« Un nouveau report des élections à cause des troubles serait une catastrophe »

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Slim Zéghal PDG d'Altéa Packaging, diplômé de l'école Centrale (*)

Il y a dix jours, de violentes manifestations débouchaient sur des affrontements avec les forces de l'ordre et faisaient des dizaines de blessés, et un mort à Sidi Bouzid. Craignez-vous une escalade de la violence ?

Non, je crois que nous avons atteint un pic de violence qui a fait office de déclencheur. Le gouvernement a enfin durci le ton vis-à-vis des fauteurs de troubles en déployant les forces de police pour disperser des manifestations illégales. Quant aux Tunisiens, ils sont lassés des violences. La marche pacifique de jeudi dernier à Tunis [entre plusieurs centaines et 5.000 personnes selon les sources, Ndlr], c'est la mobilisation de la majorité silencieuse qui dit non aux violences et aux mouvements extrémistes de tous bords qui paralysent le pays. Il ne faut pas confondre démocratie et anarchie.

La situation économique et sociale reste préoccupante...

La révolution a fortement pesé sur l'emploi. La chute du tourisme, qui représente 100.000 emplois directs, 300.000 emplois indirects et 7 % du PIB, pénalise l'ensemble du secteur des services. Les investissements étrangers ont chuté et l'activité dans de nombreuses industries a ralenti, voire s'est arrêtée. Il y a aussi les graves conséquences de la révolution libyenne. Entre 50.000 et 60.000 Tunisiens travaillaient en Libye. Aujourd'hui, ils sont sans emploi. Notre pays a dû accueillir plus de 700.000 réfugiés fuyant la guerre civile libyenne. Dans ce contexte, les revendications des contestataires sont paradoxales. D'un côté, ils reprochent au gouvernement de ne pas aller assez vite dans les réformes économiques et sociales, et s'insurgent contre la lenteur de la justice pour juger ceux qui ont commis des exactions sous Ben Ali. D'un autre côté, le gouvernement transitoire n'a pas la marge de manoeuvre de voter des réformes structurelles comme celle du budget par exemple. Et la justice exemplaire que les manifestants réclament ne peut pas être rendue dans la précipitation.

Comment sortir de cette phase d'instabilité ?

La tenue normale des élections du 23 octobre est la seule solution pour sortir par le haut de cette crise. Pour y arriver, le gouvernement doit faire preuve de fermeté face aux débordements et insister sur l'unité des partis politiques. Un nouveau report des élections à cause des troubles serait une catastrophe et aggraverait la situation économique, ce qui nourrirait le mécontentement. Les investisseurs et les touristes ne reviendront pas dans un pays instable.

Propos recueillis par Sylvain Rolland

(*) Entreprise d'emballages tournée vers l'exportation

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