Les agriculteurs bio déçus par les aides du gouvernement

Le gouvernement a annoncé de nouvelles ambitions et une aide d'urgence pour l'agriculture biologique. Mais elles paraissent insuffisantes aux agriculteurs et aux ONG.
Giulietta Gamberini
(Crédits : REGIS DUVIGNAU)

Les annonces étaient très attendues par les agriculteurs biologiques. Mercredi 28 février 2024, au Salon international de l'agriculture, le gouvernement a présenté son nouveau plan Ambition Bio pour la période 2023-2027, ainsi que le renforcement des aides d'urgence à la filière pour faire face à la profonde crise qu'elle traverse. Le premier, censé constituer « la feuille de route pour assurer la consolidation et le développement de l'agriculture biologique », comprend 26 actions, articulées autour de trois objectifs : stimuler la demande, accroître la résilience des filières et accompagner les agriculteurs. Tout en prévoyant un nouvel indicateur par action, il ne remet pas en cause l'objectif de 18% de surfaces agricoles utile en bio, déjà prévu dans le plan stratégique national (PSN) de la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour 2027. Aujourd'hui, les fermes bio en couvrent 10,7%.

Quant au deuxième, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a annoncé qu'aux 50 millions d'euros déjà promis par le Premier ministre fin janvier viendront s'ajouter 40 millions d'euros supplémentaires. L'objectif est de payer les agriculteurs éligibles, qui devront avoir subi une perte de leur excédent brut d'exploitation ou de leur chiffre d'affaires d'au moins 20%, avant le 30 juin. En 2023, les agriculteurs bio, confrontés depuis deux ans et demi à une chute de la demande de leurs produits, ont déjà reçu 104 millions d'euros d'aides, a rappelé Marc Fesneau.

David contre Goliath

L'une comme l'autre de ces annonces suscitent toutefois la déception parmi les agriculteurs bio ainsi qu'auprès des ONG. « Comme d'habitude, le plan Ambition Bio n'est pas assorti de moyens », commente, amer, le président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), Philippe Camburet, qui en aurait souhaité « une déclinaison financière ».

« Nous sommes censés atteindre les objectifs fixés à budget constant, via le fonctionnement courant », déplore-t-il: « Il va falloir rogner ailleurs ».

Pour communiquer auprès du grand public, par exemple, l'Etat a récemment renforcé les moyens de communication de l'Agence bio, avec laquelle un nouveau contrat d'objectifs et de performance a été signé hier jusqu'en 2028. L'agence dispose depuis cette année de 5 millions d'euros de plus, et en 2024 d'une enveloppe complémentaire de 3 millions d'euros.

Or, « ce budget communication représente une goutte d'eau dans l'océan de campagnes publicitaires alimentaires auxquelles les consommateurs sont exposés (par exemple, le budget publicitaire de certains grands distributeurs atteignait jusqu'à 500 millions d'euros sur l'année 2021) », note la Fédération pour la Nature et l'Homme (FNH) dans un communiqué.

Dans ces conditions, « la filière bio n'y arrivera jamais », craint Philippe Camburet.

«  Ce plan témoigne de l'incapacité du gouvernement à penser de véritables solutions structurelles pour l'avenir de la filière biologique », analyse le directeur du plaidoyer et des programmes de la FNH, Thomas Uthayakumar, qui dénonce également la non association des ONG et de la société civile à sa construction.

Des pertes de 300 millions d'euros en 2023

A propos des 90 millions d'aide d'urgence débloqués par le gouvernement, Philippe Camburet observe que la centaine de millions d'euros de l'année dernière a permis de secourir 4.300 fermes biologiques sur 60.000, alors que 80% d'entre elles sont touchées par la crise.

« Dans quel secteur économique subissant des pertes d'une telle ampleur on se contenterait d'un plan touchant 10 à15% des acteurs? Il faudrait en aider au moins 35%! », s'insurge-t-il.

Pour sa part, « la FNH rappelle que ces montants restent encore insuffisants par rapport aux 300 millions de pertes économiques subies par les agriculteurs biologiques en 2023 ».

Elle estime d'ailleurs qu'« il faudrait prévoir, au-delà des aides de crise, un renforcement des aides structurelles à l'agriculture biologique, indispensables pour assurer aux agriculteurs un horizon et une stabilité à long terme »: un enjeu qui, selon Philippe Camburet, devrait être discuté dans le cadre de la toute prochaine négociation à mi-parcours de l'actuelle PAC.

Régression environnementale et mauvaise perception du bio

L'amertume des agriculteurs bio et des ONG est accrue par les récentes annonces du gouvernement à propos de l'abandon de l'indicateur jusqu'à présent utilisé pour mesurer le succès du plan national de réduction des pesticides (Ecophyto), qui était soutenu par les défenseurs de l'environnement.

Lire: Pesticides: la controverse sur le bon indicateur au cœur de la révision du plan Ecophyto

« La régression environnementale en cours risque de laisser moins de place aux agriculteurs bio », selon Philippe Camburet, qui dénonce la volonté de produire plus à n'importe quel coût, y compris environnemental.

Leurs craintes ne sont par ailleurs pas apaisées par la légère amélioration du marché qu'on constate depuis quelques mois. Malgré les campagnes lancées par l'Agence bio depuis deux ans, un baromètre publié hier montre en effet que la perception du label bio, au lieu de s'améliorer, est en chute libre.

Lire: Alimentation : le bio en chute libre dans la perception des consommateurs

Giulietta Gamberini

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