Croissance : Macron la chance, cela va-t-il durer ?

Par Grégoire Normand  |   |  1308  mots
(Crédits : HANDOUT)
[Un an de présidence Macron] La progression du PIB s'est établie à 2% en 2017, au plus haut depuis six ans. Cette véritable embellie économique a profité à Emmanuel Macron pour sa première année à l'Élysée. Mais de nombreux risques se profilent déjà à l'horizon.

Les clignotants sont au vert pour Emmanuel Macron. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 2% sur l'ensemble de l'année 2017. C'est la croissance la plus rapide depuis 2011, quand le PIB de l'économie tricolore avait atteint 2,1%. 2017 met fin à plusieurs années de « croissance molle ». L'ancien ministre de l'Économie bénéficie d'une conjoncture très favorable pour sa première année au pouvoir mais le repli de l'activité au premier trimestre 2018 (0,3% contre 0,7% au dernier trimestre 2017) illustre quelques signes de fébrilité.

Un environnement international porteur

Les bonnes performances économiques de la France en 2017 s'expliquent d'abord par une conjoncture mondiale favorable, selon les économistes interrogés.

« Comme les autres pays de la zone euro, la France a bénéficié d'un environnement international porteur, avec une forte reprise de l'activité mondiale », résume Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee.

Chez Natixis, l'économiste Véronique Janod souligne également la « bonne dynamique du commerce mondial et des conditions de financement toujours favorables pour les entreprises en raison de la politique monétaire accommodante de la BCE ».

Ce dynamisme a été particulièrement marqué par l'investissement des entreprises et celui des ménages. La formation brute de capitale fixe (FBCF) des sociétés a accéléré nettement, passant à 3,7% en 2017 contre 2,7% en 2016, tandis que les ménages ont investi dans le logement neuf.

Le commerce extérieur, traditionnel point noir de l'économie française, a moins pesé sur la croissance en 2017 qu'en 2016 (- 0,3 point après - 0,8 point). « Les exportations ont bénéficié entre autres du retour des touristes étrangers en France, après deux années 2015 et 2016 marquées par les attentats », ajoute Julien Pouget.

L'emploi a également connu une belle embellie. Au total, les créations nettes ont atteint 268.000 emplois tandis que l'emploi intérimaire a battu des records, avec une hausse de 169.000 sur un an.

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Un "effet Hollande" avant "l'effet Macron"

À qui attribuer ces bons résultats ? Pour Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Banque, « la dynamique de croissance en 2017 a peu à voir avec Emmanuel Macron. »

L'économie française a bénéficié « d'une conjonction de facteurs favorables : une baisse concomitante de l'euro, des prix du pétrole et des taux d'intérêt, et une amélioration marquée de la croissance du crédit français (particulièrement des flux de nouveaux crédits qui servent d'indicateur avancé à la croissance du PIB) », rappelle l'économiste.

Par ailleurs, « les réformes en faveur des entreprises mises en oeuvre à partir de 2014 par François Hollande, telles que le Pacte de responsabilité de 2014 » ont permis de booster l'activité. L'économiste Véronique Janod abonde dans le même sens.

« Il y a clairement un effet des réformes décidées et mises en oeuvre lors du gouvernement précédent ».

Mais pour Christopher Dembik, il est « objectivement trop tôt pour évaluer les conséquences économiques et financières exactes des réformes prometteuses qui ont été engagées par le président Macron. »

Sur le plan des investissements, les chiffres de l'Insee indiquent que c'est au cours du premier trimestre que la croissance de la FBCF, notamment dans le domaine des produits manufacturés ou dans les services marchands, a été la plus vigoureuse. Surtout, l'économie tricolore a bénéficié d'une politique monétaire de la BCE très accommodante, offrant aux entreprises des conditions favorables pour se financer et investir.

Pour les économistes interrogés, l'effet Macron se traduit surtout dans le comportement des chefs d'entreprise.

« Jusqu'à présent, ce que nous appelons l'effet Macron est surtout un très gros regain de confiance, particulièrement visible au niveau du moral des chefs d'entreprise, et une campagne de communication très bien menée pour attirer les investisseurs », explique Christopher Dembik.

