François de Rugy : "C’est toute la société qu’il faut entraîner"

Les Mardis de l'ESSEC ont reçu lundi 18 mars François de Rugy, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, après deux journées de mobilisation en faveur du climat à Paris et partout en France.

7 mois après avoir quitté la présidence de l'Assemblée nationale pour l'Hôtel de Roquelaure, François de Rugy est revenu sur son parcours particulier et sur sa conception de l'écologie politique face aux enjeux du dérèglement climatique, nécessairement « réaliste » et « démocratique ».

Des opinions ajustables

Depuis les débuts des combats écologistes, une question se pose : que vaudraient de telles convictions face à l'épreuve du pouvoir ? Alors qu'en Allemagne les « réalistes » ont pris la tête du parti écologiste, en France l'exécutif a nommé en septembre 2018 un Vert isolé et accusé de traîtrise par Europe-Ecologie les Verts, pour remplacer un écolo star, parti en claquant la porte.

Rappelant l'ancienneté de son engagement écologiste, François de Rugy assume faire cavalier seul et s'est clairement distancé d'EELV - si le parti devait être résumé par un livre, ce serait selon lui le Noeud de Vipères de François Mauriac. Il n'a pas non plus épargné son prédécesseur Nicolas Hulot : ainsi a-t-il déclaré à propos des difficiles arbitrages auxquels il fait face « je ne me lève pas en me disant : qu'est-ce que c'est dur, est-ce que j'aurai encore la force d'être ministre ce soir ? ».

Interrogé sur sa constance et sa fidélité en politique, il s'irrite des procès d'intention dont il s'estime victime : « en France, on est critiqué avant même d'entrer en fonction et on est applaudi quand on quitte le pouvoir ». Le ministre demande à être jugé sur son bilan en fin de mandat. Et ce, naturellement, au regard de ses engagements pris en juin 2017 après qu'il a rejoint Emmanuel Macron, plutôt que son programme pour la primaire de la gauche.

« Et en même temps... »

L'impatience des citoyens qui réclament que l'Etat s'engage plus vite et plus fort dans la transition écologique, François de Rugy la comprend. Mais que le collectif d'associations l' « Affaire du Siècle » dépose un recours pour « inaction climatique », après l'ampleur de l'opposition à la hausse de la taxe carbone, cela fait un peu beaucoup pour celui qui fait face à la crise des Gilets Jaunes depuis maintenant plusieurs mois.

Car gouverner, c'est accepter d'aller à la table des négociations, et faire des compromis. Son sens de la nuance, le ministre en a largement fait la démonstration face au public réuni dans le Grand Amphithéâtre de l'ESSEC. Investir dans la transition énergétique, oui, rehausser le niveau d'exigence pour la finance verte, oui, mais la véritable priorité est de changer les comportements. Aux questions de savoir s'il faut plus ou moins de taxes, plus ou moins d'aides, plus ou moins de nucléaire, le public est resté sur sa faim, car « la solution idéale n'existe pas ». Lorsqu'il s'agit du mix énergétique, l'équilibre a du bon. Mais sur d'autres sujets, le ministre aurait gagné à faire preuve d'un peu plus d'autorité. Certes, les efforts du secteur privé sont assez rares pour être soutenus - même lorsqu'ils viennent de Total ou de BNP Paribas. Malgré tout, le discours y perd en force : ne condamner personne, rester dans la mesure - quitte à ne jamais prendre position ? Le climat attendra.

En Marche, mais dans la bonne direction ?

Lorsqu'on l'interroge sur la réalité de son poste, le ministre confirme qu'il n'est pas rare qu'il perde des arbitrages face au ministère de l'Économie ou de l'Agriculture. Pourtant, lorsque cela est nécessaire, il est soutenu par ses collègues Edouard Philippe et Bruno Le Maire, notamment sur la taxe carbone. Mais les adversaires sont parfois au sein même du gouvernement, ainsi que dans la majorité parlementaire : en votant contre une date limite pour l'interdiction du glyphosate, les députés de la majorité ont donné le bâton pour se faire battre.

