Une semaine après l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, la Première ministre Elisabeth Borne a réuni tous les ministres à Matignon pour fixer la feuille de route et la méthode pour les cinq prochaines années. "Je voulais évoquer les sujets de contexte, de méthode et de calendrier pour nous permettre de fixer un cadre commun à notre action", a déclaré la cheffe du gouvernement ce vendredi matin. "Il faut répondre aux urgences des Français", a-t-elle insisté.
Après cinq années percutées par de multiples crises, le nouvel exécutif démarre dans un contexte économique particulièrement troublé. À quelques semaines des législatives, le gouvernement sait qu'il devra conforter sa majorité à l'Assemblée nationale s'il veut rapidement faire voter ses textes avant d'entamer les réunions sur le dossier explosif des retraites prévu à la rentrée. Elisabeth Borne a également mis l'accent sur les pénuries de personnel de santé dans les hôpitaux et la transition écologique lors de cette première réunion avec les ministres.
L'urgence du pouvoir d'achat
"La première urgence, c'est le pouvoir d'achat. Les lois d'urgence pour le pouvoir d'achat seront les premiers textes de ce quinquennat" a promis l'ancienne ministre du Travail rue de Varenne. Sur ce point, le gouvernement veut clairement répondre à la première préoccupation des Français en préparant un paquet pouvoir d'achat. Cette grande loi dont les contours sont encore à préciser pourrait comporter la fameuse prime Macron défiscalisée et sans cotisation jusqu'à 6.000 euros, un dispositif pour les gros rouleurs, le chèque alimentaire, le prolongement du bouclier tarifaire, l'accélération de l'indexation des prestations sociales ou encore le dégel du point d'indice des fonctionnaires.
Il faut dire que le pouvoir d'achat des Français a déjà reculé au cours du premier trimestre et cette chute devrait se poursuivre d'ici la fin du mois de juin selon le dernier point de conjoncture de l'Insee. L'inflation, qui pourrait dépasser 5% d'ici juin, a clairement pesé sur le porte-monnaie des Français. "L'impact moyen de cette inflation est d'environ 90 euros par mois et par ménage. C'est un choc rapide et hétérogène sur le pouvoir d'achat", a expliqué l'économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane lors d'un point presse cette semaine. L'une des difficultés pour l'exécutif est de mettre en oeuvre des mesures ciblées pour les ménages en première ligne dans cette crise énergétique.
Indexation des retraites sur la table
Outre les actifs, la première ministre a également mis l'accent sur les retraités. Cette semaine, le nouveau ministre du Travail Olivier Dussopt en charge de la réforme des retraites a reçu les syndicats rue de Grenelle après avoir annoncé l'indexation des retraites sur l'inflation. Cette mesure jugée "électoraliste" par plusieurs observateurs "est en réalité inscrite dans le code de la protection sociale" a rappelé il y a quelques jours à La Tribune le secrétaire confédéral de Force Ouvrière (FO) Michel Beaugas conviéau ministère du Travail mercredi dernier.
Là encore, l'exécutif veut éviter tout nouvel affront avec les retraités avant les législatives alors que ces derniers constituent un socle électoral particulièrement important pour la Macronie. Dans ce contexte d'inflation, "le pouvoir d'achat des ménages retraités est mécaniquement touché. Les plus aisés peuvent réduire leur capacité d'épargne pour amortir les effets de cette inflation. Le retour de l'inflation est donc particulièrement sensible pour les plus petites retraites mais également selon le lieu de résidence. En effet, de nombreux ménages retraités vivent aussi dans des zones géographiques où la voiture est indispensable et où il y a très peu de transports en commun. Ils subissent alors pleinement la hausse du coût des carburants", a récemment expliqué à La Tribune Vincent Touzé, économiste à l'OFCE et spécialiste des retraites.
Une nouvelle méthode et déjà des couacs
Emmanuel Macron a annoncé pendant la campagne présidentielle vouloir changer de méthode. Alors que sa première présidence avait été jugée "trop verticale" par un grand nombre d'acteurs, le quadragénaire a promis plus de concertations lors de son second mandat.
A l'issue de la réunion, la locataire de Matignon a promis "de la concertation et de la co-construction et des résultats pour être plus efficaces". Pourtant, cette première semaine au pouvoir a déjà été marqué par des couacs. Lundi dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait réuni le MEDEF, la CPME, l'U2P (Union des entreprises de proximité) et d'autres organisations patronales à Bercy pour évoquer les effets de la crise sur l'économie tout en demandant aux entreprises qui "le peuvent" d'augmenter les salaires sans avoir invité les syndicats. Ce qui n'a pas manqué de susciter des critiques dans les centrales.
Finances publiques : la voie étroite du gouvernement
Les deux longues années de pandémie ont amené le gouvernement a déployé "le quoi qu'il en coûte" pour limiter la perte de revenus des entreprises et des ménages en France. Résultat, la dette publique a atteint 113% du produit intérieur brut (PIB) tricolore à la fin de l'année 2021. Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de revenir en dessous du seuil de 3% de déficit d'ici 2027 mais la voie pour y parvenir semble très étroite.
Pour les semaines à venir, l'exécutif planche sur un budget rectificatif qui doit inclure le plan de soutien au pouvoir d'achat et devra enchaîner par le projet de loi de finances 2023 présenté à la rentrée. Dans le même temps, le chef de l'Etat a promis des baisses d'impôt pour les entreprises et les ménages. Avec une croissance fortement révisée à la baisse par la plupart des instituts de prévision, le rééquilibrage des comptes publics promis par le président pourrait virer au casse-tête.