Le chômage baisse mais la précarité augmente pour les moins diplômés, selon l'Observatoire des inégalités

Si l'Observatoire des inégalités pointe dans son rapport publié ce jeudi les effets de la baisse de chômage amorcée depuis 2015, il souligne la persistance d'une fracture sociale, marquée par des inégalités entre les travailleurs selon leur niveau de diplômes. Face au chômage à la précarité de l'emploi ou encore aux accidents du travail, les Français ne sont pas tous logés à la même enseigne.
Coline Vazquez
Une fois dans le monde professionnel, la fracture sociale ne disparaît pas, bien au contraire, et s'illustre au travers des différences de rémunération.
Une fois dans le monde professionnel, la fracture sociale ne disparaît pas, bien au contraire, et s'illustre au travers des différences de rémunération. (Crédits : Reuters)

Les fractures sociales au sein de la société françaises demeurent criantes. Malgré une embellie sur le front de l'emploi, nombreuses sont encore les inégalités entre les Français qu'ils travaillent ou soient au chômage. Tel est le constat que dresse la neuvième édition du rapport sur les inégalités en France paru ce jeudi et publié par l'Observatoire des inégalités. Depuis 2015, on observe une amélioration de l'emploi avec une baisse du taux de chômage. Grimpé à plus de 10% entre 2013 et 2015, il est redescendu jusqu'à atteindre 7,2% au début de l'année 2023. Tel est le constat que dresse la neuvième édition du rapport sur les inégalités en France paru ce jeudi et publié par l'Observatoire indépendant. Il dresse notamment un état des lieux en France du monde du travail.

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Pourtant, le premier constat du rapport est positif. Depuis 2015, on observe en effet une amélioration de l'emploi avec une baisse du taux de chômage. Grimpé à plus de 10% entre 2013 et 2015, il est redescendu jusqu'à atteindre 7,2% au début de l'année 2023, selon les chiffres du ministère.

Une décrue qui profite en particulier aux jeunes et aux travailleurs les moins qualifiés. À titre d'exemple, le taux de chômage des ouvriers peu qualifiés est passé de 22,6 % en 2015 à 16,7 % en 2021, relève l'observatoire. De même, le chômage des moins de 25 ans a diminué, passant de 26,1% en 2015 à 17,3% en 2022.

Chômage : des « inégalités béantes demeurent  »

« La question est maintenant de savoir si la tendance va se poursuivre ou si, comme cela a toujours été le cas depuis 1990, le chômage évolue de manière cyclique avec le risque de le voir augmenter de nouveau », prévient néanmoins Anne Brunner, directrice des études au sein de l'Observatoire.

Ce dernier attribue cette baisse du chômage « à une conjonction de politiques menées dès la fin des années 2000, aux dépenses publiques amplifiées, à un arrêt de la baisse de l'emploi industriel, à un contexte international porteur » mais aussi à « un développement massif de l'apprentissage », largement encouragé par les mesures gouvernementales ces dernières années. L'organisme signale également le rôle joué par la création d'emplois de mauvaise qualité dans cette « amélioration générale », soulignant néanmoins que cette dernière est bien « réelle ».

Pourtant, « des inégalités béantes » demeurent et elles s'expliquent en grande partie par le niveau de diplômes, pointe l'organisme. Si le taux de chômage atteint 5% chez les diplômés de l'enseignement supérieur, soit une situation de plein emploi, et ce, depuis longtemps, il est de 14,4% chez les non-diplômés. Autre chiffre illustrant cette réalité : parmi les chômeurs, près de 20 % n'ont aucun diplôme et les trois quarts ont au maximum le baccalauréat.

« Le grand écart entre non-diplômés et diplômés face au chômage est sans doute l'une des fractures les plus importantes de notre société ».

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Des écarts de salaires encore importants

Une fois dans le monde professionnel, cette fracture sociale ne disparaît pas, bien au contraire, et s'illustre au travers des différences de rémunération. La comparaison entre les cadres supérieurs de moins de 30 ans et les ouvriers et employés du même âge montre que les premiers peuvent compter sur un salaire net moyen de 2.700 euros par mois contre 1.600 euros pour les seconds (Insee, 2019 pour le secteur privé et pour les temps-plein). Sans compter que la rémunération des cadres progresse rapidement quand celle des ouvriers et employés évolue peu. Ainsi, à 60 ans et plus, les premiers touchent 5.700 euros net par mois en moyenne contre environ 1.900 euros pour les seconds. L'écart est donc passé de 1.100 euros (avant 30 ans) à 3.800 euros (après 60 ans).

