Baroin sape le programme de Fillon sur les fonctionnaires

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  851  mots
Le président de l'Association des maires de France défend la liberté d'administration des collectivités territoriales.
Le sénateur-maire (LR) de Troyes a indiqué que l'objectif de François Fillon de suppressions de postes dans la fonction publique n'était pas "une promesse", mais une "discussion". Le candidat de la droite à la présidentielle s'est pourtant montré intransigeant à ce sujet.

Empêtré dans le Penelope Gate, mais décidé à maintenir sa candidature, François Fillon se fait discret dans les médias et laisse les cadors des Républicains se charger du SAV de son programme. François Baroin (LR) s'est plié à l'exercice ce jeudi matin au micro de France Inter.

Interrogé sur les suppressions de postes dans la fonction publique annoncées par François Fillon en cas de victoire, le sénateur-maire de Troyes a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une "promesse", mais d'une "discussion".

La question des collectivités territoriales

La fonction publique est divisée en trois catégories : d'Etat, hospitalière et territoriale. Au sujet de cette dernière, François Baroin estime que le prochain mandat présidentielle offre la possibilité de gérer l'évolution des effectifs "avec un peu plus que le un sur deux [la mesure de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ndlr] et d'atteindre l'objectif cible fixé par François Fillon...", avant de se faire couper la parole par Patrick Cohen :

"Mais vous êtes le président de l'Association des maires de France, François Baroin, vous n'imaginez pas qu'on puisse en un quinquennat supprimer 200.000 ou 250.000 emplois dans les collectivités territoriales ?" (5'14'' sur le podcast)

Réponse du sénateur-maire : "Vous n'imaginez pas l'acharnement avec lequel je me bats pour obtenir...", "pour que cette promesse de François Fillon ne soit pas appliquée ?", renchérit le journaliste. "Ce n'est pas une promesse, c'est une discussion", conclut François Baroin.

Intransigeant, François Fillon ne semble pas vouloir discuter

Lors de la primaire de la droite et du centre, la question du nombre de postes à supprimer dans la fonction publique (fonctionnaires et contractuels) faisait partie des clivages majeurs entre les candidats. Rival de François Fillon au second tour, Alain Juppé jugeait excessive la proposition de son concurrent de supprimer 500.000 postes et tablait plutôt sur 300.000.

Vainqueur avec une large majorité de plus de 66%, le député de Paris a décidé de respecter ses engagements à la lettre. Invité de Bourdin direct sur RMC-BFM TV le 11 janvier dernier, François Fillon a insisté : son programme "ne sera pas amendé". Il renvoyait ainsi dans les cordes certaines figures de son parti, comme Laurent Waquiez qui appelait à des modifications. "[S'il] a des idées supplémentaires pour enrichir le programme il est le bienvenu, mais il ne sera pas amendé", avait lancé François Fillon.

Interrogé spécifiquement sur le maintien ou non de son objectif de supprimer 500.000 postes dans la fonction publique, le candidat à la présidentielle avait répondu avec intransigeance : "Oui, bien sûr." Visiblement, François Fillon n'est pas si ouvert à la discussion sur ses objectifs globaux, mais qu'en est-il pour les collectivités territoriales ?

La libre administration des collectivités territoriales

Mis à part le maintien des postes de magistrats, policiers et militaires, de même que l'exemption de l'Outre-Mer, François Fillon n'a pas donné le détail de cette proposition.

Depuis des années les effectifs de la fonction publique d'Etat hors emplois aidés décroissent, passant de 2,55 millions en 2005 à 2,39 millions au 31 décembre 2014 (- 6%) selon les chiffres de la DGAFP, l'Insee et la Drees.

À l'inverse, les effectifs de la fonction publique hospitalière ont augmenté de 21% et ceux de la fonction publique territoriale de 17,5% sur la même période. Si François Fillon veut appliquer son programme, il va devoir tailler en particulier dans ces deux catégories. À ce titre, il propose d'ailleurs de "maîtriser les dépenses des collectivités territoriales [...] en encadrant leurs effectifs (notamment par la fixation d'un plafond de remplacement des départs en retraite)".

Cependant la chose peut s'avérer plus compliquée qu'il n'y paraît puisque, par l'article 72 de la Constitution, les conseils d'élus jouissent de la libre administration des collectivités territoriales. François Fillon devra donc passer par une modification de la Constitution pour atteindre ses objectifs. "Elle ne sera pas changée sur ce sujet", assure François Baroin sur France Inter.

Il faut dire qu'en tant que président de l'AMF, il ne peut que défendre le statut des collectivités locales. Début février, l'association a présenté ses engagements pour la présidentielle. La copie comporte quatre grands principes dont la garantie de "la place de communes fortes et vivantes(...) respectant le principe constitutionnel de libre administration des collectivités" et le maintien de la clause de compétence générale pour les communes.

De même, les maires souhaitent "garantir et moderniser le statut de la fonction publique territoriale", notamment en laissant la liberté aux maires de fixer ses besoins en effectifs. François Fillon risque de rencontrer des oppositions à la mise en œuvre de sa mesure phare.

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