La seconde vague fait plonger le moral des chefs d'entreprise

Après quatre mois de hausses, l'optimisme des chefs d'entreprise chute de 13 points en octobre, selon la Grande consultation des entrepreneurs réalisé par OpinionWay pour La Tribune, LCI et CCI France.
Grégoire Normand
Les entreprises peinent à constater une réelle embellie de leur niveau d’activité. Si 47% observent un niveau d’activité semblable à celui observé à la même époque l’an dernier (+2 points), 46% des dirigeants dressent un bilan plus sombre (+2 points). Le sentiment que c’était mieux hier domine (38%) selon la dernière grande consultation.
"Les entreprises peinent à constater une réelle embellie de leur niveau d’activité. Si 47% observent un niveau d’activité semblable à celui observé à la même époque l’an dernier (+2 points), 46% des dirigeants dressent un bilan plus sombre (+2 points). Le sentiment que c’était mieux hier domine (38%)" selon la dernière grande consultation. (Crédits : Reuters)

La fin de l'année s'annonce périlleuse. Selon la dernière Grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay pour La Tribune, LCI et CCI France, l'indicateur qui mesure l'optimisme chez les chefs d'entreprise s'est dégradé au mois d'octobre pour passer de 84 à 71. Après une chute spectaculaire entre février et mai passant de 92 à 49, cet indice avait progressivement augmenté jusqu'en septembre pour atteindre 84 points. Le déconfinement au printemps avait permis à un grand nombre d'activités de redémarrer. Après un été meilleur que prévu, l'économie française est une nouvelle fois menacée par l'aggravation de la situation sanitaire et le renforcement des mesures pour tenter d'endiguer la propagation du virus. Le reconfinement annoncé par le Président de la République à partir de ce jeudi soir et la saturation des services de réanimation dans certaines régions anéantissent les chances d'un rebond solide de l'activité avant la fin de l'année 2020. Dans un tel contexte, les économistes risquent de noircir leurs prévisions pour le dernier trimestre.

Les craintes s'amplifient dans les petites entreprises

Les résultats collectés par OpinionWay montrent que la peur s'amplifie dans les entreprises de moins de 10 salariés. L'indicateur qui prend en compte les questions de confiance à l'égard de l'évolution de l'économie et d'appréciation de la situation actuelle est passé de 72 à 61. Dans le même temps, la baisse est encore plus impressionnante pour les entreprises de plus de 10 salariés avec un indicateur passant de 84 à 71 entre septembre et octobre. Il reste malgré tout 10 points d'écart entre les différents types d'établissement. Si des grands groupes tels que Renault, Airbus, Air France ont annoncé des licenciements et des fermetures de sites, beaucoup de TPE et PME subissent de plein fouet les effets de la crise sanitaire même si des mesures d'urgence ont été mises en place très rapidement (Prêts garantis par l'Etat, fonds de solidarité, chômage partiel). Beaucoup d'économistes redoutent un effet domino dans certains secteurs meurtris par un printemps catastrophique.

Le sentiment d'inquiétude en forte hausse

La forte hausse de l'inquiétude (+ 5 points) et la baisse de la confiance (-9 points) dominent l'état d'esprit des entrepreneurs au mois d'octobre. Ils sont ainsi 37% à se déclarer inquiets et seulement 30% à être confiants. Enfin, 26% affirment être attentistes dans cette période de fortes incertitudes sanitaires et économiques. Parmi les secteurs les plus inquiets, figurent en premier lieu les services. 41% des répondants expriment ce type de sentiment lorsqu'on les interroge sur les qualificatifs qui les caractérisent le plus. Viennent ensuite les répondants dans le commerce (39%), l'industrie (33%) et la construction. Sans surprise, les secteurs les plus anxieux correspondent peu ou prou aux secteurs les plus exposés et les plus touchés pendant le pic de la crise au premier semestre. Beaucoup d'entreprises du tertiaire à forte interaction physique ou sociale et jugées comme non essentielles pendant le confinement ont dû fermer leurs portes pendant huit semaines environ.

La confiance dans l'avenir en chute libre

Le sentiment de confiance chez les dirigeants à l'égard des perspectives pour les douze prochains mois s'érode sérieusement. Après avoir plongé au printemps passant de 78% à 52% en quelques semaines, la proportion de dirigeants confiants envers leur entreprise a regagné du terrain au cours de l'été avant de rechuter entre septembre et octobre (de 61% à 58%).

Cette érosion est encore plus marquée pour l'économie française et l'économie mondiale. Sur ces deux points, les courbes suivent presque les mêmes trajectoires avec une proportion de répondants confiants passant de 35% à 25% entre juillet et septembre. Malgré cette confiance dégradée, 94% des chefs d'entreprise envisagent de maintenir le nombre de salariés, 5% projettent d'embaucher, enfin 1% pense tailler dans les effectifs dans les douze prochains mois.

83% des entreprises n'ont pas eu recours à un prêt garanti par l'Etat

Face au cataclysme, le gouvernement a rapidement mis en oeuvre des prêts garantis par l'Etat au cours du printemps pour aider les entreprises en difficulté de trésorerie. Malgré des conditions favorables et un renforcement récent du dispositif, une grande majorité des patrons n'a pas eu recours à ce type de prêt (83%). Dans le détail, 67% ont répondu qu'ils n'en n'avaient pas l'intention et 6% y songent mais n'ont pas encore pris de décision. 10% déclarent que leur entreprise n'est pas éligible. Enfin 4% ne savent pas répondre. A l'inverse 13% des répondants indiquent qu'ils ont eu recours à ce mécanisme ou ont l'intention de faire une demande avant le 31 décembre 2020.

Une grande majorité déclare être en capacité de rembourser

En dépit des multiples obstacles à l'activité et de la dégradation des conditions sanitaires, une grande majorité (91%) déclare être en mesure de rembourser intégralement le prêt garanti par l'Etat dans le délai imparti. Parmi ce groupe, 19% répondent par l'affirmative mais avec des difficultés quand 72% déclarent qu'ils le feront sans problème. Enfin, 7% indiquent qu'il seront dans l'incapacité de rembourser de telles sommes. Chez certains économistes, la montée en puissance des prêts garantis par l'Etat pourrait amplifier les phénomènes d'entreprises zombies en France alors que le niveau d'endettement des établissements non financiers est relativement élevé.

Une majorité d'entreprises estiment qu'il faut plus de 4 années pour rembourser un PGE

Actuellement, aucun remboursement n'est exigé la première année et l'entreprise peut choisir d'amortir le prêt sur une durée maximale de six années. Selon les différentes entreprises interrogées, la durée idéale pour rembourser un prêt garanti par l'Etat sans difficulté est supérieure à 4 ans pour 53% des répondants. Récemment, le dispositif du prêt garanti par l'Etat a été prolongé jusqu'à la fin du mois de juin 2021. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a rappelé que 120 milliards d'euros de ces prêts avaient déjà été distribués au 15 octobre.

(*)Méthode : étude réalisée auprès d'un échantillon de 609 dirigeants. L'échantillon a été interrogé par téléphone du lundi 12 au mercredi 21 octobre 2020. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation.

Grégoire Normand
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