Pour renforcer l'image de la France, le chef de l'État avait réuni un grand nombre de chefs d'entreprise lors d'un sommet à Versailles au mois de janvier. À ce sujet, Christopher Dembik rappelle très bien que « des opportunités émergentes se présentent aux investisseurs étrangers : non seulement ce qu'on appelle la French Tech, mais, avant tout, une vague de privatisations qui va toucher des entreprises à forte valeur ajoutée dans différents secteurs (aéroports, constructeurs automobiles, jeux de hasard, etc.) et l'introduction d'une fiscalité plus favorable aux investisseurs. »

Les nuages s'accumulent

Certes, la plupart des indicateurs confirment un vrai sursaut de l'économie tricolore mais un certain nombre de facteurs pourraient venir freiner cette vigueur. D'abord sur le plan international, la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine se fait progressivement moins accommodante et « la crainte des tensions inflationnistes pourrait par exemple accroître la volatilité sur les marchés », indique l'Insee.

L'autre élément évoqué par les économistes est le développement des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis qui pourrait avoir des répercussions sur l'activité du commerce mondial. Enfin, le ralentissement chinois « qui est certainement plus prononcé que les chiffres officiels ne le laissent croire », explique Christopher Dembik, pourrait également peser sur l'activité.

Au niveau européen, beaucoup d'incertitudes pèsent sur la relance du projet de réformes économiques. Les relations entre l'Allemagne et la France ne sont pas au beau fixe depuis qu'Angela Merkel a été mise en difficulté pour former une nouvelle coalition. Et les élections européennes de 2019 pourraient accroître les divisions au sein du Vieux continent avec un risque d'abstention relativement fort. Pour Emmanuel Macron, qui a mis l'Europe au cœur de son programme, ce scrutin constitue une échéance électorale majeure pour faire peser ses orientations et ses soutiens dans les institutions européennes.

Sur le plan national, l'économiste de Saxo Banque considère que « le pic d'accélération de la croissance a été atteint fin 2017-début 2018. On devrait à court terme encore évoluer à un rythme proche de 2 % mais le risque est élevé que la croissance française déçoive à l'avenir. »

"Les créations d'emplois devraient ralentir dans les trimestres à venir"

De son côté, l'Insee indique qu'apparaissent « des tensions sur l'appareil productif, très sollicité, de certaines entreprises ». Les difficultés de recrutement se situent désormais à des niveaux relativement élevés. Les enquêtes de l'Institut « montrent que le climat des affaires se replie depuis le début 2018, après avoir atteint fin 2017 un plus haut depuis dix ans. Ce tassement, que l'on observe aussi chez nos principaux voisins européens, suggère que l'activité ralentit un peu en début d'année avec 0,3 % de croissance au premier trimestre ».

Pour Véronique Janod, « le marché du travail demeure problématique [...]. Les créations d'emplois devraient ralentir dans les trimestres à venir ». En dépit d'un chômage inférieur à 9%, la situation du marché du travail en France reste bien moins favorable que celle de l'UE (7,3% au sens du Bureau international du travail).

Enfin, la dernière incertitude concerne l'impact économique des mouvements sociaux actuels. Pour Julien Pouget, le mode de grève "perlée" « que l'on observe actuellement est relativement inédit et il est donc difficile de prévoir son impact ». Celui-ci pourrait être assez visible dans certains secteurs comme les transports ferroviaires et dans certaines zones géographiques.

« À ces effets directs peuvent s'ajouter des effets indirects sur la production manufacturière ou la consommation des ménages par exemple. »

Mais au niveau macroéconomique, l'impact d'une grève est en général limité dans le temps, et en partie rattrapé via un rebond lors du retour à la normale de l'activité. À titre de comparaison, la grève de décembre 1995, très suivie, aurait ôté 0,2 point à la croissance trimestrielle du PIB selon l'institut de statistiques. Les conséquences pourraient être donc relativement limitées.