France : face à l'inflation et la chute du pouvoir d'achat, la consommation baisse

Par latribune.fr  |   |  1086  mots
Au mois de mai, les prix de l'alimentation progressent de 4,2% (3,8% le mois dernier) et ceux des services de 3,2% (3% en avril). (Crédits : Wolfgang Rattay)
L'indice des prix à la consommation connaît une nouvelle accélération en mai atteignant 5,2% sur un an, selon l'Insee dans une première estimation dévoilée mardi. Ce seuil n'avait pas été atteint depuis septembre 1985. La hausse des prix et la baisse du pouvoir d'achat qui l'accompagne a fait baisser la consommation. Le produit intérieur brut (PIB) s'est contracté de 0,2% au premier trimestre en France. De quoi mettre la pression sur le nouveau gouvernement qui a fait du pouvoir d'achat sa priorité.

[Article publié le 31 mai 2022 à 10:22 mis à jour à 12:00 avec PIB]

C'est un nouveau record dont la France se serait bien passée. Selon la première estimation de l'Insee, publiée ce mardi, l'inflation a connu une nouvelle accélération au mois de mai, à 5,2% sur un an. Si le mois d'avril était déjà marqué par un plus haut depuis près de 37 ans avec 4,8%, le seuil des 5% n'avait encore jamais été atteint depuis le mois de septembre 1985. Et la situation ne devrait pas s'arranger le mois prochain, prévoit l'Insee qui doit publier mi-juin son estimation définitive de l'inflation au mois de mai. Dans sa dernière note de conjoncture, l'institut anticipait une inflation de 5,4% sur un an en juin.

Les prix de l'énergie atteignent des sommets

Dans le détail, tous les postes de consommation recensés par l'Institut national de la statistique sont concernés par la hausse des prix, mais ce sont ceux de l'énergie qui connaissent la plus forte croissance. Ils accélèrent ainsi de 28% sur un an, après une hausse de 26,5% en avril. « Après leur repli le mois précédent, les prix de l'énergie se redresseraient en lien avec le rebond des prix des produits pétroliers », détaille l'Insee.

En cause principalement, la guerre en Ukraine qui a fait flamber les cours des matières premières. Or, la durée du choc énergétique va dépendre de la durée du conflit qui semble s'enliser, mais aussi de l'embargo européen sur le pétrole russe sur lequel l'UE s'est accordée, lundi. Réunis en sommet extraordinaire à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont convenu d'interdire immédiatement plus des deux tiers des importations de pétrole russe et de mettre fin à celles-ci à 90% d'ici la fin de l'année tout en prévoyant des dérogations pour la Hongrie, fermement opposée à cet embargo en raison de son ultra-dépendance aux importations russes, et d'autres pays inquiets de l'impact économique de cette décision. La décision européenne ne sera pas sans conséquence sur la hausse des prix de l'énergie qui dépendra donc de la rapidité des Etats européens à se sevrer du pétrole et du gaz importés depuis la Russie pour s'orienter vers d'autres sources d'énergie.

Concernant les prix de l'alimentation, ils progressent en mai de 4,2% (3,8% le mois dernier) et ceux des services de 3,2% (3% en avril). Une hausse qui se fait ressentir à la caisse du supermarché, selon une étude de l'assureur crédit Allianz Trade publiée le 24 mai. En témoigne les prix des huiles et graisses que les industriels facturent 53% plus cher qu'en 2021. Le coût des farines pour les distributeurs a bondi de 28%, et celui des pâtes de 19%. « Les prix des distributeurs alimentaires pourraient croître de 8,2%, ce qui engendrerait une hausse des dépenses alimentaires annuelles de 224 euros par personne cette année, pour un total atteignant 2.963 euros », résume Aurélien Duthoit, conseiller sectoriel chez Allianz Trade.

« Nous savons que les prix sont tirés vers le haut à la fois par la situation sur les marchés de l'énergie, également par la situation sur les marchés alimentaires", avait résumé lundi le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, ajoutant que « nous allons entrer dans une période nouvelle où l'inflation ne sera plus aussi basse qu'elle l'a été au cours des années passées ».

L'inflation fait chuter le PIB

Ce contexte de forte inflation nuit à l'économie française. Et pour cause, la hausse des prix grève le pouvoir d'achat des ménages qui a chuté de 1,9% au premier trimestre  et l'Insee prévoit une nouvelle baisse au deuxième trimestre. Il entraîne avec lui la consommation, moteur traditionnel de la croissance française, qui accuse un recul encore plus marqué que ce qu'avait précédemment estimé l'Insee. Elle a chuté de 1,5%, contre un recul de 1,3% estimé auparavant, et qui avait déjà surpris la plupart des économistes qui ne s'attendaient pas à un tel coup de frein si tôt dans l'année. Conséquence : le produit intérieur brut (PIB) s'est, lui aussi, contracté de 0,2% au premier trimestre, selon l'institut national de la statistique qui a révisé à la baisse sa précédente estimation publiée fin avril d'une croissance de 0%.

De quoi faire monter la pression sur le nouveau gouvernement qui a fait de la protection du pouvoir d'achat sa priorité. Il sera d'ailleurs l'objet des premiers textes soumis à la future Assemblée nationale issue des législatives de juin, comprenant notamment le maintien de la remise carburant, les indexations des pensions de retraites et des prestations sociales, le dégel du point d'indice des fonctionnaires, une baisse des cotisations des indépendants ou encore la création d'un chèque alimentaire. La prolongation jusqu'à la fin de l'année du "bouclier tarifaire" sur le gaz et l'électricité est elle aussi actée.

Depuis la fin de l'année 2021, le gouvernement a déjà mis sur la table 26 milliards d'euros pour réduire l'impact de l'inflation, auxquels s'ajoutera donc ce nouveau paquet de mesures.

La France fait mieux que ses voisins

Malgré ces signaux toujours plus négatifs, l'inflation en France reste plus modérée que chez ses voisins européens. En Allemagne, l'indice des prix à la consommation a, en effet, atteint un nouveau record en mai, à 7,9% sur un an. L'indicateur a gagné 0,5 point par rapport à avril, et se hisse ainsi à son plus haut niveau depuis la Réunification du pays en 1990. Record battu également au Royaume-Uni où la hausse des prix en avril a atteint son niveau le plus haut en 40 ans, à 9% sur un an.

À l'échelle de l'Union européenne, le taux d'inflation dans la zone euro a dépassé un nouveau seuil en mai, à 8,1% sur un an, d'après les chiffres d'Eurostat publiés ce mardi. L'inflation avait atteint 7,4% en avril, une estimation revue en baisse de 0,1 point. Ces chiffres sont les plus élevés enregistrés par l'office européen des statistiques depuis le début de la publication de l'indicateur en janvier 1997. Avant la guerre en Ukraine, la Commission européenne misait, elle,sur une inflation 3,5% en zone euro en 2022 (3,9% en 2022 dans l'UE à 27).

 (Avec AFP)