Colère des agriculteurs : après l'Arc de Triomphe, la Coordination rurale aux abords du château de Versailles

Par latribune.fr  |   |  1209  mots
Le syndicat demande « des actes rapidement pour sauver nos 45% d'exploitations en détresse financière » (Photo d'illustration, prise le 1er février 2024). (Crédits : ABDUL SABOOR)
A quelques jours de la clôture du Salon de l'agriculture, le syndicat agricole a mené une action inopinée tôt ce vendredi matin, près de l'Arc de Triomphe à Paris. La circulation routière a toutefois rapidement repris en début de matinée.

[Article publié le vendredi 01 mars 2024 à 07h59 et mis à jour à 13h01] Plusieurs militants de la Coordination rurale ont investi les abords du château de Versailles dans les Yvelines, en toute fin de matinée, ce vendredi, à deux jours de la clôture du Salon de l'agriculture. Une vingtaine de tracteurs sont arrivés vers midi, escortés par la police. Le deuxième syndicat agricole est connu pour être un porte-voix véhément de la colère paysanne. Née en 1991 d'une scission avec le syndicat majoritaire FNSEA, la Coordination rurale est pourfendeuse des accords de libre-échange et habituée aux actions musclées.

La Coordination rurale avait déjà mené une action tôt ce vendredi matin autour de l'Arc de Triomphe, expliquant sur X être mobilisé « pour sauver notre agriculture française », avant le dernier week-end du Salon de l'agriculture. D'autres actions avaient lieu ailleurs à Paris: quatre tracteurs bloquaient la sortie du périphérique porte d'Ivry, d'autres se positionnaient au niveau de la sortie de l'A4 à Charenton, selon la police.

Une première action à l'Arc de Triomphe

Interrogée sur cette action, la ministre déléguée à l'Agriculture et à la Souveraineté alimentaire Agnès Pannier-Runacher a rappelé que « tout le monde doit respecter la loi et une manifestation qui n'est pas déclarée est donc une manifestation illégale ».

Mais « cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas écouter la colère des agriculteurs et c'est ce que nous faisons en prenant des mesures très concrètes, des mesures d'urgence », a-t-elle martelé sur Sud Radio, affirmant qu'« aujourd'hui l'argent descend dans les cours de ferme ».

Selon le compte X du syndicat, plusieurs membres de la Coordination rurale se sont rassemblés sur cette place, située en haut des Champs-Elysées, en brandissant des drapeaux au milieu de bottes de foin.

« La Coordination rurale prend symboliquement et pacifiquement l'Etoile », écrit le syndicat sur le réseau social. Le syndicat demande « des actes rapidement pour sauver nos 45% d'exploitations en détresse financière ».

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Hommage aux agriculteurs « qui se suicident »

Axel Masson, éleveur dans le Loir-et-Cher, a expliqué à l'AFP qu'ils étaient une centaine rassemblés dès 4 heures vendredi matin « dans le calme et dans le respect ». Une source policière a confirmé que les agriculteurs sont arrivés en véhicules légers et pick-ups vers 4 heures, et que des ballots de paille transportés par des petits utilitaires ont été déposés sur la chaussée. Huit tracteurs sont arrivés vers 6 heures.

« On est monté ce matin pour déposer une gerbe à l'Arc de Triomphe pour rendre hommage à tous les agriculteurs qui se suicident », a précisé Axel Masson. Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale, joint par l'AFP, explique que « les agriculteurs ont fait ce détour pour aller sur la tombe du soldat inconnu ». Mais « ils n'ont pas eu le temps d'aller bien plus loin puisque les forces de police se sont tout de suite interposées et la discussion a tourné court ».

Soixante-six personnes ont été interpellées vendredi matin place de l'Etoile à Paris lors d'une action surprise des agriculteurs de la Coordination rurale, a précisé la préfecture de police plus tard dans la matinée. Vers 9h40, la manifestation au pied de l'Arc a pris fin, selon une journaliste AFP.

Cette action a lieu à un endroit hautement symbolique, qui a été le théâtre de violences lors de la crise des « Gilets jaunes » en 2018. Elle est menée à la veille du week-end de clôture du Salon de l'Agriculture dont l'ouverture samedi dernier par Emmanuel Macron avait été très chahutée.

Des annonces gouvernementales multiples

Ces dernières semaines, le gouvernement a multiplié les annonces en faveur des agriculteurs. Mercredi dernier, l'exécutif a renforcé le nouveau fonds d'urgence destiné à aider les agriculteurs certifiés bio en difficulté, le portant à 90 millions d'euros, tout en maintenant les objectifs de conversion à ce système sans pesticides ni engrais de synthèse.

Mardi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait, lui, annoncé « la possibilité pour les exploitations agricoles en difficulté d'avoir un différé de paiement d'un an de leur dette », puis de bénéficier d'un rééchelonnement allant jusqu'à trois ans de leurs échéances.

Les exploitations en grande difficulté pourront, en outre, bénéficier de prêts à taux préférentiel, « entre 0 et 2,5% en fonction de la situation des exploitations », a ajouté le ministre à l'issue d'une réunion avec le secteur bancaire.

Bruno Le Maire avait dit vouloir « apporter des solutions immédiates aux entreprises agricoles les plus en difficulté, celles qui ont de réels besoins de trésorerie et qui appellent aujourd'hui au secours, et qui ont besoin qu'on leur apporte des réponses immédiates et concrètes ».

Certaines banques ont déjà commencé à proposer des prêts avantageux aux exploitants, ne se privant pas de communiquer sur ces initiatives commerciales en marge du Salon de l'agriculture.

Prix planchers

Samedi dernier, Emmanuel Macron avait déjà annoncé un plan de trésorerie d'urgence pour financer l'agriculture française. Il avait notamment promis l'établissement d'un recensement, d'une cartographie des agriculteurs et exploitations les plus en difficultés, afin de les aider à obtenir notamment des facilités auprès des banques.

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Lors de sa prise de parole, ce dernier avait aussi évoqué la possible mise en place de « prix planchers » dans chaque filière, afin de protéger les revenus des agriculteurs. Autrement dit, des seuils au-dessous desquels les transformateurs ne pourront pas acheter aux producteurs leurs aliments. Ils seront fondés sur les indicateurs des coûts de production que chaque filière aurait déjà dû élaborer en vertu du dispositif des lois Egalim, mais que certaines professions n'ont pas encore définis, a expliqué le président.

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La mesure doit figurer dans un projet de loi consacré à une révision des lois Egalim, déjà promis par le Premier ministre le 21 février. Ce projet sera rédigé à l'issue d'une mission d'évaluation confiée à deux députés, Alexis Izard et Anne-Laure Babault. L'objectif est que la mesure puisse s'appliquer aux négociations commerciales de 2025.

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 (Avec AFP)