Pour ou contre : faut-il conditionner l'accès au RSA ? (Karl Olive face à Jean-Claude Barbier)

Le gouvernement compte réformer le RSA dans sa future loi sur le plein emploi, prévue pour le début de l'été. Le texte devrait imposer davantage de contreparties aux bénéficiaires du RSA pour toucher l'allocation. Faut-il conditionner le RSA ? C'est le débat de la semaine entre Jean-Claude Barbier, sociologue, et Karl Olive, député Renaissance des Yvelines.
Karl Olive face à Jean-Claude Barbier.
Karl Olive face à Jean-Claude Barbier. (Crédits : Reuters)

Emmanuel Macron a fait de la future loi sur le travail un des piliers de son chantier des « cent jours », conçu pour tourner la page de la réforme des retraites. Au menu de ce texte figurera la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Comme promis pendant la campagne de 2022 par le président-candidat, le futur RSA pourrait instaurer « l'obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine à une activité facilitant l'insertion professionnelle » pour les allocataires.

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Une expérimentation est déjà menée en ce sens par 18 départements de métropole. En échange de fonds supplémentaires de l'Etat, les conseils départementaux de l'Eure, des Pyrénées-Atlantiques ou encore du Nord doivent mieux suivre les bénéficiaires en leur proposant des formations, des stages en entreprise et autres activités susceptibles de les rendre plus employables. Si ces derniers ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris pour percevoir le RSA, l'allocation peut être suspendue voire retirée, comme le prévoit en théorie la loi.

A gauche, on s'offusque de ces contreparties. Le président du département de Seine-Saint-Denis a claqué la porte de l'expérimentation, refusant toute conditionnalité du RSA qu'il considère comme un « droit fondamental ».

Alors, faut-il conditionner l'accès au RSA ?

PoC

A sa création en 2008, l'idée était louable : lutter contre la grande pauvreté et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires. 15 ans plus tard, l'échec du RSA est patent. « A défaut d'un engagement fort de l'ensemble des acteurs, le RSA risque d'évoluer vers une simple allocation de survie, marquant l'échec des ambitions affichées lors de sa création », concluait la Cour des comptes en 2022. Il est venu le temps des droits et des devoirs.

Les chiffres sont têtus. La grande pauvreté croît chez les jeunes de 25 ans et plus : 1,3 million de bénéficiaires du RSA en 2008 et presque 2 millions en 2022. Sans compter les 30% qui pourraient être éligibles à cette allocation mais qui ne le savent pas. Si la tendance de cette augmentation de 53% s'est atténuée après le Covid, elle ne saurait gommer la réalité du quotidien.

Le deuxième pilier du « grand frère » du RMI n'est pas plus réjouissant. La promesse d'encourager le retour à une activité professionnelle a fondu comme neige au soleil. 7 ans après leur entrée au RSA, seul un tiers des bénéficiaires en est sorti, et seul un tiers est en emploi stable.

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A cela trois raisons majeures -sans généraliser le propos, avec discernement, j'insiste- : une allocation entre 600 et 1300 euros sans réelle contrepartie, ni formalisée, ni sérieusement contrôlée ; une faiblesse de l'accompagnement ; un accès difficile à l'emploi qui compromet la promesse centrale du dispositif de faire des revenus du travail le principal rempart contre la pauvreté.

Comment en vouloir à ces Français de classe moyenne qui nous récitent chaque jour le poème sur « l'intérêt de rester chez soi plutôt que d'aller travailler » ? On ne peut leur donner tort. Aujourd'hui encore, un bénéficiaire du RSA et de l'allocation retour à l'emploi gagne davantage en restant chez soi qu'un travailleur au SMIC sur le terrain (1489 euros contre 1329 euros).

Que dire de la fraude qui en découle ? Le RSA est le dispositif social le plus fraudé. Entre les omissions frauduleuses et les fausses déclarations, le montant est estimé à 350 millions d'euros.

Il est venu le temps du contrat gagnant/gagnant, le temps de la réciprocité entre les droits et les devoirs. Ici comme ailleurs. C'est le sens des mesures annoncées. Une contrepartie de 15 à 20h par mois autour de formations professionnelles, accompagnement vers un logement, travail dans des collectivités.... Avec un meilleur accompagnement et un contrôle systématisé, sanctions à la clé pour les contrevenants : de la suspension à la suppression des indemnités (là encore avec discernement).