Pour faire oublier la malédiction qui semble s'abattre sur l'écologie de gouvernement depuis le début du quinquennat, notre invité a mis en avant les victoires européennes : les 27 ont adopté les propositions de la France concernant les normes d'émission automobile, avec comme conséquence concrète que les voitures mises sur le marché après 2030 seront deux fois moins polluantes qu'aujourd'hui. Faute de proposer des solutions pratiques aux enjeux environnementaux, François de Rugy apporte sa contribution au débat théorique actuel : avec lui, le sujet n'est pas combien on investit - même s'il se plaît à rappeler qu'avec 34 millions d'euros, le budget de son ministère est supérieur à celui de la défense -, mais bien comment faire évoluer les comportements : « avant d'investir des milliards dans les transports en commun du Grand Paris, il faut développer le covoiturage ». Et le ministre compte bien sur une mobilisation massive en faveur du climat pour obtenir de vrais résultats :

« la lutte contre le dérèglement climatique ce n'est pas moi tout seul qui vais la faire, c'est toute la société qu'il faut entraîner ».

Mais surtout, cette soirée a été l'occasion de redonner à la science toute sa place dans le débat politique : tant les décideurs que l'industrie doivent s'appuyer sur les avancées de la recherche et établir un bilan quantifié de l'impact des activités humaines sur le climat. Sinon, comment guider les choix stratégiques pour faire advenir un modèle plus durable ? Voitures électriques, contraintes sur les compagnies aériennes, il formule des recommandations et se risque même à clamer son optimisme, quitte à se montrer un peu trop confiant :

« je crois en la capacité de l'être humain à réparer ses propres erreurs ».

Un nouvel élan démocratique

Président de l'Assemblée nationale de juin 2017 à septembre 2018 après en avoir été le Vice-Président, François de Rugy peut se targuer d'une certaine expertise sur le sujet de la démocratie en France. Sans vraiment donner son avis sur le référendum d'initiative citoyenne (RIC), réapparu dans le débat public avec le mouvement des gilets jaunes, il reconnaît les limites du système actuel qui doit être actualisé :

« je crois qu'il faut savoir articuler les différents types de démocratie ».

Et sur ces sujets, il a bon espoir que la majorité remplira les promesses du Président, en réduisant le nombre de députés et en introduisant une dose de proportionnelle :

« sur 400 députés, il pourrait y en avoir 100 élus à la proportionnelle ».

Fustigeant la logique de blocage du Parlement, où les partis d'opposition « organisent le dysfonctionnement », il défend sa doctrine « une lecture en Commission, une lecture en Chambre » aujourd'hui contournée, pour une organisation plus efficace de l'organe législatif. À ce titre, il serait envisageable de supprimer le CESE (Conseil économique, social et environnemental) qui aurait fait son temps, et de s'appuyer sur les deux chambres, leurs forces et leur complémentarité.

On ressort de ce débat avec une impression mitigée. Convaincant sur les enjeux démocratiques actuels, le ministre paraissait lui-même moins convaincu par ses propos sur l'écologie. Le poste de trop ?

Commentaires 5
à écrit le 11/04/2019 à 10:32
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l'isolation a 1€ ca marche quand on choisi une entreprise locale prés de chez vous mais il faut être propriétaire si je suis locataire l'isolation est impossible. la prime pour acheter un véhicule d'occasion serait mieux de changer le moteur thermiq...

à écrit le 08/04/2019 à 17:16
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avec ma zoé c'est 120 km d'autonomie pour 3000€ je peut passer a 300km la prime pour voiture de plus de douze ans c'est 4500€ combien coûte une voiture pour lequel ont change son moteur thermique pour un moteur électrique entre 3000€ et 4500€ je d...

le 08/04/2019 à 18:29
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Voiture électrique = batteries extrêmement polluantes à fabriquer et rechargées à électricité nucléaire !

à écrit le 08/04/2019 à 12:08
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Ce sont des opportunistes comme lui, que beaucoup ne supportent plus ! Sans conviction et feignant d'en avoir, ils sont près à se vendre au plus offrant...

à écrit le 08/04/2019 à 8:20
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Il serait tout de même intéressant de savoir ce que M.de Rugy fait avec les 34 milliards du budget de son Ministère, et ses contributions à la baisse des émissions de CO2.. mais je crois que même sans données, tout le monde connait la réponse: là est...

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