Après le retrait de Delevoye, la retraite de la réforme ?

Par AFP  |   |  935  mots
Paris, le 10 décembre 2019. Les syndicats et travailleurs en grève défilent lors d'une manifestation contre la réforme des retraites. (Crédits : Reuters)
Coup dur pour le gouvernement: le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, fragilisé par des révélations sur des mandats non déclarés, a démissionné lundi à la veille d'une nouvelle journée de grèves et de manifestations, sans l'ébauche d'une sortie de crise à quelques jours de Noël.

Le mardi 17 décembre s'annonce comme une journée-test pour le gouvernement. Pour cette fois, ce sont tous les syndicats qui ont appelé à manifester, y compris les organisations réformistes telles que la CFDT et l'Unsa. La tension est à son comble, alors que Jean-Paul Delevoye, a annoncé, ce lundi, sa démission au poste de haut-commissaire aux Retraites, après des révélations sur des mandats non déclarés.

Nommé par Emmanuel Macron en septembre 2017 pour préparer la réforme des retraites, M. Delevoye considère que la "confiance est fragilisée sous les coups d'attaques violentes et d'amalgames mensongers" et qu'à travers son "procès", on "veut porter atteinte" à un projet "essentiel pour la France".

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Il sera remplacé "dans les plus brefs délais", a précisé l'Élysée, qui a accepté sa démission "avec regret".

M. Delevoye a reconnu avoir omis de déclarer sa fonction d'administrateur bénévole dans un institut de formation de l'assurance, l'Ifpass, et a rectifié ce weekend sa déclaration d'intérêts en déclarant 13 mandats, dont 11 bénévoles, soit dix de plus que dans la version initiale.

Il a aussi cumulé sa fonction gouvernementale avec celle, rémunérée, de président de Parallaxe, un institut de réflexion sur l'éducation, cumul déclaré mais pas autorisé. Il s'était engagé à rembourser les sommes perçues.

Cette démission intervient à la veille d'une journée peut-être décisive, l'ensemble des syndicats appelant à manifester.

L'âge d'équilibre en jeu

Les organisations réformistes, comme la CFDT, la CFTC, l'Unsa ou les étudiants de la Fage, sont furieuses que le Premier ministre ait maintenu une mesure "d'âge d'équilibre" dans son projet de transformation des 42 régimes de retraite existants en un système universel par points.

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La fixation d'un "âge d'équilibre", de 64 ans en 2027, signifie que chacun pourra continuer à partir à la retraite à 62 ans, mais au prix d'un malus sur sa pension, ceux partant après bénéficiant au contraire d'un bonus. Il s'agit d'encourager l'allongement des cotisations pour maintenir l'équilibre financier.

Sur cette mesure, "le gouvernement fait une profonde erreur en terme de justice sociale et aussi une profonde erreur politique s'il persiste", a insisté Laurent Berger.

Favorable à une retraite universelle par points, la CFDT ne sera pas dans la tête du cortège parisien, entre République et Nation. Elle refuse de défiler au côté de l'intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU) dont elle ne partage pas le mot d'ordre de retrait.

Cette intersyndicale a prévu de se retrouver mardi soir pour décider de la suite alors que les réformistes attendent toujours une date pour une réunion à Matignon.

Outre les cheminots, les enseignants, les fonctionnaires, les avocats et magistrats, les internes, médecins et soignants seront mobilisés dans toute la France pour réclamer davantage de moyens pour l'hôpital.

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Combien de trains à Noël ?

Gouvernement et syndicats se renvoient par ailleurs la responsabilité d'une éventuelle paralysie du pays pendant les fêtes.

"Si le gouvernement retire son projet et (qu')on discute sérieusement (...), tout se passera bien. Sinon, les grévistes décideront de ce qu'ils ont à faire jeudi ou vendredi", a déclaré dimanche le numéro 1 de la CGT, Philippe Martinez.

L'entreprise ferroviaire doit informer individuellement, mardi, les usagers sur le maintien ou l'annulation de leur train pour le premier weekend des vacances.

Comme prévu, la région parisienne a vécu une nouvelle matinée noire lundi.

Sur les routes d'abord, avec un pic à plus de 600 km peu avant 9h, soit deux fois plus qu'une journée normale.

Dans les transports publics ensuite, où les RER A (1 sur 2) et B (1 sur 3) continuent de connaître de fortes perturbations. 8 lignes de métro sont encore totalement fermées, 6 très perturbées. Seules les lignes automatisées (1, 14, Orlyval) circulent normalement. À la SNCF, où 61% des conducteurs sont en grève, un tiers des TGV, un quart des Transiliens et 4 TER sur 10 en moyenne circulent.

Par ailleurs, des blocages ont été mis en place par des routiers dans la matinée à Lille, Vannes, Toulouse ou Nancy pour réclamer de meilleures conditions de travail.

Pas d'impact significatif sur la croissance

Face à ces difficultés, plusieurs universités ont décidé d'annuler ou de reporter les examens de fin d'année.

Au douzième jour de grève, commerçants et hôteliers-restaurateurs parisiens enregistrent des chutes d'activité de 25% à 60% par rapport à l'an dernier, selon leurs fédérations.

"Non seulement plus aucun évènement, conférence, séminaire... ne va se tenir d'ici la fin de l'année, mais il y a un nouveau phénomène: nous n'avons plus du tout de réservations", affirme Franck Delvau, de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie.

La Banque de France a cependant écarté un impact significatif des mobilisations sur la croissance.

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"Notre expérience historique est que ces mouvements pèsent finalement peu sur la croissance de l'économie, avec plutôt un simple décalage de l'activité", a expliqué le gouverneur de la BdF François Villeroy de Galhau.

Par Marie-Pierre Ferey, Fabrice Randoux, avec les bureaux de l'AFP en régions.