CICE, ISF, "flat tax"... Philippe étale les réformes sur deux ans, au moins

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1088  mots
Lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre Edouard Philippe a annoncé le report d'un an (à 2019) de la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations patronales. Il en irait de même de la réforme de l 'ISF. Il s'est aussi montré très prudent sur le calendrier de la suppression de la taxe d'habitation.
Dans son discours de politique générale, le premier ministre Edouard Philippe a précisé son calendrier fiscal. Le CICE ne sera transformé en baisse pérenne de cotisations patronales qu'en 2019. En revanche, la suppression des cotisations salariales chômage et maladie sera effective dès 2018.

Le parfait partage des tâches. Lundi 3 juillet, Emmanuel Macron a présenté devant le parlement réuni en congrès à Versailles sa vision du quinquennat avec un maître-mot : transformer la France.

Ce mardi 4 juillet, il revenait au Premier ministre Edouard Philippe, avec son discours de politique générale, de définir la feuille de route permettant de mener cette transformation du pays. L'ancien maire du Havre a voulu mettre ses pas dans ceux de deux de ces prédécesseurs, Jacques Chaban Delmas, le « père » de la « Nouvelle société », premier ministre de Georges Pompidou et Michel Rocard, le chantre de la "deuxième gauche", premier ministre de François Mitterrand. Il les a cités tous les deux en référence. Pour Edouard Philippe, les mots importants sont désormais le "retour de la confiance", le "courage" et "l'esprit de conquête".... Certes mais dans ces conditions, le discours d'Edouard Philippe, ne correspondait pas à ceux de Jacques Chaban-Delmas en 1969 et de Michel Rocard en 1988. On n'a pas retrouvé le souffle qui caractérisait les déclarations de politique générale de ces deux anciens premiers ministres.

L'allocution d'Edouard Philippe tenait davantage du catalogue des mesures qui seront mises en œuvre durant le quinquennat dans absolument tous les domaines : fiscalité, relations sociales, politique culturelle, transitions écologique et numérique, relance de l'Europe, etc.

Des mesures fiscales reportées d'un an, faute de marges budgétaires

A propos de la politique économique et fiscale, le Premier ministre a confirmé ce que le gouvernement laissait entendre depuis plusieurs jours. Faute de manœuvres budgétaires suffisantes, le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) ne sera finalement donc pas transformé en baisse pérenne de cotisations sociales patronales dès 2018. Il faudra patienter jusqu'en 2019. Il en va de même de la réforme de l'ISF - qui resterait redevable sur le seul patrimoine immobilier- et de l'instauration d'une « flat tax «  (au taux d'environ de 30% a indiqué le Premier ministre) sur les revenus financiers qui ne verront également le jour qu'en 2019.

En revanche, Edouard Philippe a assuré que la suppression des cotisations salariales chômage et maladie ainsi que la hausse parallèle de la CSG d'environ 1,7 point seront opérationnelles dès 2018. Ce qui permettra de « rendre 20 milliards d'euros aux Français, soit 250 euros pour un salarié au niveau du Smic ». Quant à l'impôt sur les sociétés, il sera ramené à 25% en 2022.

Maintenir le déficit sous la barre des 3% du PIB

Parallèlement, Edouard Philippe s'est engagé à respecter dès 2017 les engagements européens en ramenant le déficit public sous la barre des 3%. Un récent rapport de la Cour des comptes établissait qu'en 2017 la France était plutôt sur une trajectoire de 3,2%. Mais, en réalité, ce « dérapage » est traditionnel à ce moment-là de l'année dans l'exécution du budget. Les anciens ministres des Finances et Secrétaire d'Etat au Budget, Michel Sapin et Christian Eckert, avaient déjà prévu de geler ou d'annuler pour environ 7 milliards d'euros de crédits si cela était nécessaire pour revenir dans les clous. Le nouveau ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, devrait donc aisément trouver les marges suffisantes pour repasser sous la barre des 3%.

A plus long terme, Edouard Philippe s'est engagé, d'une part, à baisser la pression fiscale d'un point de PIB sur 5 ans et, d'autre part, à diminuer de trois points de PIB (soit environ 60 milliards d'euros) la dépense publique sur cinq ans. Pour ce faire, il compte actionner plusieurs leviers comme la modération salariale dans la fonction publique et la remise en cause de certaines missions dévolues à l'Etat. Il s'est aussi engagé à ce que son gouvernement présente une loi de programmation des finances publiques sur cinq ans à l'automne prochain.

Des lunettes pour tous...

Au chapitre de la protection sociale, le premier ministre a réitéré un engagement de campagne d'Emmanuel Macron en promettant que Le Régime social des Indépendants (RSI) serait supprimé en 2018 pour être adossé au régime général de la Sécurité sociale.

Il a confirmé que l'ensemble de vaccins préconisés pour la petite enfance seraient rendus obligatoires dès 2018 et il a indiqué vouloir aller vers un prix du paquet de cigarettes à 10euros. Autre promesse de campagne qui sera tenue, selon lui : tous les Français pourront accéder à des soins dentaires, au port de lunettes et aux prothèses auditives « sans reste à charge », d'ici la fin du quinquennat...

Sur les relations sociales, le Premier ministre n'a pas outre mesure insisté sur la réforme en cours du droit du travail, voulant laisser la concertation avancer. Il a rappelé que les ordonnances seraient prises « avant la fin de l'Été ». Il aussi confirmé que les chantiers des réformes de la formation professionnelle et de l'assurance chômage seraient ouverts dès l'automne et qu'une loi serait proposée au printemps 2018. Quant à la réforme annoncée des retraite instituant un régime unique par points, il faudra patienter jusqu'à la fin 2018.

Au chapitre des relations avec les collectivités locales, il a confirmé la tenue d'une première conférence nationale des territoires dès ce mois de juillet. En revanche, le Premier ministre s'est montré excessivement prudent sur le calendrier de la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des Français, annoncée par Emmanuel Macron, en se bornant à déclarer qu'elle serait entièrement effective à la fin du quinquennat "après concertation avec les collectivités".

Dans le domaine régalien, Edouard Philippe a repris et complété les propos présidentiels de la veille en confirmant qu'une loi quinquennale en faveur de la justice serait votée dès 2018, prévoyant notamment 15.000 nouvelles places de prison.

Edouard Philippe a continué d'égrener son catalogue de réformes et le calendrier qui va avec dans tous les domaines. Ainsi, il a rappelé qu'un grand plan d'investissement de 50 milliards d'euros serait lancé dans le domaine de la transition écologique, du développement des compétences, de la santés, des transports, etc. Il reviendra à l'économiste Jean Pisani Ferry d'élaborer ce vaste palan.

Un geste envers Nicolas Hulot

Enfin, petit clin d'œil à son ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot, le premier ministre a assuré que la « convergence disesel-essence serait atteinte avant la fin de la mandature". Il a aussi indiqué « vouloir arriver à la neutralité carbone d'ici 2050" et que plus "aucun permis d'exploration d'hydrocarbures ne sera accordé".