Fraude fiscale : Bercy a récupéré 9 milliards d'euros en 2019

Par Grégoire Normand  |   |  929  mots
Aux 9 milliards récupérés grâce aux contrôles s'ajoutent 530 millions issus d'amendes pénales versées par Google (500 millions) et la société de gestion Carmignac (30 millions), via deux conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP), nouveau dispositif qui permet à une entreprise de négocier une amende sans procès et sans passer par une procédure de "plaider coupable". (Crédits : Charles Platiau)
Environ 9 milliards d'euros ont été récupérés par l'Etat après des contrôles fiscaux en 2019, soit environ 1,3 milliard de plus qu'en 2018, a annoncé lundi le Premier ministre Edouard Philippe lors d'une conférence de presse à Bercy.

Le Premier ministre Edouard Philippe, accompagné du ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin et de la ministre de la Justice Nicole Belloubet, est venu présenté le bilan de l'exécutif en matière de lutte contre la fraude fiscale à Bercy lundi en fin d'après-midi. Lors d'un conférence de presse, le chef du gouvernement a tenu a rappelé certains principes.

"la fraude fiscale est la négation des principes aux fondements du pacte républicain. En fraudant, on vole la nation. On trahit sa confiance et celle des citoyens qui s'acquittent de leurs obligations. Des sommes très importantes, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros qui chaque année échappent au budget de l'Etat et de la sécurité sociale. Des milliards qui ne peuvent pas être investis dans les services publics et les actions de solidarité."

Après avoir baissé la fiscalité sur le capital et les entreprises, le gouvernement veut redorer son image et montrer qu'il fait des efforts en renforçant l'arsenal juridique et les moyens techniques mis à disposition des agents du fisc pour renforcer la traque des fraudeurs. L'année dernière, le locataire de Matignon avait demandé à la Cour des comptes de faire une évaluation du montant de la fraude fiscale après le Grand débat. Faute de temps et de données, la juridiction financière n'avait pu produire de chiffrage précis. M.Philippe a également demandé à l'Insee de "prolonger ces travaux". Le gouvernement "doit rendre compte à l'automne de l'avancement de ces travaux".

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Des encaissements en hausse par rapport à 2018

Après trois années de baisses consécutives, les encaissements réalisés par l'administration fiscale ont augmenté, passant de 7,7 milliards à 9 milliards entre 2018 et 2019. Il faut également noter que les encaissements ont connu une chute impressionnante entre 2015 et 2018 (-18%) avec plus de 2 milliards en moins entre ces deux années (9,5 milliards en 2015 contre 7,5 milliards en 2018). Sur 2019, la majorité des encaissements (5,8 milliards d'euros) provient de la TVA, l'impôt sur les sociétés, les droits d'enregistrement, et l'impôt sur la fortune immobilière (IFI).

La seconde source d'encaissement correspond à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (2,2 milliards d'euros). Les encaissements sur les droits de déclarations de successions suite à des relances ont permis d'encaisser 745 millions d'euros. En outre, à la suite de plusieurs plaintes de l'administration fiscale, les poursuites pour fraudes fiscales engagées par le parquet national financier (PNF) ont rapporté 530 millions d'euros selon les documents communiqués par Bercy. Google doit notamment s'acquitter d'une amende de 500 millions d'euros au Trésor public. Enfin, le traitement des déclarations rectificatives ont rapporté 358 millions d'euros. Au total, le ratio des sommes recouvrées est en progression entre 2018 et 2019, passant de 51% à 67%.

Des opérations plus ciblées

La stratégie revendiquée par le gouvernement consiste à réduire le nombre de contrôles fiscaux au profit d'opérations plus ciblées dans les entreprises. Ainsi, le nombre de vérifications exhaustives sur place a baissé entre 2015 et 2019, passant de 42.918 à 30.776. En parallèle, les vérifications ciblées du bureau ont bondi passant de 1.080 en 2015 à 10.603 en 2019 et les vérifications ciblées sur place ont également décollé (7.250 en 2015 contre 12.209 en 2019). Au total, 51.248 opérations ont été recensées en 2015 contre 53.588 l'année dernière. La montée en puissance des procédures plus ciblées a entraîné une réduction de la durée des procédures lorsqu'elles sont réalisées sur place.

Data mining et réseaux sociaux

Au sein de la direction générale et des finances publiques (DGFIP), une équipe de 26 personnes, dont des data-scientist, regroupées dans la mission "requêtes et valorisation" est chargée d'exploiter les données susceptibles de caractériser des cas précis de fraudes. Ce service est à l'origine de 22% des opérations de contrôle fiscal concernant les entreprises en 2019. Le gouvernement veut renforcer cet objectif d'ici 2022 (50%). "Au total, les droits et pénalités mis en recouvrement à l'issue des contrôles engagés à partir des productions transmises par la mission se sont élevées en 2019 à 785 millions d'euros" selon le des chiffres communiqués par le ministère de l'Economie.

En outre, la loi de finances 2020 autorise pour une durée de trois ans l'administration fiscale à collecter et exploiter des données publiées sur les réseaux sociaux. Les fausses domiciliations, les activités commerciales occultes, la contrebande de tabac ou le trafic de stupéfiants sont dans le viseur des contrôleurs du fisc. Le gouvernement s'est engagé pour que l'administration agisse "en toute transparence. Elle n'utilisera pas de pseudonyme et ne s'infiltrera pas dans des cercles restreints des personnes". Cette initiative avait suscité des réserves de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

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Une coopération interministérielle renforcée

Le gouvernement a également mis l'accent sur la nécessité d'une coopération renforcée entre les administrations des différents ministères. Le Premier ministre a notamment annoncé la mise en place de 10 groupes nationaux contre la fraude qui doivent assurer "le décloisonnement des approches par le partage d'informations et d'analyses". Ces groupes doivent renforcer la coopération des équipes présentes dans les ministères de l'Action et des comptes publics, de la Justice, de l'Intérieur et celui de la Santé.