Hausse d'impôt : le Conseil d'analyse économique estime « absurde » de l'écarter face à la « situation budgétaire »

Par latribune.fr  |   |  773  mots
Camille Landais, président délégué du Conseil d'analyse économique qui se présente comme une instance pluraliste composée d'économistes professionnels reconnus et de sensibilités diverses. (Crédits : DR)
Président délégué du Conseil d'analyse économique (CAE), organe placé auprès du Premier ministre, Camille Landais, estime, « absurde » de « refuser toute hausse au vu de notre situation budgétaire ». La semaine passée, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est redit « opposé à toute augmentation d'impôt ».

Le gouvernement a-t-il les moyens d'écarter toute hausse d'impôt ? Pour Camille Landais, président délégué du Conseil d'analyse économique (CAE), organe placé auprès du Premier ministre, poser la question, c'est y répondre.

« Certes, nous avons déjà un taux de prélèvements obligatoires élevé et la consolidation de notre déficit primaire ne pourra se faire seulement en augmentant les recettes », a-t-il affirmé dans les colonnes du quotidien Les Echos.

« Mais à l'inverse, je ne vois pas comment cette consolidation budgétaire pourra être défendue sans faire contribuer tout le monde, notamment les plus riches.»

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La semaine passée, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'était redit « opposé à toute augmentation d'impôt » en France, malgré l'annonce par l'Insee d'un déficit public en dérapage à 5,5% du PIB en 2023. « On peut parfaitement faire des économies sur la dépense publique sans aller piocher dans les poches des Français et je reste totalement opposé à toute augmentation d'impôts sur nos compatriotes », avait ainsi déclaré le ministre au micro RTL. Il s'était uniquement montré ouvert à une hausse de la contribution sur la rente inframarginale des énergéticiens, gonflée ces dernières années par la hausse des prix de l'énergie.

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« La question de la fiscalité des très hauts revenus et patrimoines se pose pleinement, ne serait-ce que pour des raisons d'équité », a insisté Camille Landais, jugeant « très largement exagérée » l'idée d'une « hypermobilité des grandes fortunes » d'un pays à l'autre.

Ne pas écarter une remise en cause de la fiscalité des entreprises

Interrogé sur l'éventualité d'une remise en cause de la fiscalité des entreprises, le président délégué du CAE a estimé que cela ne pouvait « pas être écarté non plus », bien que « le débat sur la taxation des superprofits ne (lui) semble pas être le bon », risquant d'aboutir à des « dispositifs peu efficaces, massivement contournés par les entreprises ».

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Il a, en outre, appelé à faire contribuer les retraités actuels « à l'effort, ne serait-ce que pour des considérations d'équité intergénérationnelle » et mis en question certaines dépenses « très élevées, mais avec une efficacité limitée ». Il cite le Crédit d'impôt recherche (CIR) pour les entreprises et le « système d'aides à l'apprentissage, beaucoup trop généreux pour les étudiants du supérieur ».

Le gouvernement a annoncé la semaine précédente un dérapage du déficit public en 2023. Dix milliards d'euros d'économies ont déjà été actés pour 2024, et 20 milliards de coupes sont annoncés pour 2025, mais des « économies supplémentaires » seront nécessaires dès 2024, selon Bruno Le Maire.

Après le doublement, dès le 31 mars, du reste à charge des patients sur les médicaments, les transports sanitaires ou les consultations médicales, qui doit rapporter 800 millions d'euros de recettes annuelles, plusieurs postes de dépenses sociales sont dans le viseur dont celles liées aux arrêts-maladies.

Le Medef fait part de ses inquiétudes

La déclaration de Camille Landais devrait donner du grain à moudre au Medef  : « Nous sommes inquiets de ce que nous entendons ici et là », a affirmé dimanche dernier le président du Medef Patrick Martin, devant le risque de voir des baisses d'impôts au bénéfice des entreprises remises en cause pour des raisons budgétaires.

« La CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) devait être supprimée intégralement en 2023. Puis on nous a annoncé que ce serait étalé sur 2023-2024. Puis qu'elle s'éteindrait progressivement d'ici 2027 », a rappelé le dirigeant dans un entretien au Journal du Dimanche.

Selon lui, « une nouvelle remise en cause » du calendrier de suppression de cet impôt « entamerait la confiance qu'on peut placer dans la parole de l'Etat ». Jeudi, dans un communiqué, le président du Medef a dit avoir « bien entendu » la « ligne rouge » de Gabriel Attal, le Premier ministre, mercredi soir, sur TF1 et souligné que « nous serons vigilants à ce qu'elle ne soit pas franchie ».

La CPME, deuxième organisation patronale, a jugé jeudi quant à elle « positive » la volonté du gouvernement de ne pas augmenter les impôts, et espéré que serait tenu l'engagement de supprimer complètement la CVAE d'ici la fin du quinquennat.

(Avec AFP)