
L'interview publiée dans la Marseille, un 28 décembre, sonne comme un coup de semonce au sein de la CGT. Olivier Mateu, qui dirige l'union locale des Bouches-du-Rhône, fait part de son intention de s'opposer au sortant, Philippe Martinez. L'actuel chef de file de la CGT a prévu de ne pas se représenter en mars prochain. Et, surtout, il souhaiterait passer le flambeau à Marie Buisson. Ce qui serait une première pour ce vieux syndicat - la CGT a 127 ans - qui a toujours été dirigé par des hommes... Ce serait un symbole de modernité, a souvent expliqué Philippe Martinez.
Une candidate qui ne plait pas à tout le monde en interne
Reste que Marie Buisson est loin de faire l'unanimité au sein de la centrale. Elle est issue de la section enseignement de la CGT, soit la branche services, et non de l'industrie qui a fourni les derniers chefs de file du syndicat: Bernard Thibault venait de la SNCF, Thierry Le Paon de la métallurgie, Philippe Martinez de l'automobile.
Très discrète, elle est peu connue en interne ( comme en externe). Mais aux yeux de beaucoup, elle incarne un virage plus sociétal de la CGT, entre défense du féminisme et de l'écologie. Surtout, beaucoup la soupçonnent d'être trop complaisante avec les patrons mais aussi le gouvernement.
D'où cette candidature d'Olivier Matheu, qui ne s'en cache pas, monte clairement au créneau contre la volonté du sortant. Au journal la Marseillaise, il explique vouloir « lutter contre un syndicalisme d'accompagnement du capitalisme ».
Ce n'est pas la première fois que la CGT est traversée par des divisions sur des questions de fond. Le premier syndicat de France peine à trouver une ligne claire sur le nucléaire, les éventuelles alliances avec les autres syndicats, notamment la CFDT, la nécessité ou non de négocier... Il est régulièrement écartelé entre, d'un côté, un pôle de « durs de durs », et, de l'autre, une frange moins radicale, plus ouverte au compromis.
Les chances d'Olivier Mateu de l'emporter sont minimes
Certes, pour le moment, le Marseillais a peu de chances de succéder à Philippe Martinez. A la CGT, le processus de votes pour élire le 1er secrétaire national est très encadré, et pour pouvoir officiellement se présenter, il faut être inscrit sur la liste des membres de la future commission exécutive confédérale. Ce qui n'est pas le cas d'Olivier Mateu. Reste que cette candidature promet de donner lieu à des discussions en interne, et peut bousculer les équilibres. Un membre de la CGT y voit « une candidature de provocation mais qui peut toutefois trouver un écho ». Une chose est sûre : elle met la pression à Philippe Martinez.
Et elle peut aussi donner des idées à d'autres. Il reste encore près de trois mois avant le Congrès. Les jeux sont loin d'être faits.
Une CGT divisée, une bonne nouvelle pour le gouvernement ?
La CGT aborde donc 2023 en risquant de s'affaiblir davantage. Ces derniers mois, elle compte peu de victoires à son actif. Même le conflit Total dans les raffineries ne lui a pas permis de retrouver de sa superbe.
La réforme des retraites, qui sera finalement présentée le 10 janvier prochain, pourrait lui fournir une occasion de se faire entendre. Mais ce dossier promet d'être le terrain d'expression de cette bataille interne. Embourbée dans ses propres querelles, la CGT risque d'y perdre en efficacité et en légitimité.
En effet, les cégétistes les plus radicaux seront tentés de montrer leur force, leur capacité de blocage, notamment face à un syndicalisme qui, plus globalement, se fait « doubler » par des collectifs... Après le mouvement des Gilets jaunes, vécu comme un véritable traumatisme dans le monde syndical, ils ont vu, presque impuissants, le conflit des contrôleurs de la SNCF se mettre en place via les réseaux sociaux, loin des structures syndicales habituelles.
Enfin, s'il y a des divisions à la CGT, le gouvernement va échanger avec un Philippe Martinez malmené, affaibli, tiraillé. Ce qui n'est pas plus facile pour trouver d'éventuels compromis.
Sujets les + commentés