassés dans des véhicules pour s'enfuir vers Benghazi ou Tobrouk, qui sont toujours aux mains des insurgés.,"La bataille est perdue. Kadhafi a tout lancé contre nous", a dit un officier rebelle, le "général Souleimane". Outre la route côtière menant à Benghazi, une route de 400 km traverse une zone de désert jusqu'à Tobrouk, près de la frontière égyptienne, ce qui peut permettre aux kadhafistes d'isoler Benghazi. On ignore toutefois si les forces de Kadhafi peuvent s'offrir le luxe de se diviser et d'opérer avec d'aussi longues voies de ravitaillement.

A Genève, le président de la Ligue libyenne pour les droits de l'homme, Soliman Bouchuiguir, a prédit un "bain de sang, un massacre semblable à ce qu'on a vu au Rwanda" si les forces gouvernementales venaient à lancer une offensive sur Benghazi, deuxième ville du pays qui compte 670.000 habitants. Les avions, chars et unités d'artillerie de Kadhafi l'ont emporté sans peine sur des insurgés munis d'armes légères dans le désert, mais elles ont rencontré une résistance plus dure dans des villes où les insurgés trouvaient des abris.

Le petit centre pétrolier de Brega (4.300 habitants), au sud-ouest d'Ajdabiah, a changé de mains plusieurs fois en trois jours de violents affrontements, mais a également succombé à l'armement supérieur des troupes gouvernementales. "Nous avons entièrement perdu Brega, nous ne pouvions pas tenir tête aux forces de Kadhafi", a dit un rebelle, Nasser.

LE G8 ACHOPPE SUR LA ZONE D'EXCLUSION

Dans une déclaration publiée à Paris, les ministres du G8 soutiennent l'examen "en urgence" par le Conseil de sécurité de l'Onu d'"une large gamme de mesures visant à assurer la protection des populations libyennes". Mais l'Allemagne s'est opposée à la mention d'une éventuelle zone d'exclusion aérienne, mesure demandée par la Ligue arabe pour empêcher le colonel Kadhafi d'utiliser son aviation. La Russie, qui considère toujours cette option avec circonspection, a demandé des détails supplémentaires, notamment à la Ligue arabe, sur ses modalités éventuelles. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a lui aussi remis la balle dans le camp des pays arabes.

Paris et Londres souhaitaient persuader leurs partenaires d'accélérer le vote d'une résolution autorisant des actions militaires en Libye. Le ministre britannique; William Hague, a fait état, malgré les divergences sur la zone d'exclusion, d'une volonté commune de faire pression sur Kadhafi. A New York, les membres du Conseil de sécurité devaient recevoir mardi soir un projet de résolution en faveur d'une zone d'exclusion aérienne et de sanctions renforcées contre Kadhafi et son entourage, ont indiqué des diplomates à Reuters. On ne s'attendait pas à ce que le Conseil vote sur ce projet mardi, les représentants de la plupart des Etats membres souhaitant d'abord consulter leurs capitales à ce sujet.

Pendant que le débat diplomatique se prolonge, certains évoquent un risque réel de voir les forces de Kadhafi gagner la partie sur le terrain avant que les grandes puissance conviennent d'une riposte au conflit. L'Otan a posé trois conditions à une zone d'exclusion aérienne sur la Libye: un soutien régional, la preuve que son aide est nécessaire et une résolution du Conseil de sécurité. L'appel de la Ligue arabe satisfait à une seule d'entre elles.

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