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Des écarts qui soulignent les difficultés d'une part importante de la population qui « ne peut accéder, avec le seul fruit de son travail, aux normes de consommation en vigueur (loisirs, vacances, etc.), sauf à compter sur les autres quand ils le peuvent : des parents, un ou une conjointe, etc », alerte le rapport. Sans compter l'inflation, qui a atteint des sommets, se situe toujours à 5,1% en mai sur un an en France. Un seuil qui reste élevé au regard de l'objectif de 2% fixé par la Banque centrale européenne.

Les données sur les salaires compilées par l'Observatoire « permettent de mieux saisir les inquiétudes sur le pouvoir d'achat dans des milieux dont les budgets mensuels sont extrêmement tendus et pour qui une hausse des prix pèse sur des dépenses dont ils peuvent difficilement se priver », commente le rapport. Sur ce point, Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des Inégalités, remarque que « la lutte pour la revalorisation des revenus est très inégale, rappelant néanmoins que « les plus bas pourront sans doute compter sur la revalorisation à hauteur de l'inflation du SMIC et du RSA ».

Une plus grande précarité des emplois pour les moins diplômés

Des salaires moins élevés...et plus précaires. Au total, 13,3% de l'ensemble des emplois ont un statut précaire en France, selon les données 2021 de l'Insee. Or, ils sont davantage occupés par des travailleurs avec le plus faible niveau d'étude et les jeunes, indique l'Observatoire des inégalités dans son rapport. Chez les moins de 25 ans, le taux de précarité (somme des emplois à durée déterminée (CDD), en intérim et en apprentissage, rapportée à l'ensemble des salariés) est passé de 18,7 % en 1982 à 49,3 % en 2000. Frôlant ensuite les 60 %, il a légèrement baissé à partir de 2017 pour atteindre, actuellement, 56,9 %.

« Certaines personnes en contrat précaire sont satisfaites de ce statut parce qu'elles ne sont disponibles que pour quelques jours ou semaines ou parce qu'elles ont opté pour une organisation de leur vie au rythme d'engagements saisonniers », note le rapport qui précise néanmoins que « ce n'est le cas que d'une infime minorité ». Et pour cause, interrogés à ce sujet 90,5 % des salariés en CDD ou en intérim répondent qu'ils préféreraient un CDI, selon l'Insee en 2021. Chez les 25-49 ans, le chiffre est même de 93,6 %.

Moins concernés par des emplois précaires, les cadres occupent également peu de postes avec des horaires atypiques, comme le fait de travailler en journées discontinues, c'est-à-dire avec des périodes de travail séparées par au moins trois heures de battement. Les hommes cadres ne sont, en effet, que 15 % dans ce cas contrairement aux employés non qualifiés, en particulier, qui sont davantage concernés. En outre, 23 % des ouvriers non qualifiés déclarent en plus ne pas pouvoir prévoir leurs heures de travail à l'avance, c'est-à-dire qu'ils ne les connaissent pas un jour à l'avance, ou moins.

Un risque plus accru aux accidents du travail chez les ouvriers

Enfin, le rapport de l'Observatoire des inégalités pointe la surreprésentation des ouvriers parmi les victimes d'accidents du travail. En 2019, près de 40.000 ont entraîné une incapacité permanente selon le ministère du Travail. Or, plus de 19.000 de ces accidents du travail graves (qui entraînent un handicap permanent) ont été constatés chez les ouvriers, contre 1.805 chez les cadres. De plus, il existe un risque sept fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres d'être handicapé suite à un accident.

De même, les accidents du travail qui ont entraîné un décès sont aussi beaucoup plus fréquents chez les ouvriers. 489 sont morts au travail en 2019, soit les deux tiers des 743 accidents mortels enregistrés cette année-là.

Coline Vazquez
Commentaires 3
à écrit le 09/06/2023 à 10:53
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Ce qui m'étonne toujours, c'est de voir des chefs d'entreprise se plaindre du poids des impôts alors qu'ils intégrant ont intégré les dépenses sociales dans leur modèle économique... A se demander s'ils sont à leur place à la tête d'une entreprise et...

à écrit le 09/06/2023 à 6:32
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Le salaire est un luxe dans le cadre de la relation de travail. La prime d'activité versée par la CAF est présentée comme un complément de salaire par la DRH. La cadence, la rapidité, la quasi absence de formation en interne, la directivité des N+1, ...

à écrit le 08/06/2023 à 19:08
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Le dumping social général a fait de l'accès au travail un accès direct à la précarité, c'est pour cela que les effets positifs de la baisse du chômage sont de ce fait annulés.

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