L'exécutif a-t-il trouvé la martingale pour accélérer la reprise ?

Par Fabien Piliu  |   |  1218  mots
Comment relancer l'économie tout en réduisant le déficit public ?
Pour relancer l'activité, et parvenir à terme à faire reculer le nombre de demandeurs d'emplois, tout en rééquilibrant les finances publiques, le gouvernement multiplie les mesures pour relancer l'offre mais aussi la demande. Avant les échéances 2017, le pari peut-il être gagnant ?

Azimut 360 : c'est ainsi que les marins pourraient qualifier la politique actuelle du gouvernement pour relancer l'économie, abaisser le nombre de chômeurs tout en réduisant le déficit public. Ce triple pari est ambitieux. Ses objectifs sont-ils atteignables ? Pour François Hollande, le président de la République, la question ne se pose pas. Il a d'ores et déjà déclaré qu'il ne se représenterait pas en 2017 si la courbe du chômage ne s'inversait pas enfin.

Un petit retour en arrière s'impose. En 2013, le gouvernement a commencé par mettre en œuvre une politique de l'offre, s'inspirant en grande partie du rapport Gallois. Le pacte de compétitivité avec le lancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), puis le pacte de responsabilité en 2015 et ses 40 milliards d'euros d'allégements fiscaux prévus sur trois ans, témoignent de cette volonté de soutenir les entreprises.

La consommation résiste mais le gouvernement n'y est pour rien

Un soutien appuyé qui a particulièrement heurté la gauche de la gauche. Pour tenter de ressouder les rangs au sein de la majorité, le gouvernement s'est-il lancé dans une vaste politique de relance ? Pas vraiment. La dernière note de conjoncture de l'Insee est claire sur ce point. Si la consommation résiste tant bien que mal, c'est uniquement parce que la baisse du prix de l'énergie, et notamment du fuel domestique et de l'essence, ont chuté, soutenant ainsi le pouvoir d'achat des ménages. Ces derniers seraient-ils oubliés par le gouvernement ? Le gel du point d'indice des fonctionnaires mais aussi de certaines prestations sociales, notamment les retraites, les allocations familiales et les aides au logement pourraient le faire penser.

Mais le verre n'est pas complètement vide. Soucieux de cajoler les sensibilités de gauche, le gouvernement a fait un geste en faveur de la catégorie la plus modeste de la classe moyenne. La loi de finances 2015 prévoit ainsi la suppression en 2016 de la première tranche d'impôt. Le seuil d'entrée dans l'impôt sur le revenu s'élève à partir de cette année à 9.690 euros annuels, contre 6.011 euros jusqu'ici. " Pour la première fois depuis 2010, un contribuable dont la situation ne change pas ne paiera pas plus d'impôt sur le revenu. L'impôt va baisser ou être annulé pour plus de neuf millions de foyers fiscaux. Leurs avis d'imposition porteront la mention expresse indiquant qu'ils ont bénéficié de cette baisse ", a déclaré mardi Michel Sapin, expliquant qu'environ 3 millions de Français sortiraient en 2016 " purement et simplement de l'impôt ".

Le gouvernement soutient surtout les entreprises

Si les gestes en faveur des ménages sont donc dosés avec la plus grande minutie, les mesures de relance en faveur des entreprises, en attendant les détails du plan de la Commission européenne, sont d'une toute autre ampleur. Le 8 avril en Conseil des ministres, Manuel Valls a annoncé une série de mesures pour relancer l'investissement des entreprises, surtout, des collectivités territoriales, un peu, avec une accélération du remboursement de TVA pour les collectivités qui investissent. Notamment.

