Compétitivité : la France perd encore des parts de marché

Par Grégoire Normand  |   |  1107  mots
La part des exportations françaises de biens et de services dans celles de la zone euro s'est ainsi établie à 12,9%, après 13,2% en 2016. En 2000, cette part était de 17%, rappelle Coe-Rexecode.
Selon le dernier bilan annuel sur la compétitivité française de l'institut COE-Rexecode, la part des exportations françaises dans le commerce mondial a encore diminué en 2017. Malgré une conjoncture favorable, le commerce extérieur de la France reste un des points faibles de l'économie tricolore.

La France perd encore du terrain. Selon une récente étude de l'institut COE-Rexecode, la deuxième économie de la zone euro a encore perdu des parts de marché à l'exportation. Malgré une conjoncture favorable et un climat des affaires au plus haut, "aucun rattrapage des pertes des parts de marché accumulées par la France depuis le début des années 2000 n'est amorcé et le recul de la position française s'est même légèrement accentué." À l'heure où Emmanuel Macron organise un sommet sur l'attractivité de la France au château de Versailles en présence de chefs d'entreprises de multinationales, le sujet de la compétitivité française devrait être au centre des discussions.

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Nouveau recul en 2017

Le poids des exportations françaises de biens et services dans le total des exportations de la zone euro a légèrement reculé en 2017. Elle est passée de 13,2% en 2016 à 12,9% l'année dernière contre 17% en 2000. La baisse des exportations françaises par rapport à celles de la zone euro constitue "une tendance majeure de l'économie française depuis le début des années 2000" rappellent les auteurs de l'étude. Ces derniers distinguent trois périodes : une chute brutale entre 2000 et 2007 (de 17,0 % à 14,2 %), une stabilisation autour de 14 % de 2008 à 2013, et "une nouvelle érosion depuis 2013 à un rythme plus modéré qu'au début des années 2000, mais significatif." Ces pertes de parts de marché à l'international représentent un véritable "manque à gagner" pour l'économie française depuis le début des années 2000. Il est estimé à 1.700 milliards d'euros entre 2000 et 2017 selon l'organisme jugé proche du patronat.

Des améliorations sur la compétitivité-coût

Malgré ces pertes de parts de marché, plusieurs facteurs sont venus néanmoins améliorer la compétitivité française. La compétitivité-coût de la France s'est légèrement améliorée au cours des dernières années. "Depuis 2012, la France a connu une progression modérée du coût horaire du travail par rapport à la zone euro (+5,4% en France contre 7,1% en moyenne dans la zone euro) et en particulier par rapport à l'Allemagne (11,4%)." À ce sujet, les auteurs du document reconnaissent que la politique économique de François Hollande a contribué à modérer cette progression salariale. "Cette amélioration doit davantage aux mesures d'allègements du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité) qu'à une modération relative des salaires."  L'application de ces mesures a également permis aux entreprises françaises de redresser leurs marges. Par ailleurs, les mesures d'allègement du coût du travail "ont permis de limiter la hausse des coûts salariaux unitaires français à +1,9 % depuis 2012 (contre +5,0 % en moyenne dans la zone euro et +10,5 % en Allemagne)."

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Une désindustrialisation en marche

Malgré la bonne santé de quelques indicateurs, le poids de l'industrie dans l'économie française continue de décliner. Selon de récents chiffres de la direction générale de l'entreprise, le poids de l'industrie dans l'économie française est passé de 16,5% à 12,5% du produit intérieur brut entre 2000 et 2016.

Du côté du personnel, si la France comptait 2,8 millions de salariés dans l'industrie manufacturière (soit 11,1% de l'emploi salarié total) à la fin du second trimestre 2017, toutes les régions, sauf l'Occitanie et la Corse, ont connu des destructions d'emplois entre 2010 et 2016. Et ce déclin de l'emploi industriel a lieu alors que pour la première fois depuis 2009, les ouvertures de sites industriels ont été nettement plus nombreuses que les fermetures en France sur les huit premiers mois de l'année 2017, d'après les derniers chiffres du cabinet Trendéo.

L'institut COE-Rexecode indique que la baisse des parts de marché de la France est fortement corrélée au recul du poids de la valeur ajoutée manufacturière française dans la valeur ajoutée manufacturière de la zone euro.

"Un cercle vicieux s'est installé de façon structurelle, les pertes de parts de marché réduisant les débouchés des productions françaises et le recul relatif de la base industrielle réduisant nos capacités exportatrices ainsi que la variété de l'offre française."

L'autre facteur avancé par l'étude est le ralentissement plus marqué de la productivité horaire du travail en France au regard de ses voisins. "La productivité par heure travaillée dans l'ensemble de l'économie a évolué de manière moins dynamique depuis 2000 en France (+16,3%) que dans la moyenne de la zone euro". Par ailleurs, l'économie française a enregistré des gains de productivité (+3,6 %) légèrement inférieurs à ceux de la moyenne de la zone euro (+4,0 %) et de l'Allemagne (+4,2 %). Seules les entreprises industrielles qui ont réussi à s'adapter par des gains de productivité conséquents et "un effort de modération des coûts de production" ont réussi à survivre. Les firmes industrielles françaises peu productives ont alors progressivement disparu.

Enfin, si cette raison est moins évoquée dans l'étude de COE-Rexecode, les économistes de l'Insee rappellent dans une étude que la montée des économies émergentes dans le commerce mondial a joué un rôle prépondérant :

"La première cause du recul des positions françaises est la part croissante des économies émergentes, notamment de la Chine, dans les exportations mondiales. L'essor des économies émergentes dans le commerce mondial a affecté tous les pays avancés, mais la France a perdu plus de parts de marché que ses principaux partenaires de la zone euro."

Des produits français mal perçus

La compétitivité hors-prix est également un autre facteur à prendre en compte pour comprendre la perte de vitesse de la France. D'après une enquête menée par COE Rexecode sur la perception de 500 importateurs européens sur des produits français, il apparaît que "la qualité des biens d'équipement et des biens intermédiaires français est jugée moyenne, voire médiocre, par rapport au prix de vente."

Ils observent également une dégradation en matière d'innovation. Sur ce point, l'annonce du lancement d'un fonds pour l'innovation de rupture par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire pourrait être déterminante. Cette enveloppe dotée de 10 milliards d'euros est destinée "à investir massivement dans l'innovation. L'innovation est la clé de notre industrie du futur" a rappelé l'ancien ministre de l'Agriculture lundi dernier lors de la conférence de presse aux acteurs de l'économie.

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