La mise sous respiration artificielle de 15 milliards d'euros par l'Etat et les départements chaque année - coût du RSA - n'a malheureusement jamais débouché sur un meilleur bulletin de santé de ceux qui en bénéficient. Mais elle continue de creuser son déficit... Le R de Revenu est le fruit d'un travail, le A de Active est le contraire de passive. Le RSA doit rester un CDD de survie et non un CDI à vie. Elle est là, la justice et la justesse sociale que notre pays doit désormais insuffler.

contre

Le principe des « 15 à 20 heures d'activité » qui deviendraient obligatoires pour les allocataires du RSA est énormément redouté par eux pour son caractère aveugle et punitif. En fait, il a deux sens bien différents. C'est d'abord une stratégie électoraliste. Cette première signification s'est aggravée : le Président de la République, sans majorité stable au parlement pour la réforme du RSA, recherche des voix de droite, voire d'extrême-droite.

L'autre sens, bien sûr rationnel, c'est l'accompagnement de qualité des allocataires : le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion (CNLE) a demandé en 2021 que l'accompagnement, individualisé, soit universel, ce qui est loin d'être le cas. Tous les experts le savent, y compris la Cour des Comptes.

La question de l'efficacité et de la légitimité de la réforme du RSA, mais aussi des autres minima sociaux, de l'insertion sociale et professionnelle des personnes en graves difficultés pour trouver de l'emploi et qui n'ont qu'un « revenu de survie », existe partout en Europe dans des termes comparables. Dans le pays le plus efficace, à très forte cohésion sociale, je parle ici du Danemark, les succès des politiques d'insertion sont mitigés. C'est la même chose en Allemagne, qui a une politique bien plus accueillante aux souhaits des bénéficiaires. Les autres pays ne font pas tous comme la France en 2023.

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La solution n'est pas de menacer, mais d'investir et de former. Trois points sont essentiels. Le plus grave est pointé par la Cour des Comptes, qui n'a pas osé aller jusqu'au bout de ses constats de 2022 : c'est le financement. On ne peut contribuer efficacement et légitimement à l'insertion sociale et professionnelle des allocataires des minima sociaux sans un financement très conséquent (le rapport France Travail ne prévoit que moins de 3 milliards d'euros sur 5 ans). Or, depuis 1988, l'État central n'a jamais payé sa part, remboursant très mal les dépenses des départements et ne prévoyant pas de mécanisme responsable de financement partagé avec eux, ce qui existe à l'étranger.

Ensuite, l'insertion professionnelle de millions de personnes demande des investissements qui n'ont jamais été vraiment faits en France. Cela relève aussi et surtout de la création d'emplois de qualité. Une des questions majeures est l'accès des personnes peu formées et pauvres à la formation. Cette question a une place mineure dans le rapport de « France Travail », qui considère les jeunes, les chômeurs et les allocataires comme une vaste population indifférenciée à placer. Mais « placer », c'est l'art difficile de placer des individus, non un algorithme informatique. Enfin, tous les experts savent que le rôle des sanctions est mineur, alors que la démagogie la met en avant. Il faut se centrer sur le fond.

Commentaires 26
à écrit le 13/05/2023 à 19:11
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Il y a quand même un truc qui cloche. J'en connais actuellement deux qui sont des femmes seules au rsa (je suppose puisqu'elles ne travaillent pas) elles semblent avoir des moyens conséquents pour leur véhicule (pas des modèles anciens loin de là) et...

à écrit le 13/05/2023 à 10:29
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François Lenglet tente de remplir un formulaire de demande du RSA : "C'est édifiant ,du charabia ,il faut l'aide d'un conseiller fiscal " dit-il .Vidéo sur YouTube

à écrit le 12/05/2023 à 19:05
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Pour ou contre : faut-il évaluer sérieusement le rapport cout / efficacité des associations loi 1901 ( formation, coaching, consulting) exclusivement financées par des fonds publics et supposées venir en aide aux bénéficiaires du RSA ?

à écrit le 12/05/2023 à 4:34
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Les gens qui touchent le RSA doivent sejourner en FRANCE etablir un controle visuel de leur presence rdv avec la CAFtous les 3mois Je sejourne en tant que retraite en THAILAND certificat de vie annuel oblicatoire pour percevoir la retraite Les frau...

à écrit le 11/05/2023 à 19:02
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Pour ou contre : faut-il contrôler le niveau du personnel employé par des associations loi 1901 ( formation, coaching, consulting) exclusivement financées par des fonds publics et supposées venir en aide aux bénéficiaires du RSA ?

