
Les compteurs de la crise s'affolent toujours autant. Selon les dernières prévisions de l'Unédic rendues publiques ce mercredi 21 octobre, le taux de chômage au sens du bureau international du travail devrait grimper à 10,5% de la population active en 2020 et redescendre à 9,6% en 2021. Avec plus de 670.000 postes détruits au cours de cette année, l'économie tricolore risque encore plus de s'enfoncer dans la crise.
Après un printemps désastreux et un rebond plus fort que prévu cet été, l'automne s'annonce bien sombre. La mise en œuvre d'un couvre-feu dans les grandes métropoles et le durcissement des mesures pour limiter l'endiguement du virus risquent de freiner les perspectives d'embauches dans les secteurs déjà meurtris par la crise comme la restauration, l'hôtellerie ou encore l'événementiel.
Par rapport à ses projections de février dernier, les statisticiens de l'organisme paritaire, déboussolés par les effets de la crise, ont complètement révisé à la baisse leurs prévisions. Il y a encore 9 mois, avant les premières mesures de confinement, l'Unédic anticipait un chômage à 7,4% d'ici fin 2022 et des comptes au vert. La pandémie a complètement renversé ces prévisions.
"Au premier semestre 2020, 715.000 emplois ont été détruits. Beaucoup de contrats courts et intérimaires se sont arrêtés brutalement. Le chômage indemnisé a beaucoup augmenté. Les gens n'ont pas pu retrouver un emploi pendant le confinement. L'activité a bien rebondi au troisième, plus fort qu'attendu. En revanche, le dernier trimestre devrait être plus mauvais qu'escompté", a expliqué le directeur général de l'Unédic Christophe Valentie lors d'un point presse.
Des comptes dans le rouge
Le solde budgétaire du régime de l'assurance-chômage a plongé cette année. Il devrait atteindre -18,7 milliards d'euros en 2020 et -9,7 milliards en 2021. Les dépenses progresseraient ainsi de 32% cette année pour atteindre environ 54,2 milliards d'euros.
Dans le détail, l'envolée de l'activité partielle a fait exploser les compteurs avec 8,3 milliards d'euros déboursés en 2020 contre 500 millions d'euros anticipés (soit des dépenses 16 fois supérieures à celles prévues). En parallèle, les dépenses pour l'indemnisation des chômeurs ont également accéléré de 4,1 milliards d'euros pour s'établir à 39,1 milliards d'euros. Elles pourraient atteindre 3,2 milliards d'euros l'année prochaine.
Du côté des recettes, les indicateurs sont dans le rouge. L'organisation qui gère les comptes de l'assurance-chômage, prévoient des rentrées de l'ordre de 35,5 milliards d'euros, soit une chute record de 10% par rapport à l'année précédente. Pour l'année prochaine, l'Unédic s'attend à une nouvelle hausse pour atteindre 39,1 milliards d'euros.
Outre la conjoncture et la diminution de la masse salariale soumise aux contributions de l'assurance-chômage pour les salariés et les indépendants (CSG, cotisations patronales), plusieurs décisions ont contribué à diminuer les recettes de l'organisme paritaire. Entre mars et août 2020, les reports de cotisations chômage ont pu plomber les recettes et il est possible que les recouvrements décalés ne permettent pas de compenser totalement le manque à gagner.
Au final, la dette de l'Unédic passerait de -36,8 milliards à -55,5 milliards d'euros. Malgré cette soudaine hausse, la charge des intérêts de la dette serait relativement faible tient à rappeler le bureau de l'Unédic.
De multiples incertitudes
Ces prévisions restent soumises de nombreuses incertitudes et aléas. "C'est un contexte inédit et c'est une situation incomparable. Ce qui rend difficile l'exercice de prévisions. Beaucoup d'incertitudes perdurent avec le couvre-feu et les 20 millions de personnes confinées", a rappelé Christophe Valentie.
En outre, l'application de la réforme de l'assurance-chômage présentée à l'été 2019 a été suspendue par le gouvernement. Cet arsenal de mesures qui prévoyait entre autres un durcissement des conditions d'accès aux indemnités pour les chômeurs, une dégressivité des indemnités pour les plus hauts revenus, a été fortement contesté par les organisations syndicales. Le gouvernement, qui est revenu à la charge sur cette réforme depuis la rentrée, est en discussion actuellement avec les différentes centrales syndicales pour définir les règles à appliquer à partir du premier janvier 2021.
Si la réforme n'était pas appliquée et si on revenait intégralement aux anciennes règles - ce que réclament les syndicats mais ce qu'exclut le gouvernement - le nombre de chômeurs indemnisés serait plus important et la dégradation du solde financier en 2021 serait "à peu près d'1,5 milliard d'euros", selon Eric Le Jaouen, président (Medef) de l'Unédic. Enfin, la question de la dette de l'assurance-chômage sera abordée dans le cadre plus large d'une concertation entre gouvernement et partenaires sociaux à la fin de l'année sur le financement de la protection sociale et un cantonnement de la "dette Covid".