Olivier Dussopt, le ministre du Travail qui porte ce texte, le répète : ce projet de loi doit permettre au pays à se rapprocher un peu plus du plein-emploi. C'est d'ailleurs le nom qui a été donné à ce projet de loi qui est discuté au Sénat à partir de ce lundi 10 juillet. Les mesures contenues dans ce texte sont toutefois loin de faire l'unanimité. Preuve en est, 500 amendements seront discutés d'ici jeudi dans la chambre haute.
Imbroglio autour du nom France Travail
Le premier point d'achoppement concerne Pôle emploi. En théorie, ce dernier doit disparaître, pour être remplacé par France Travail, dès le 1er janvier 2024. Ce changement doit, selon le gouvernement, marquer la création d'un guichet unique de l'emploi. Il réunira tous les acteurs (les missions locales, les accueils Cap emploi...), afin de simplifier le système.
Quinze ans après la fusion entre l'ANPE et l'Assédic, cette refonte de l'opérateur ravive néanmoins inquiétudes et oppositions. Aussi, fin juin, lorsque le texte est passé en Commission des affaires sociales, il a été acté que Pôle emploi puisse conserver son nom.
Officiellement, cet amendement vise à éviter des dépenses supplémentaires. Et pour cause, changer d'appellation entraîne de facto des modifications de logo, d'enseigne... si l'on en croit Les Républicains, et notamment la rapporteure du texte au Sénat, Pascale Gruny. Officieusement, il s'agit surtout de calmer les mécontents, notamment en régions.
La majorité macroniste, elle, voit d'un mauvais œil ce qui lui apparaît comme un renoncement. « Tout regrouper sous un même opérateur est une des conditions indispensables de cette réforme », juge un conseiller du gouvernement. Signe que la discussion est loin d'être terminée.
Les moyens alloués
Autre point qui fait débat : les moyens. Alors que le gouvernement cherche à engager des économies et à tenir sa trajectoire budgétaire, des élus, de droite notamment, s'inquiètent du coût de cette réforme. Le gouvernement l'évalue de 300 à 500 millions d'euros en début d'année. La note pourrait rapidement monter et atteindre à 2 milliards 7 à la fin du quinquennat.
Le gouvernement entend piocher dans les excédents de l'Unédic. Les partenaires sociaux, eux, ne sont pas forcément d'accord. « Dans la mesure où la dette de l'Unédic reste encore très élevée, nous préférerions allouer ces ressources pour la rembourser », confie un membre du Medef.
Par ailleurs, un accompagnement intensifié des chômeurs ne demande-t-il pas des moyens humains supplémentaires ? Sur ce point, les avis sont partagés. Pôle emploi, qui compte déjà plus de 50.000 agents, a bénéficié de 4.000 emplois supplémentaires, lors de la crise du Covid. Mais, avec un taux de chômage en baisse, ces nouveaux postes pourraient être réaffectés vers les nouvelles missions de France Travail.
De nouvelles obligations pour les bénéficiaires du RSA
C'est sûrement la mesure qui divise le plus : les bénéficiaires du RSA devront tous s'inscrire à Pôle emploi (ou France Travail), et se soumettre à un accompagnement beaucoup plus intense. « Car la vraie solidarité, c'est de les aider à sortir du RSA », assure Olivier Dussopt, le ministre du Travail. Chaque inscrit à France Travail signera ainsi un contrat d'engagement.
En Commission des affaires sociales, il a été inscrit dans le texte que, par principe, ce contrat d'engagement prévoit au minimum 15 heures d'activité par semaine. Si le gouvernement est favorable à ce retour à une formation, ou à une activité professionnelle, il ne souhaite pas inscrire, noir sur blanc dans le texte, ce quantum. Il veut privilégier la souplesse.
« Cela risque de nous revenir en pleine figure comme un boomerang, car on sait très bien que de nombreuses personnes au RSA ne sont pas en situation (de par leur état de santé, leurs compétences, etc) de remplir cette obligation », explique l'entourage d'Olivier Dussopt, le ministre du Travail.
Et d'insister : « Et puis, il faut attendre les résultats de l'expérimentation qui est en cours dans les territoires ».
Par ailleurs, toujours dans cette logique de droits et devoirs, vantée par la macronie, le projet de loi facilite l'exécution de sanctions pour ceux qui touchent le RSA, mais qui ne remplissent pas le contrat. Pour la gauche, ces dispositions procèdent d'une forme de violence sociale, qui cible les plus précaires. Après le passage au Sénat, ce texte sera examiné par l'Assemblée nationale à l'automne. Olivier Dussopt, le ministre du Travail, est confiant. Il ne devrait pas avoir besoin de l'article 49.3 pour le faire adopter.