La principale mesure de ce plan dont le coût s'élève à 2,5 milliards d'euros est un suramortissement de 40% de la valeur des investissements en installations et outillages industriels qui seront réalisés entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2016. Saluée par la CGPME, cette mesure est " favorable à l'activité économique et au renforcement du système productif ", estime Denis Ferrand, le directeur général de COE-Rexecode. Selon ses calculs, elle est équivalente à une baisse de 0,4 point du taux de l'impôt sur les sociétés tout au long de la durée d'utilisation des équipements concernés par la mesure. " Son impact est de 0,2 % du résultat des entreprises, maintenu pendant cinq ans ", estime l'économiste tout en précisant bien que l'impact de cette mesure sur l'investissement dépendra du comportement qui sera adopté par les entreprises bénéficiaires face à ce surcroît de trésorerie.

Ce point est important. Actuellement, les entreprises bénéficient d'un environnement plus favorable que ces derniers trimestres. La dépréciation de l'euro face au dollar et la chute des cours des matières premières, et notamment des hydrocarbures, renforcent la compétitivité-prix du made in France dans les pays situés hors de la zone euro.

Pourtant, en dépit du redressement du taux de marge, l'investissement ne décolle pas. Le commerce extérieur non plus. Pourquoi ? La France compte trop peu d'entreprises exportatrices, environ 121.000 entreprises contre 350.000 en Allemagne, pour que l'export contribue positivement à la croissance. La compétitivité hors-prix des entreprises françaises est aussi plus faible que celle de leurs concurrentes allemandes.

La crise de 2008-2009 a laissé des traces

Ce n'est pas la seule explication. Le tissu productif tricolore se remet difficilement de la crise de 2008-2009 et des années de croissance molle qui ont suivi. Parmi les entreprises qui ont survécu, beaucoup n'ont plus les reins assez solides pour investir, innover, exporter et embaucher. Il suffit, par exemple, de se pencher sur les statistiques de l'Insee portant sur la période 2012-2013 pour s'en convaincre. Entre 2012 et 2013, le nombre d'unités légales a bondi de 10,5% pour s'élever à 4,2 millions. Une hausse qui s'explique essentiellement par le succès de l'auto-entrepreneuriat.

Mais, toujours sur cette période, le chiffre d'affaires de ces 4,2 millions d'entreprises est resté stable à 3.850 milliards d'euros. Quant à l'excédent brut d'exploitation, il n'a progressé que de 1,13% à 265 milliards d'euros...

La politique du gouvernement consistant à tenter de soutenir à la fois l'offre et la demande peut-elle être couronnée de succès ? Il faudrait que les forces vives et les ménages aient confiance en l'avenir. Actuellement, les résultats des enquêtes de conjoncture sont certes mieux orientés que ces derniers mois. Mais de là à évoquer un retour de la confiance...
Or, sans confiance, point de salut. Les Français peuvent-ils retrouver le sourire ? Des bonnes nouvelles sur le front de l'emploi pourraient les aider à retrouver le moral. Il faudrait que les réformes déjà engagées, par exemple celles contenues dans la loi Macron et le pacte de responsabilité, produisent leurs effets. Toujours très optimiste, le gouvernement est sûr de son fait. Dans une évaluation présentée ce mercredi en conseil des ministres, l'exécutif a estimé que les réformes de l'ensemble du quinquennat de François Hollande permettront de gagner 4 points de PIB et de créer entre 800.000 et 900.000 emplois d'ici à 2020.

Le gouvernement est face à un dilemme

Ce volontarisme peut-il convaincre ? Rien n'est moins sûr. Face à un dilemme - relancer à la fois l'économie et rééquilibrer les finances publiques -, le gouvernement a un double langage terriblement anxiogène qui renforce l'incertitude des acteurs économiques. Une semaine exactement après avoir détaillé son plan de soutien à l'investissement, il a précisé ce mercredi les 9 milliards d'euros d'économies qu'il compte réaliser en 2015 et en 2016. Or, abaisser le déficit public de 3,8% à 2,7% du PIB entre 2015 et 2017 ne devrait pas se faire sans effet négatif sur le tissu économique, ruinant en partie les espoirs placés dans les mesures de relance de l'économie.