à écrit le 11/05/2023 à 18:06
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Pour ou contre : faut-il contrôler les fonds publics versés à des associations loi 1901 ( formation, coaching, consulting) supposées venir en aide aux bénéficiaires du RSA ?

à écrit le 11/05/2023 à 17:17
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le versement des indemnités chômageest bien soumises a condition et obligations alors pourquoi le versement du RSA ne serait il soumis a certaines conditions

le 12/05/2023 à 16:56
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A ceci près que le RSA a justement été créé suite au durcissement des conditions d'accès à l'assurance chômage... Et pourquoi pas aussi mettre le paiement des retraites à certaines obligations tant qu'on y est?

à écrit le 11/05/2023 à 17:11
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le versement des indemnités chomage sont bien soumises a condition et obligations alors pourquoi le versement du RSA ne serait il soumis a certaines conditions

à écrit le 11/05/2023 à 14:56
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15h * 4.33 semaines/mois = 65 heures / mois 400€ / 65 heures = 6,15€ / heure, soit 2.5 fois moins que le smic !!! le medef pleure de joie

à écrit le 11/05/2023 à 13:59
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L'argent est compté. La priorité doit aller à la compétitivité du pays et à la formation. Le mieux serait donc de baisser le RSA de 20% et d'investir ce qu'on économise dans la formation professionnelle. La France ne peut plus se permettre des dépen...

le 12/05/2023 à 14:34
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Dans la mesure où l'Etat doit déjà compléter le salaire d'un smicard en CDI à plein temps, baisser le RSA semble difficilement envisageable, d'autant plus que les économies seraient minimes, l'Etat ferait de substantielles économies à mettre aux RSA ...

à écrit le 11/05/2023 à 13:53
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J'espère que vous forcerez les rentiers à travailler 15heures par semaines sinon...

le 11/05/2023 à 17:17
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en tant que handicapé 80%j'ai bien travaillé pendant quelques années 4 avant que l'on m'oblige a prendre ma retraite a 62 ans pour ne plus me verser de rente invalidité donc normal que ceux qui ne veulent travailler bien souvent par choix aient un...

à écrit le 11/05/2023 à 13:11
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Bonjour, Ils faut surtout contrôler a qui est attribué cette aide financière.... Beaucoup trop d'individus pourrais travailler... Mais ils est si simple de profiter de l'argent publique. Dire qu'ils y a des difficultés sur le marché de l'emploie es...

le 12/05/2023 à 16:25
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Les bénéficiaires du RSA ne vont généralement pas intéresser les entreprises car il leur faut généralement employables qu'à des postes aménagés...

à écrit le 11/05/2023 à 11:22
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Selon l'institut statistique, les bénéficiaires qui ne réclament pas le RSA pourraient toucher en moyenne 330 euros par mois, "soit un montant proche de celui perçu en moyenne par les foyers recourants". Ce qui fait faire d'importantes économies à l'...

à écrit le 11/05/2023 à 11:21
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dans le doc il est fait référence à 15 à 20 h par semaine et ensuite par mois . il s'agit bien de 15 à 20 h par semaine comme pour le contrat d'engagement jeune en place depuis mars 2022

à écrit le 11/05/2023 à 10:51
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Pourquoi l'avis d'un sociologue est-il sollicité et non celui du contribuable ?

le 11/05/2023 à 12:54
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Apparement vous n'etes pas un contribuable...

le 12/05/2023 à 16:27
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Peut-être parce que le contribuable moyen est tout juste bon à faire des analyses de comptoir.

à écrit le 11/05/2023 à 9:27
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"Pour ou contre : faut-il conditionner l'accès au RSA ?", Oui....

le 12/05/2023 à 9:20
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En développant un peu, ça donne quoi ? Oui/Non c'est simpliste. :-) Autre question : "faut-il le donner de force à ceux qui y ont droit mais ne le demandent pas ?" :-)

le 12/05/2023 à 10:52
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Certains bavardes à l'infini sur le sexe des anges, font de grandes réunions et d'autres chefs de plus en plus rares tranchent et tuent une réunion en une phrase. Le rôle d'un décideur est de dire on y va oui ou non. Moi modestement je dis on y va e...

le 12/05/2023 à 16:59
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Oui, disent des retraités à 4000€ qui ne seront jamais concernés...

à écrit le 11/05/2023 à 9:03
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Oui, pour, au moins des critères d'attribution bien définis, mieux contrôlés, et avec en échange des travaux utiles à la collectivité (en excluant bien sûr les malades et similaires)

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