L'économie française peut-elle survivre à un deuxième confinement ?

Par latribune.fr  |   |  1024  mots
(Crédits : CHARLES PLATIAU)
Commerces, événementiel, culture, transports, voyages... Pour ces secteurs, l'acte deux du confinement, même plus modéré et adapté au travail, pourrait être "fatal". Un mois de confinement coûte "entre 50 et 75 milliards d'euros" et près de 3 points de PIB à l'économie, en plus de mesures de relance qui vont être multipliées par l'Etat. Dans l'attente du positionnement de la BCE dans la journée, la Bourse de Paris a ouvert quasi stable, après son plongeon de la veille.

« Des dégâts économiques et humains considérables ». C'est l'avertissement envoyé mercredi soir par le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, après l'allocution d'Emmanuel Macron instaurant cette mesure à partir de vendredi et jusqu'au 1er décembre. « Ce n'est pas dans les commerces que se fait la contamination mais dans la sphère privée », a affirmé le représentant du patronat, prenant la défense des commerçants « pénalisés ».

Tandis que l'exécutif a tracé les lignes d'un reconfinement qui n'empêche pas d'aller travailler, des pans entiers de l'économie (commerces, événementiel, culture, transports, voyages notamment) seront directement touchés. Déjà, plusieurs régions françaises ont vu l'augmentation des plans sociaux (voir notre carte), sur une tendance d'accélération de la désindustrialisation du pays.

Beaucoup de PME, sous-traitants et indépendants subissent déjà les dégâts liés aux fermetures des grands sites sans vraiment de possibilité de rebondir à court terme. Avec eux, c'est le scénario de la reprise attendue qui s'assombrit. Ce second confinement viendra nécessairement affaiblir les courbes en U, V, W, K ou en aile d'oiseau.

Au lendemain de son pire plongeon en plus d'un mois, après avoir perdu près de 4%, la Bourse de Paris a ouvert quasi stable jeudi matin après l'intervention du président de la République. Dans l'attente du positionnement de la BCE donnée dans la journée, l'indice CAC 40 prenait 0,01 point à 09H00 à 4.571,13 points.

En plus des 100 milliards promis par le plan "France Relance" lié au premier confinement, les finances publiques devront elles aussi amortir un ralentissement des échanges et des recettes fiscales. Une perte à prévoir "entre 50 et 75 milliards d'euros de Produit intérieur brut", estime le Medef. Chaque mois, la France perdrait aussi entre 2 et 2,5 points sur son PIB, avait évalué le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt, tandis qu'un confinement coûte chaque mois "10 milliards d'euros de dépenses d'intervention" à l'Etat.

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Un impact moins fort qu'en avril ?

L'impact du confinement sera-t-il aussi fort qu'au printemps ? En avril dernier, mois entièrement passé sous le régime du confinement, l'activité avait chuté de plus de 30% en France.

L'impact devrait être un peu moindre cette fois, les restrictions étant moins importantes, avec un télétravail généralisé autant que possible mais une activité qui se poursuivra, notamment dans les services publics, les usines, les exploitations agricoles et le BTP, a indiqué le président de la République mercredi soir.

En mars-avril, "on était pris au dépourvu: on n'avait pas de masques, on n'était pas organisé, on n'avait pas les ordinateurs portables pour faire du télétravail", juge aussi Selin Ozyurt, économiste chez Euler Hermes.

Cette fois, les entreprises et l'administration sont mieux préparées pour poursuivre une partie de leur activité durant le confinement, avec des protocoles sanitaires définis.

Le secteur de la construction et une partie de l'industrie devraient être moins pénalisés.

Le "coup fatal"

"Par contre, pour les secteurs qui sont déjà fragilisés, comme la culture, le tourisme, là ça risque d'être un coup fatal", prévient Mme Ozyurt. Ou encore pour les commerces dits "non essentiels", dont les bars et les restaurants, de nouveau fermés durant ce reconfinement.

Un confinement est dur "mais si ça permet de raccourcir la période d'incertitude et de vraiment limiter la propagation de la maladie, l'effet final peut être moins important que d'avoir un semi-confinement comme on a maintenant pendant une période de temps extrêmement longue", avance Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.

Le prolongement des aides et du "quoi qu'il en coûte"

Comment éviter l'effondrement de l'économie? Avec le couvre-feu, le gouvernement avait déjà renforcé un certain nombre de dispositifs d'aide aux entreprises. Emmanuel Macron a assuré que les entreprises touchées par ce reconfinement seraient aidées.

Le détail des mesures sera précisé ultérieurement par le gouvernement mais il a évoqué le chômage partiel pour ceux qui ne peuvent pas travailler, une prise en charge jusqu'à 10.000 euros des pertes des entreprises fermées ou encore un plan spécial pour les indépendants, les commerçants et les TPE.

La prise en charge du chômage partiel à 85% par l'Etat (et l'Unedic) sera prolongée au delà du 1er novembre lorsqu'une entreprise n'a d'autre choix que de mettre tout ou partie de ses salariés en chômage partiel, a aussi déjà annoncé mardi soir la ministre du Travail Elisabeth Borne.

Et Bercy travaille sur une aide fiscale pour inciter les bailleurs à réduire les loyers demandés aux entreprises, sans doute via un crédit d'impôt.

Cela n'empêchera sans doute pas les faillites d'entreprises les plus en difficulté, prédit toutefois Charlotte de Montpellier car "on ne peut pas éternellement soutenir les problèmes de solvabilité des entreprises".

Quel sera le coût pour l'Etat?

Selon Olivier Dussopt, un mois de confinement représente "10 milliards d'euros de dépenses d'intervention". Il faut notamment financer le paiement des salaires via le chômage partiel ou abonder le fonds de solidarité pour les entreprises, créé en mars.

Le gouvernement avait vu large en budgétant ces dispositifs pour la première vague. Il avait provisionné 31 milliards d'euros en 2020 pour le chômage partiel, dont environ 22 milliards ont été dépensés. De même, 9 milliards d'euros avaient été prévus pour le fonds de solidarité et il en reste environ 2 milliards disponibles.

Au total, depuis le début de la crise, l'Etat a mobilisé près de 470 milliards d'euros, dont environ 60 milliards de dépenses effectives, le reste étant des mesures de garanties. Des dépenses qui vont creuser le déficit public cette année, attendu à 10,2% du PIB, mais qui pourrait encore augmenter si de nouveaux crédits devaient être débloqués.

(Avec AFP,  Marie HEUCLIN)

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