Extraterritorialité des lois américaines : la France veut un système similaire à celui des Etats-Unis

Par Michel Cabirol  |   |  615  mots
"On demande l'autorisation aux États-Unis : est-ce que c'est possible, est-ce que ce n'est pas possible, est-ce qu'on va avoir des sanctions ou pas ? On ne peut pas s'en tenir à cela. Il faut que nous nous dotions d'outils de riposte qui sont beaucoup plus efficaces", a expliqué Bruno Le Maire, interrogé par La Tribune en marge d'un déplacement à la "Digital factory", inaugurée par le groupe d'électronique Thales.
Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a appelé mardi à une "réciprocité des règles" dans le commerce mondial, estimant que l'Union européenne (UE) devait se doter d'un "dispositif de riposte" à l'extraterritorialité des lois américaines.

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a appelé mardi à une "réciprocité des règles" dans le commerce mondial, estimant que l'Union européenne (UE) devait se doter d'un "dispositif de riposte" à l'extraterritorialité des lois américaines, qui sanctionne de nombreuses entreprises européennes et françaises. Interrogé par La Tribune sur ce dossier très sensible après les amendes américaines sur Alstom, Technip, Total, BNP Paribas et Crédit Agricole, le ministre s'est dit "favorable" à ce que l'UE se dote "d'un dispositif de riposte similaire, et que nous ouvrions, nous Français, avec nos partenaires européens, la réflexion sur ce type d'outils".

"Le commerce mondial doit être fondé sur un principe d'équité et de stricte réciprocité des règles. Ce n'est pas le cas aujourd'hui", a regretté Bruno Le Maire en marge d'un déplacement à la "Digital factory", inaugurée par le groupe d'électronique Thales.

Un enjeu fondamental

Évoquant une réflexion seulement "embryonnaire", Bruno Le Maire a estimé que ce dossier est un "objectif à long terme" qui "prendra beaucoup de temps". Mais selon lui, "il faut ouvrir cette discussion mais cela me parait un enjeu absolument fondamental". D'autant plus qu'il considère que la loi Sapin 2 "n'est pas la hauteur des enjeux". "Ce qui est à la hauteur des enjeux serait que l'Europe soit capable elle-même de définir ses propres intérêts commerciaux, de dire ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas et de pouvoir en discuter avec ses partenaires américains et chinois d'égal à égal", a-t-il expliqué.

Par ailleurs, Bruno Le Maire a rappelé que "dans le monde vers lequel nous allons, où en matière commerciale on ne fait aucun cadeau, l'Europe ne doit pas se contenter de se faufiler entre les gouttes pour essayer de préserver ses marchés (...) On demande l'autorisation aux États-Unis : est-ce que c'est possible, est-ce que ce n'est pas possible, est-ce qu'on va avoir des sanctions ou pas ? On ne peut pas s'en tenir à cela. Il faut que nous nous dotions d'outils de riposte qui sont beaucoup plus efficaces", a-t-il insisté.

Le Maire demande à Washington de la clarté sur l'Iran

Le ministre, qui précise avoir abordé récemment le sujet avec le secrétaire américain au Commerce, Robert Lighthizer, a notamment insisté sur l'incertitude qui pesait sur les entreprises européennes depuis la décision prise par Donald Trump de "décertifier" l'accord sur le nucléaire iranien. "Je lui ai demandé qu'il fasse preuve de la plus grande clarté, de façon à ce que nos entreprises ne se retrouvent pas dans une situation intenable où elles auraient à payer des amendes considérables au nom de sanctions extraterritoriales", a expliqué le ministre.

L'extraterritorialité des lois américaines, en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) de 1977, permet aux États-Unis de traquer les malversations d'une entreprise partout sur le globe, dès lors que ses transactions transitent par le circuit financier américain. Un instrument de puissance au service de ses intérêts... Plusieurs entreprises européennes ont déjà été sanctionnées durement. En 2008, l'allemand Siemens a dû s'acquitter de 800 millions de dollars pour des versements de pots-de-vin en Argentine ou au Venezuela. Et en 2014, le français Alstom a dû verser 772 millions de dollars pour des faits de corruption dans plusieurs pays, dont l'Indonésie. La querelle transatlantique la plus emblématique, toutefois, n'est pas liée à la loi FCPA mais aux violations d'embargos. En 2014, la banque BNP Paribas a ainsi dû verser 8,9 milliards de dollars pour des transactions menées hors des États-Unis, mais avec des pays sous embargo américain, comme l'Iran