Bruno Le Maire : "Nous mettrons à jour en avril nos prévisions de croissance" - 2/5

ENTRETIEN. Le ministre de l'Économie et des Finances espère que les mesures d'urgence sur le pouvoir d'achat prises en décembre soutiendront la consommation. Extrait de l'entretien avec Bruno Le Maire publié dans La Tribune Hebdo du 15 février 2019.
(Crédits : Philippe Wojazer)

LA TRIBUNE - La croissance ralentit fortement dans le monde entier. Maintenez-vous vos prévisions de 1,7 % pour la France en 2019 ?

BRUNO LE MAIRE - La croissance ralentit partout mais elle ne s'effondre pas. En France, 2018 a été moins bonne que 2017, avec 1,5 % contre 2,3 %. Mais le 0,3 point de croissance du PIB au quatrième trimestre de l'an dernier est un résultat encourageant, compte tenu de la façon dont il s'est déroulé.

C'est la preuve que les décisions que nous avons prises - alléger la fiscalité sur le capital, soutenir l'investissement, réduire les coûts, simplifier le marché du travail, réduire les charges sociales - commencent à porter leurs fruits. Il faut garder cette ligne de conduite. On peut le faire en écoutant davantage le besoin de justice.

Avec les mesures d'urgence votées en décembre - comme la revalorisation de la prime d'activité et la défiscalisation des heures supplémentaires - l'État va verser 10 milliards à ceux qui travaillent. Pour la première fois depuis douze ans, les impôts baissent pour les ménages en France. Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est l'OFCE. En 2019 et en moyenne, les Français vont récupérer 440 euros de pouvoir d'achat. Ce sont des sommes importantes, qui devraient soutenir la consommation et la croissance en 2019.

Nous mettrons à jour, en avril, nos prévisions de croissance en prenant en compte l'environnement international et européen, qui est moins bon, mais aussi les mesures que je viens de développer, qui auront un effet positif sur la consommation et l'investissement.

Mais pour aller plus loin, la seule façon de sortir de la crise que nous connaissons, c'est de continuer à transformer notre économie. Notre défi principal, c'est le volume global d'emplois : il y a trop de chômage, on entre tardivement dans la vie active et au bout du compte nous produisons moins de richesse et de prospérité que d'autres pays.

Comment comptez-vous financer le manque à gagner pour les finances publiques et respecter la trajectoire budgétaire ?

Nous ferons d'abord 1,5 milliard d'économies budgétaires supplémentaires. Elles seront précisées dans le projet de loi de finances rectificative.

 Nous économiserons ensuite 1,7 milliard sur la trajectoire de l'impôt sur les sociétés. Nous maintenons l'objectif de ramener le taux de cet impôt à 25 % pour toutes les entreprises en 2022. Mais nous demandons un effort à toutes les entreprises qui ont un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros en ne faisant pas la baisse prévue cette année. Ce n'est pas illégitime, puisque ces entreprises vont bénéficier du basculement du CICE en allègement de charges en 2019. Et leur impôt sur les sociétés baissera bien en 2020.

La troisième recette, c'est la taxation des géants du numérique qui fera l'objet d'un projet de loi fin février. Il portera sur les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France. En 2019, cette mesure rapportera 500 millions d'euros.

L'annulation de la taxe carbone jusqu'à 2022 prive l'État de 15 milliards de recettes prévisionnelles qui étaient dans la programmation des finances publiques française. Comment tenir les équilibres sans augmenter à nouveau les taxes sur les carburants ?

Nous avons rétabli nos comptes publics depuis deux ans, en ramenant le déficit sous les 3 % du PIB. C'est une bonne nouvelle. Mais il faut rappeler d'où nous venons : depuis 2008 et la crise financière, les dépenses publiques ont augmenté de 5 points, les impôts de 3 points et la dette est passée de 64 % de notre richesse nationale à près de 100 %.

Inverser cette tendance et donner une nouvelle direction au paquebot France prend un peu de temps. Nous avons pris des engagements : 5 points de dette publique en moins, 3 points de dépenses publiques en moins, 1 point d'impôt en moins.

Le Grand débat est l'occasion d'écouter les Français et de mettre des faits sur la table, de sortir de l'immense confusion des esprits que je vois monter avec inquiétude. Il n'y aura pas de bonne solution si on raconte n'importe quoi sur les comptes publics et la fiscalité. Il faut remettre de la raison.

Autour du Grand débat, il y a beaucoup de propositions de baisses des impôts pour les plus modestes, et d'augmentation pour les plus riches. C'est la porte de sortie à cette crise ?

Le président de la République a été très clair sur le plan de sortie du débat. Il doit être ambitieux et prendre en compte les propositions des Français. Mais il ne remettra pas en cause les choix fondamentaux sur lesquels Emmanuel Macron a été élu.

L'enjeu principal pour les finances publiques, c'est de répondre à la question : quelles dépenses publiques souhaitez-vous baisser pour que nous puissions davantage baisser vos impôts ? C'est aux Français de nous préciser les mesures fiscales qu'ils attendent. Par exemple, il y a beaucoup de débats sur la TVA à taux réduit. Faut-il l'élargir à d'autres produits. Pourquoi pas ? Mais il faut que les Français soient informés sur le coût de ces mesures et sur ce que ça leur rapporterait vraiment dans leur vie quotidienne. Est-ce qu'il faut des mesures symboliques notamment sur les très hauts revenus ? Aux Français de nous le dire.

RESERVE AUX ABONNES  : retrouvez ci-dessous la suite de l'entretien avec Bruno Le Maire

2/5 - "Nous mettrons à jour en avril nos prévisions de croissance pour 2019"

3/5 - "Sur ADP, ne pas renouveler les erreurs commises lors de la cession des autoroutes"

4/5 - "Taxe Gafa : on ne pourra pas financer les services publics avec la fiscalité du XXe siècle"

5/5 - "Mon ambition est que la France soit leader dans les Fintech"

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Une version intégrale est disponible dans La Tribune hebdo disponible à partir du vendredi 15 février

Commentaires 4
à écrit le 18/02/2019 à 11:28
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Ils prennent des mesures dont ils "espèrent" des résultats et sans rire ? Whouaou... Les "experts" espèrent !

à écrit le 17/02/2019 à 11:21
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Une politique basé sur "l'espoir fait vivre" n'est pas une bonne politique des dépenses mais une arnaque pour obtenir des crédits!

à écrit le 15/02/2019 à 11:54
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les chefs d'entreprise français prévoient une forte progression (+10%) de leurs investissements en 2019 (L'étonnant optimisme des industriels français, Usine Nouvelle, 15/02/2019).

à écrit le 15/02/2019 à 11:05
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"La croissance ralentit fortement dans le monde entier" Non "La croissance ralentit partout" Non plus. "USA : L'indice ISM manufacturier en nette hausse en janvier" https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KCN1PQ55B/usa-l-indice-ism-m...

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